Parmi les moyens nécessaires à connaître, le piégeage est
très certainement le plus important pour se débarrasser des nuisibles. Il
comprend deux parties qu’il faut absolument posséder pour réussir : En
premier lieu, la connaissance des engins dont on peut disposer et leur
emploi ; en second lieu, la connaissance des animaux qu’on désire
capturer.
De ces deux connaissances résultent : le choix de
l’engin à employer ; le lieu où l’on doit le poser ; la façon de le
tendre (avec ou sans appât) et au besoin le choix de l’appât à employer.
De plus, il y a dans le piégeage une théorie
indispensable à connaître, qui peut s’acquérir par la lecture de bons manuels
de piégeage, et une pratique aussi indispensable, que l’on acquiert seulement,
sur le terrain.
Il est hors de doute qu’un garde qui aime son métier et qui,
de plus, est bon observateur et travailleur peut très rapidement devenir un
excellent piégeur en s’assimilant la théorie et la pratique.
L’observation joue en effet un rôle primordial dans le piégeage.
Bien des gens ne sont pas rompus à ce travail d’observation ; c’est là une
gymnastique visuelle qui demande beaucoup d’entraînement. Savoir regarder est
un art. Faites passer dix gardes sur un parcours déterminé et sans les prévenir
de ce que vous attendez d’eux. Posez-leur ensuite des questions sur ce qu’ils
auront remarqué pendant ce parcours ; vous serez rapidement fixé sur la
valeur du « coefficient observation » à leur attribuer par leurs
réponses. Or la capture d’un animal dépend souvent d’une simple petite
observation judicieusement faite.
Une empreinte dans la boue ou dans la poussière, un poil
resté accroché à une ronce, un passage révélé par des herbes foulées, etc. Il
faut en effet déterminer la présence du nuisible et l’identifier avant de faire
quoi que ce soit pour le capturer.
Par ailleurs, le piégeage est une école de patience. Il faut
savoir choisir son heure, ne pas se presser, préparer son terrain de longue
date, le surveiller chaque jour, se mettre en quelque sorte tous les atouts en
main avant d’entamer la lutte. Ce temps, qui peut paraître perdu, n’est que du
temps gagné, car il décuple les chances de succès.
Il arrive bien en piégeage, comme en toutes choses, des
« coups heureux » ... « Aux innocents les mains
pleines », selon le dicton, mais il ne faut jamais tabler sur la chance.
J’ai connu des gardes à qui la chance avait donné sa bénédiction, tel un garde
du Loiret qui n’avait jamais touché un piège et qui à la première tendue
captura deux loutres dans la même nuit ; ... tel autre qui décrocha
une fouine au premier jardinet qu’il monta de sa vie de
piégeur .... ; mais ces événements ne sont que purement accidentels,
il faut considérer la chance comme l’escompte des paresseux. Je ne veux pas
nier son existence, mais, à aucun moment il ne faut tabler sur elle. La
première chance, pour un piégeur, c’est de se trouver dans une région où il y a
des nuisibles. Combien de fois ai-je assisté aux conversations des gardes
portant sur le chiffre de leurs captures ! Que déduire de ce chiffre ?
En premier lieu, que le garde était dans une chasse ou une région bien mal
tenue ou bien mal entourée si ce chiffre est imposant ; en second lieu, il
est indubitable que, dans ce cas, le garde a su s’emparer de ces nuisibles.
Mais, si le chiffre du tableau est nul ou presque, on ne peut rien déduire du
tout, car il peut très bien se faire que, même excellent piégeur, le garde
n’ait pas eu à exercer ses talents, faute de nuisibles. On peut également
trouver un garde présentant un tableau copieux en renards et nul en blaireau ou
en loutre, et ceci pour la même raison. L’école des gardes de Cadarache offrait
un avantage sérieux en ce sens qu’elle initiait tous les gardes qui y passaient
à tous les modes de piégeage, pour tous les nuisibles, sans tenir compte de
ceux qui ne figurent que rarement dans leur région. Les gardes qui sortaient de
l’école possédaient donc un « bagage piégeage » que je considère
personnellement comme supérieur à la moyenne de celui de certains gardes
particuliers, et comme très largement supérieur à celui des gardes des sociétés
communales. Tous les gardes qui m’ont été confiés ont toujours fourni le
maximum d’efforts, et je souhaite que les résultats obtenus aient donné
satisfaction à leurs Fédérations. Il serait du reste fort intéressant de
connaître l’avis de celles-ci à ce sujet. Je parle bien entendu pour les
Fédérations qui ont bien voulu comprendre la nécessité du piégeage.
A. CHAIGNEAU.
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