Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°601 Septembre 1941  > Page 409 Tous droits réservés

Athlétisme

Le départ du sprinter.

Parfois nous voyons des profanes s’étonner des précautions et des attitudes dont s’entoure le coureur à pied au départ d’une course de vitesse et sourire de sa position un peu comparable à celle du kangourou prêt à la détente.

On aurait pourtant tort de croire qu’il s’agit là d’un geste superflu ou de coquetterie, pour « épater le public ». Il est, au contraire, nécessaire pour un sprinter de choisir la position de départ la plus favorable pour lui faire gagner au départ quelques fractions de seconde et pour lui permettre d’être tout de suite en pleine action, puisque, en matière de sprint, chaque dixième de seconde gagné représente des semaines d’entraînement ou de travail technique, et chaque dixième de seconde perdu représente à l’arrivée un retard de près d’un mètre. N’oublions pas, en effet, que, par exemple, le 100 mètres, course type du sprinter, est couru par les grands champions entre 10 secondes et demie et 11 secondes, et que déjà le sportif qui les parcourt en 13 secondes peut être considéré comme au-dessus d’une très honnête moyenne.

Il faut, au contraire, dès leurs premiers contacts avec la piste, apprendre aux jeunes à prendre un bon départ, qui est une condition sine qua non de ses succès futurs. Les conseils élémentaires qui suivent nous paraissent l’A. B. C du problème, auxquels le sprinter, devenu champion, apportera selon sa morphologie propre les modifications qu’il éprouvera utiles si besoin. Ce problème consiste à obtenir l’instantanéité du passage de la position « non contractée » qui précède le départ au rendement maximum et immédiat qu’il devra réaliser dès le coup de pistolet. À la détente musculaire optimum s’ajoute donc l’adaptation psychique nécessaire. Car le départ d’une grande épreuve comporte une certaine émotion, d’autant plus que le sprinter de classe est souvent un grand nerveux, qui va jouer dans une épreuve de quelques secondes le fruit de longs mois de travail. Il relève aussi d’une sorte d’aérodynamique, si j’ose comparer le châssis humain à celui d’une automobile ou d’un avion.

La position de départ dite « à l’américaine », quasi unanimement adoptée, est bien connue : s’accroupir sur le sol, en arrière de la ligne de départ. Le genou droit repose sur le sol, sur la même ligne que les mains, le pied droit piquant le sol de la pointe. Cette flexion du pied, qui « casse la semelle », a pour but de le fixer et d’éviter le dérapage au moment de la détente. La jambe gauche est fléchie au maximum, le genou venant au contact de la poitrine, le pied gauche reposant sur le sol, presque à plat, le talon légèrement surélevé. Le corps, dont le poids se porterait ainsi en avant, est étayé par les deux mains, les doigts tendus ou légèrement fléchis servant de point d’appui. Cette position est celle à observer au premier commandement du starter : « Préparez-vous », qui ne doit pas excéder une demi-minute.

Au deuxième commandement : « Attention », ou bien « Prêts ! », l’homme se soulève en décollant du sol son genou droit et en s’élevant légèrement sur les mains. Il se trouve ainsi en équilibre instable, prêt à tomber en avant.

C’est cet instant précis qu’un bon starter doit choisir pour tirer son coup de pistolet, signal du départ, au premier jet de fumée duquel le chronométreur déclenche son aiguille, L’homme pousse alors tout son corps en avant, avec le maximum de puissance et de vitesse, de sa jambe droite, d’arrière en avant, comme un lance-pierre qui se détend, cependant que la jambe gauche, se redressant à la verticale, contrebalance cette action et évite la chute. Si bien que le coureur, soumis à deux forces, l’une horizontale, l’autre verticale, ayant pour résultante un bond incliné, se trouvera immédiatement en pleine action. C’est à ce moment précis qu’il ressent l’utilité de cette position préparatoire. À chaque foulée, son corps se redressera progressivement et, après quatre ou cinq foulées, il aura acquis sa pleine vitesse.

Plus tard, il apprendra à « caler » ses pieds dans deux trous qu’il creusera à distance convenable et individuelle pour chacun de nous, pour mieux « appuyer » sa détente, dont le calage sera ainsi d’autant mieux assuré qu’il court avec des souliers munis de pointes.

Pour les débutants, il convient de commencer chaque séance d’entraînement par plusieurs exercices de départ, en se contentant d’une distance de 25 à 30 mètres pour ne pas les fatiguer, après lesquels ils reviennent à leur point de départ et recommencent jusqu’à bonne exécution.

Le psychisme joue, nous l’avons dit, son rôle. C’est ainsi que nous avons remarqué le calme imperturbable, au moins apparent, des phénomènes noirs vainqueurs des derniers jeux olympiques, contrastant avec la nervosité si fréquente de tant de vedettes européennes, qui vient peut-être de leur race, mais qui relève sans doute aussi de la sécurité que donne aux grands champions leur confiance en leur classe et en leur supériorité.

J. ROBERT.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 409