Un très joli oiseau, la Niverolle, se voit très rarement en
cage. De son vrai nom, le Plectrophane des neiges (Plectrophanus nivalis
et Montifringilia nivalis), cet oiseau dit encore Pinson de neige se
rencontre en France dans les Alpes et les Pyrénées. C’est le seul embérizidé
qui vive dans les neiges. Il marche à la façon du Pinson, son chant n’est pas
agréable ; c’est sans doute pourquoi il est assez peu apprécié comme
oiseau de cage.
Le Verdier (Chloris chloris et Chlora hortensis)
paraît être intermédiaire entre le Pinson et le Gros-Bec. Il rappelle un peu le
Chardonneret par la couleur de ses ailes. C’est un oiseau vigoureux, plus fort
que le Pinson, vert olive en dessus, vert jaune en dessous. Pendant les
passages, ils s’abattent dans nos jardins, souvent mêlés aux pinsons, linottes
et autres oiseaux. Le chant de cet oiseau, sa voracité et son caractère ne
plaident pas en sa faveur. Cependant il peut intéresser l’éleveur qui désire en
obtenir des métis avec les serins.
Je ne connais pas, en France, d’oiseau de cage plus joli et
plus agréable que le Chardonneret (Carduelis elegans). Cet oiseau a
vraiment tout pour plaire et supporte très bien la captivité. J’en ai connu un
qui est mort après quatorze ans de cage, chez un de mes cousins. Il est d’ailleurs
impossible de dire quel âge il avait alors, puisqu’il avait été pris adulte, à
l’état sauvage.
J’ai remarqué, chez nos oiseaux granivores, de France tout
au moins, que les adultes qui sont capturés à la fin de l’hiver acceptent
beaucoup mieux la captivité que les jeunes qui ont été pris au nid et nourris
un certain temps par leurs propres parents. Ces jeunes meurent souvent à la
prise de couleur, souvent aussi un an environ après leur capture. Les adultes
pris en belle saison ne s’habituent à la cage qu’exceptionnellement. Au
contraire, ceux pris en fin d’hiver s’acclimatent presque tous et très
rapidement.
Vous connaissez tous le Chardonneret, je me dispenserai donc
de le décrire. Je me permets cependant de faire remarquer qu’il n’existe qu’un
seul Chardonneret, le nôtre, le Chardonneret commun ou Chardonneret élégant (Carduelis
carduelis, Carduelis elegans). Les oiseaux dénommés à tort
Chardonnerets dorés, Chardonnerets tristes, Chardonnerets de Sibérie, sont des
exotiques qui n’ont que de très vagues rapports avec notre véritable
Chardonneret. Les deux premiers ne sont qu’un seul et même oiseau,
l’Astragaline triste (Astragalinus tristis) d’Amérique. Quant à celui de
Sibérie, il ne diffère aucunement du nôtre. Si nous en exceptons les Serins,
ou, d’une façon plus précise, les Canaris domestiques, le Chardonneret est
l’oiseau de cage le plus fréquent. On le rencontre à l’état sauvage partout en
Europe ; il est très facile à capturer, se reproduit en volière et même
parfois en cage. Mais, en cage, il s’accouple volontiers aussi avec la femelle
du Canari domestique et donne avec elle de très jolis métis (les mulets) dont
le chant très doux est fort apprécié.
Je ne citerai qu’en passant les Becs-Croisés, d’abord parce
que ces Loxiidés ne sont pas des oiseaux de France, puis parce qu’ils sont très
peu intéressants en captivité.
Les Moineaux, aimés des uns, honnis des autres, peuvent-ils
être considérés comme des oiseaux de cage ? À mon avis, ils n’ont aucune
qualité pour cela : ni beauté, ni chant, ni riches couleurs, et quant au
caractère ... laissons cela, je vous prie. Cependant il y aurait fort à
dire sur les moineaux. Les moineaux recherchent le voisinage de l’homme qu’ils
n’aiment point cependant, car, malgré leur semblant de familiarité, ils ne cessent
de se méfier de lui, non sans sérieuses raisons. Le moineau est intelligent et
observateur. Ces oiseaux sont surtout abondants, en ville, dans les jardins
publics ; à la campagne, autour des fermes. Dans ces deux endroits, ils se
comportent de manières absolument différentes. Très vifs, très gais, très
remuants, querelleurs aussi, les moineaux donnent à nos jardins publics,
surtout à certaines heures, à celle du coucher notamment, une bruyante
animation, animation charmante, animation utile aussi, car les arbres et
arbustes de nos squares sont les premiers à y trouver leur compte. Mais les
heures calmes de la matinée nous présentent un autre reposant spectacle.
Négligemment assis sur un banc, un homme seul, calme, silencieux, aux gestes
lents et arrondis, est entouré d’une véritable bande de moineaux. Très
lentement, sans bouger, d’un simple coup de pouce, peut-on dire, il distribue à
l’un et à l’autre des miettes de pain avec discernement. Le groupe le plus
nombreux se dispute à terre, piaillant et se poursuivant ; mais certains,
animés de plus de hardiesse, osent se percher sur les genoux, sur les bras, sur
les épaules, sur la tête même de leur grand ami ; deux ou trois se
risquent à lui prendre, aux hauts des doigts, au bord des lèvres, une becquée
de brioche. À cette heure matinale, les passants sont rares ; la plupart
même viennent exprès pour assister à ce spectacle touchant. Et qui
prouve ? Bien des choses, croyez-moi. D’abord, que rares sont les humains
qui s’intéressent aux bêtes au point de les aimer et de s’en faire comprendre.
Pensez donc, ils sont bien au-dessus de ces vétilles, ils croiraient déchoir,
ils s’estiment bien au-dessus de tout cela, ils ont bien autre chose à
faire ... Oui, dauber sur le dos des autres, ou prendre bi-quotidiennement
l’apéritif à des heures où conventionnellement on ne saurait avoir soif !
Cela, certes, est utile, intelligent, et développe l’esprit ! Pauvre
humanité vaniteuse et creuse ! eh bien, je vous dis net que le cerveau
d’un petit passereau, d’un moineau, d’un chétif Titi parisien est bien loin
d’être aussi creux que le vôtre. Sans raison aucune, vous méprisez le petit oiseau.
Mais celui-ci sait vous voir, vous étudie et vous juge, et c’est en pleine
connaissance de cause qu’il évite les gamins, les égoïstes graves et qu’il
s’approche avec confiance du philosophe rêveur. Il sait bien qu’il n’a rien à
craindre de celui-ci, bien au contraire.
Et tenez, pourquoi le même oiseau se conduit-il tout
autrement à la campagne, près des fermes ? Exactement pour les mêmes
raisons. Tout simplement parce qu’il sait fort bien que l’homme des champs
n’aime pas le moineau ... autrement que fricassé ! Fort bien, mais
alors, me direz-vous, pourquoi les moineaux viennent-ils en bande autour des
fermes ? Pourquoi ? En vérité, si vous y étiez venu vous-même et
aviez su à peine entr’ouvrir les yeux, vous auriez certainement remarqué qu’il
y a autour des fermes des meules de paille et sur la terre mille graines
éparses. Le moineau est un pillard, ne l’oublions pas, et, à la campagne où il
n’a rien de bon à attendre de l’homme, il se méfie de celui-ci et se débrouille
d’autre part.
Au demeurant, tout pillard qu’il est, il ne faudrait pas
croire que le moineau n’est rien d’autre. La question du moineau utile, la
question du moineau nuisible se soutiennent très bien l’une et l’autre. C’est
d’abord une question de lieu, puis une question de saison. À qui diable voulez-vous
que le moineau puisse nuire à la ville ? À personne. À la campagne, c’est
une autre affaire. Mais il demeure évident que cet oiseau si discuté est
surtout nuisible aux saisons où les récoltes sont dehors : du moment des
semailles à la rentrée des récoltes, soit, j’en conviens, la majeure partie de
l’année, en exceptant toutefois de cette période les semaines de neige. Alors,
que conclure ? Avant même de conclure, il faut faire la balance entre les
bienfaits et les méfaits. C’est la meilleure, c’est même la seule façon de
connaître la vérité. Mais la cause est jugée. Nous arrivons trop tard dans un
monde trop vieux : d’autres y ont pensé avant nous, et Frédéric le Grand
lui-même, après avoir mis à prix la tête du moineau, ce qui lui coûta des
milliers de francs de prime, sa rendit vite compte de son erreur. Les
campagnes, les jardins, les vergers furent envahis par les insectes et les
chenilles, les fruits devinrent rares ; puis les feuilles, les arbres
mêmes ne tardèrent pas à périr ... Les moineaux n’étaient plus là. Il
fallut aller en chercher ailleurs, dans les pays où il y en avait encore !
On a dû, pour la destruction de ces mêmes insectes, importer des moineaux aux
États-Unis, en Australie, etc. Il semble donc bien que, malgré ses méfaits, le
moineau est beaucoup plus un animal utile que nuisible.
Je l’ai dit, vous le voyez, avec raison : le moineau
est plus intéressant à l’état libre qu’en captivité.
Nous ne connaissons, en France, que trois variétés de
moineaux : le Moineau franc ou commun, appelé par certains Moineau
domestique (Passer domesticus), c’est notre pierrot, tout le monde le
connaît ; le Moineau friquet, ou Moineau des champs, qui ne se trouve qu’à
la campagne, en dehors des agglomérations, un peu plus petit que le précédent
et à coloration plus vive (Passer montanus) ; le Moineau d’Italie (Passer
italicus) que l’on voit en Provence et qu’il ne faut pas confondre avec la
Soulcie des rochers ou Moineau soulcie (Petronia rupestris), espèce
voisine qui se rencontre dans le Sud de la France.
Je ne citerai que pour ordre les variétés de moineaux qui
habitent hors de France, tels que les Chrysospizes ou Moineaux dorés (Chrysospiza
lutea), du Sud de l’Arabie ; le Moineau des marais ou des saules (Passer
salicicola) qui vit sur le littoral méditerranéen (Espagne, Grèce,
Afrique) ; le Moineau du désert (Passer simplex), du Sahara ;
le Moineau du Cap (Passer arcuatus), etc.
On trouve parfois chez nos moineaux de France des
aberrations de plumage. En 1932, un de mes correspondants me signalait le cas
d’un moineau noir. C’était le deuxième cas de mélanisme, à ma connaissance. On
rencontre aussi, dans les villages d’usines, des moineaux fortement charbonnés,
mais ici c’est le fait de la fumée et non du mélanisme. On trouve aussi des
sujets jaunâtres (flavisme) et des sujets marqués de blanc (albinisme partiel).
Des sujets complètement blancs (albinisme total) ont été signalés. Je n’ai pas
eu l’occasion d’en voir.
(À suivre).
J. DHERS.
(1) Voir numéros d’avril et mai 1940.
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