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Photographie

La mise au point.

La notion de mise au point est inséparable de celle du diaphragme ; l’une et l’autre exercent sur la formation de l’image des influences qui se complètent et se commandent réciproquement. Il est donc logique de les traiter à la suite l’une de l’autre. Nous avons été amené à nous occuper précédemment de la mise au point classique, celle qui s’effectue sur le verre dépoli des appareils sur pied, supposés d’une certaine dimension, et n’étant pas complétés par un dispositif quelconque de réglage automatique ; il convient aujourd’hui d’aborder le problème d’une façon plus générale, ou plutôt plus moderne, car nous aurons à parler de la mise au point des appareils de petit format, qui n’utilisent que rarement le pied et le verre dépoli.

On se souviendra peut-être que nous avons amorcé cet examen dans un de nos premiers entretiens avec le débutant, et que nous avions cru nécessaire de lui révéler sans plus tarder les règles très simples qui permettent de calculer de tête, ou de déterminer expérimentalement, la distance sur laquelle il convient de régler la mise au point pour un sujet d’une certaine étendue en profondeur, dont les premiers plans peuvent être très rapprochés. Nous n’y insisterons pas davantage pour cette fois, tout en convenant que, pour l’amateur qui n’utilise couramment qu’un seul appareil ou qu’un seul format, le maximum de commodité se trouverait dans l’usage habituel d’un tableau analogue à celui reproduit ci-après et qui est établi pour un objectif de 75 millimètres de foyer. Il indique tout à la fois la distance sur laquelle il convient de mettre au point un sujet dont on connaît l’étendue en profondeur, et l’ouverture maximum à adopter pour que la netteté (au 1/10 de millimètre) soit assurée entre ses deux limites (antérieure et postérieure) mesurées sur le terrain ou évaluées approximativement.

Limite antérieure du champ net.
en mètres et n.
Limite postérieure du champ net (f = 75 m/m).
Infini. 50 » 30 » 20 » 15 » 12 » 10 » 8 »
2 » 4,00
14,00
3,70
13,50
3,50
13,00
3,30
12,50
3,15
12,00
3,00
11,50
2,80
11,00
2,60
10,00
3 » 6,00
9,50
5,65
8,75
5,45
8,40
5,20
8,00
5,00
7,50
4,80
7,00
4,60
6,50
4,30
5,70
4 » 8,00
7,00
7,40
6,50
7,00
6,00
6,50
5,70
6,30
5,20
6,00
4,70
5,70
4,20
5,30
3,60
5 » 10,00
5,60
9,00
5,00
8,50
4,70
8,00
4,20
7,50
3,70
7,00
3,30
6,60
2,80
6,20
2,00
6 » 12,00
5,70
10,70
4,10
10,00
3,80
9,30
3,30
8,60
2,80
8,00
2,40
7,50
1,90
6,80
1,20

L’usage de ce tableau est extrêmement simple : après avoir évalué en mètres (ou en pas étalonnés et traduits en mètres) la distance de la limite antérieure et celle de la limite postérieure, on se reporte à l’intersection des deux bandes ou colonnes commandées par les nombres qui s’en rapprochent le plus ; la case qui leur est commune renferme deux nouveaux nombres, dont le supérieur indique en mètres la distance de mise au point optimum, et l’inférieur caractérise l’ouverture (en fonction du foyer) nécessaire pour obtenir la netteté au 1/10 de millimètre dans toute l’étendue considérée. Supposons qu’il s’agisse d’un groupe ou attroupement de personnages dont le plus éloigné est à une distance de 20 mètres de l’appareil, tandis que le plus rapproché n’en est qu’à 5 mètres ; nous trouvons, à l’intersection des deux bandes ou colonnes affectées de ces indices, une case indiquant 8 mètres pour la distance du plan de mise au point, et f/4 pour l’ouverture-limite du diaphragme (pour un foyer de 75 millimètres et une netteté au 1/10 de millimètre). Dans la pratique courante, on est amené à « arrondir » les distances et à adopter les ouvertures se rapprochant le plus de celles indiquées ; on peut également placer l’index entre deux graduations de l’échelle, en adoptant une position intermédiaire qui se rapproche « à vue d’œil » de celle qui serait conforme à l’indication du tableau.

Lorsque le débutant à qui sont destinées ces notes aura fait de nouveaux progrès, nous le familiariserons avec la méthode très simple qui permet d’établir des tableaux analogues pour tous les foyers qu’il peut avoir à utiliser. Auparavant, nous devons l’entretenir de la distance hyperfocale, et lui apprendre en premier lieu que l’on peut connaître la distance hyperfocale d’un objectif avec une ouverture relative donnée, au moyen d’une formule générale dont l’application pratique se résume à porter au carré le foyer, exprimé en centimètres, et à diviser le produit par le rapport d’ouverture utile. C’est ainsi qu’un objectif de 75 millimètres de foyer, utilisé avec l’ouverture f/8 a son hyperfocale à 7 mètres environ. La mise au point sur l’infini d’un objectif de 75 millimètres de foyer ouvert à f/8 donne une image nette de tous les objets situés au delà de l’hyperfocale, c’est-à-dire distants de 7 mètres au moins. Mais nous devons nous empresser d’ajouter que, si la mise au point est réglée pour cette hyperfocale, en allongeant convenablement le tirage de l’appareil, la limite antérieure du champ de netteté est ramenée à une distance deux fois moins considérable, soit 3m,50, la limite postérieure demeurant à l’infini. On voit quelle ressource précieuse on peut trouver dans cette propriété des objectifs photographiques, soit dans le réglage des appareils à tirage fixe, soit plus souvent encore dans la recherche de la plus grande netteté répartie sur les différents plans d’un sujet d’une certaine étendue en profondeur. Mais il faut avoir soin de baser les calculs sur l’hyperfocale correspondant au diaphragme utilisé dans l’opération, et non pas sur l’hyperfocale absolue de l’objectif à sa plus grande ouverture, ce qui aurait pour résultat d’avantager souvent les plans éloignés au détriment des plans plus rapprochés, qui sont précisément les plus intéressants.

La mise au point des appareils à tirage fixe est réglée en fabrication pour donner le maximum de netteté, non pas aux lointains (qui correspondent à ce qu’on appelle l’infini), mais à des objets situés à l’hyperfocale, c’est-à-dire à la distance minimum admettant à pleine ouverture une netteté du degré que l’on se propose d’atteindre en raison de la nature du sujet, de la dimension de l’image et aussi de sa destination. Il est évident, par exemple, que l’on doit assurer aux clichés destinés à l’agrandissement une netteté plus poussée, qui, selon les circonstances, sera de l’ordre du 1/20 de millimètre, ou bien sera qualifiée de netteté au 1/1.000, ou même au 1/1.500 du foyer pour les formats très réduits, ce qui modifie les données du problème.

Un préjugé tenace, qui eut longtemps l’autorité d’un article de foi, voulait que la distance focale d’un objectif fût directement affectée par les variations d’ouverture du diaphragme. Cette croyance n’a plus cours maintenant ; aussi sommes-nous à l’aise pour en rechercher l’origine. Nous pensons l’avoir trouvée dans la constatation suivante, dont on peut vérifier aisément l’exactitude : en réduisant le diamètre du diaphragme, on augmente automatiquement l’épaisseur du volume focal, en rapprochant de l’appareil la limite antérieure du champ. C’est un fait bien connu ; mais, ce que l’on ne sait pas assez, c’est que cette amélioration est, ou peut être, à deux degrés : il y a d’abord le bénéfice d’une augmentation de la netteté dans les premiers plans ; puis, il y a encore la possibilité de rapprocher davantage la limite antérieure du champ net par l’allongement méthodique de la distance focale, dans la mesure ou il peut être pratiqué sans que la limite postérieure cesse d’être à l’infini. Il est vrai que cette hypothèse ne peut être envisagée que dans le cas où, par construction, l’appareil donne la possibilité d’effectuer cette petite extension du tirage, et ce n’est pas dans les appareils à tirage fixe que l’on peut trouver cette faculté. Ceci suffirait à établir d’une façon irréfutable que le tirage fixe, pris dans son sens le plus strict, ne fournit pas les mêmes ressources que le tirage variable, automatique ou non, et c’est là le seul bénéfice que nous voulons retirer actuellement de cette indication.

Jacques BÉRYL.

Le Chasseur Français N°600 Juin 1940 Page 381