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Alimentation des poissons

Une pierre d’achoppement.

— La principale cause des aléas que l’on éprouve dans la pisciculture, qu’il s’agisse de cyprins ou de salmonidés, est imputable à la défectuosité ou à l’insuffisance de la nourriture. En effet, qu’il s’agisse d’élevages d’amateurs ou de professionnels, on ne perdra pas de vue qu’il est impossible d’obtenir un accroissement normal des poissons dans les pièces d’eau surpeuplées, si on ne complète pas les ressources naturelles des mares, des étangs, des viviers, des rigoles, etc., par des distributions complémentaires de nourriture appropriée à l’espèce de poisson que l’on exploite. D’ailleurs, dans les bassins surchargés, outre que l’alevinage y est matériellement impossible, on ne peut obtenir que des poissons difformes, efflanqués, manquant de chair, coriaces et incomestibles.

Les aliments naturels.

— Les pièces d’eau sont loin d’avoir même valeur nutritive en proies vivantes (insectes, larves, vers, mollusques, daphnies, infusoires, crustacés, etc.), qui constituent la faune aquatique habituelle des eaux vives et mortes, non compris le frai de poissons, de batraciens, les alevins et la « blanchaille », surtout recherchés par les poissons carnassiers.

Mais la source de nourriture la plus importante pour les cyprins est constituée en grande partie par les plantes aquatiques immergées, notamment les callitriche, charagne, cornifle, élodéa, isoètes, lobélias, myriophylle, potamots, etc.

Enfin, il faut ajouter l’apport des eaux sauvages qui, en dévalant les déclivités, entraînent avec elles les matières organiques les plus diverses, telles que excréments du bétail, détritus des récoltes, excreta de la végétation fournis par les champs, les prés, les bois, les vignobles, etc.

Les aliments artificiels.

— Les bassins, les mares et les étangs exploités pour la production intensive du poisson ne sont pas toujours placés pour bénéficier d’apports naturels importants. Aussi, doit-on s’efforcer de les enrichir artificiellement. Ainsi, s’il s’agit de nourrir des salmonidés, on favorisera la production carnée, en créant des asticotières, des verminières et on élèvera des daphnies, des crevettes d’eau, etc.

Si cela ne suffit pas, on fera des distributions de sang cuit ou de sang frais défibriné, de rate, de foie, de pulpe de viande, de déchets d’abattoirs ou d’autres substances animales, suivant l’âge des pensionnaires.

Aux cyprins (carpes et tanches), qui peuplent surtout les eaux mortes, on fera également des distributions de matières carnées ; mais c’est surtout aux denrées d’origine végétale que l’on aura recours pour faire de la suralimentation, en choisissant les plus économiques.

Pour mémoire, citons : les épluchures ménagères, divisées ou cuites, les salades, les choux et autres légumes passés au hachoir, les drèches de brasserie, les pulpes de féculerie, de sucrerie, les racines et les tubercules cuits, les fruits avariés, le marc de café, de raisin, de pommes, les farineux et les tourteaux dépréciés, et surtout les fumiers de porc et de mouton.

Certains étangs, de par leur situation topographique, orographique et géologique, sont toujours plus « engraissants » que d’autres. Les plus maigres sont alimentés par des terrains sourceux, ou en cuvette, situés au fond des bois, ou dans des marécages où le bétail ne paît pas. Ces eaux acides sont pauvres en proies vivantes et en plantes aquatiques comestibles ; elles ne conviennent guère qu’aux tanches et aux carpes, à condition de les nourrir artificiellement et économiquement.

Dans tous les cas, la nourriture distribuée, qu’elle soit d’origine végétale ou animale, devra toujours être déposée vers l’aval, jamais en amont, pour éviter de polluer les eaux, surtout lorsque leur débit est faible, en tenant compte de la densité en population et de la saison, l’appétit des poissons étant en rapport avec la température de l’eau. Au-dessous de 9° et au-dessus de 25°, on s’abstiendra de donner à manger.

Conduite d’un étang.

— Un étang de première qualité peut nourrir, à l’hectare, jusqu’à 400 carpes et tanches, accompagnées d’une dizaine de brochetons, le tout âgé de dix-huit à vingt-quatre mois. Les étangs de deuxième qualité, et ceux de troisième qualité, ne pourront nourrir respectivement que 300 et 200 pensionnaires, à moins de parfaire la nourriture naturelle par des distributions complémentaires, faites au moment opportun, et en quantité suffisante. Même dans les bons étangs, on obtient un gain appréciable de poids, en donnant quelque peu à manger. En partant d’alevins de deux ans, les carpes suralimentées devraient peser 1.250 grammes et les tanches 750 grammes à la fin de leur deuxième année de pose, alors qu’elles pèseront un bon tiers de moins si on les néglige.

Dans les étangs très vaseux et peu oxygénés, la tanche est le poisson le plus rustique, celui qui convient le mieux. Sa chair est d’ailleurs très estimée, à condition de la faire « dégorger » par le séjour d’une quinzaine de jours dans une eau courante.

J.-B. NICOLAS.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 405