Cultures sans terre.
— M. F. Fauveau, arbitre-rapporteur auprès du Tribunal
de commerce de la Seine, me transmet le résumé d’une méthode de culture publiée
par un de nos confrères quotidiens (23 décembre 1939) :
« Avant tout pas de terre, Ses graines sont placées
sur des tôles perforées que l’on met dans des bassins en fer ou en ciment. Une
tuyauterie conduit dans ces bassins de l’eau attiédie, contenant des sels en
dissolution qui font pousser les légumes. Que pensez-vous de cette méthode
culturale, au point de vue pratique ? De quelle nature et en quelle
proportion doit-on employer les sels en dilution ! »
Nous ne pensons pas que cette méthode puisse être employée.
Tout au plus peut-elle s’appliquer à la culture de certaines plantes aquatiques
feuillues, dans le genre du cresson de fontaine. Mais, pour la production
légumière proprement dite, qu’il s’agisse de carottes, de navets, de pommes de
terre, de choux, de haricots, etc., l’eau, même fertilisée, n’est pas un
substratum qui leur convient, et ledit nouveau procédé est absolument utopique.
Sans doute, il est toujours possible de faire germer des
graines sur des tôles tenues dans un milieu maintenu à une température et à une
hygrométrie convenables et d’alimenter ces plantes, pendant un certain temps,
par les radicelles qui iront puiser les sels nutritifs dans le liquide
sous-jacent, en passant par les perforations de la grille ; mais leur
développement se fera toujours d’une façon incomplète, les racines manquant de
support pour se soutenir et se développer. Les plantes aériennes même
s’affaleront piteusement sur les tôles, avant de fructifier, et l’on ne pourra
récolter ni racines, ni tubercules, ni graines.
Cela n’empêche pas que les solutions salines peuvent être
employées, et qu’elles le sont depuis longtemps déjà pour nourrir les plantes
en pots, ainsi que les légumes en plein carré, sous forme d’arrosages, mais
toujours à très faibles doses. Les principes fertilisants, en descendant entre
les molécules terreuses, arrivent en contact avec les racines qui les
assimilent immédiatement. À condition d’éviter la stagnation aqueuse, l’eau
fertilisée peut rendre de grands services dans la culture maraîchère. Une bonne
formule générale pour les plantes potagères autres que les légumineuses est la
suivante :
Phosphate précipité | 60 grammes. |
Nitrate de soude ou de chaux | 60 — |
Sulfate de potasse | 50 — |
Eau | 100 litres. |
Fumier d’herbe.
— Le fumier, quoi que l’on dise, restera toujours
l’engrais de fonds le plus précieux, celui dont on ne peut pas se passer longtemps,
sans risquer de frapper les terres de stérilité. Un abonné de Limoges, qui a
fort bien compris la haute valeur agrologique de la matière organique, et son
action sur la production légumière, m’écrit en substance :
« Je possède un potager de 600 mètres carrés. Dans
l’impossibilité de me procurer du fumier naturel, ne pourrais-je utiliser les herbes
de mes pelouses, superficie 3.000 mètres carrés, pour fabriquer du fumier
artificiel, en y ajoutant les feuilles mortes de mon parc et tous les détritus
de la maison ? »
Avec les ressources dont il dispose, mon correspondant peut
produire deux fois plus de fumier qu’il ne lui en faut pour fertiliser son
potager, et ce fumier sera aussi bon, sinon meilleur, que celui d’étable, en
s’y prenant ainsi qu’il suit :
Faucher les pelouses deux fois l’an et stratifier les
herbes, par couches alternées de feuilles mortes, en saupoudrant les lits avec
une petite quantité de cyanamide (azotate de chaux). Il suffit de maintenir une
bonne fraîcheur dans le tas, en y déversant des purins, des urines ou des eaux
quelconques, pour que la matière organique se transforme rapidement en humus.
Le fumier obtenu sera très riche en azote, si l’on a épandu 12 kilogrammes
de cyanamide par mètre cube de fumier.
Ce procédé de transformation n’est pas aussi avantageux que
si l’on employait les herbes des pelouses pour nourrir des lapins. En effet, tout
en produisant de la viande, on obtiendrait naturellement du fumier, que l’on
saupoudrerait légèrement de cyanamide, lorsqu’on y ajouterait d’autres détritus,
feuilles mortes, etc. En humidifiant convenablement le fumier à la cyanamide
sera en beurre noir après trois ou quatre mois de séjour en tas.
Méfaits des courtilières.
— « Je ne puis plus rien repiquer dans mon
jardin. Les beaux plants que je mets en terre, qu’il s’agisse de salades, de
choux, d’aubergines, etc., sont coupés par les taupes-grillons les jours qui
suivent le repiquage, plus particulièrement lorsque je les arrose pour
faciliter la reprise. Que me conseillez-vous ? »
Vous commettez une double faute : 1° en ne détruisant
pas vos courtilières par le poison, ou autrement ; 2° en arrosant
seulement le pied de vos plants, car la fraîcheur attire les cisailleurs de
tout acabit qui viennent mordiller les collets et, le lendemain, vos repiquages
sont sur le flanc, en train de sécher et de mourir.
Dans tous les terrains infestés, et même dans les autres, on
aurait intérêt à arroser toute la surface du terrain, au lieu de se limiter à
borner le pied des plants ; mais il faudrait, pour conserver l’humidité,
empêcher l’évaporation par un paillis, épandu sur toute la surface du terrain.
Les résultats seraient bien meilleurs que si l’on arrosait seulement au pied.
Les poireaux blancs.
— « Comment s’y prendre pour avoir des poireaux
blancs et tendres, comme ceux obtenus par les maraîchers de profession ?
Les miens sont verts jusqu’au plateau et peu appétissants. »
C’est une question de « procédure » culturale.
Pour récolter des poireaux tendres et bien blancs, on les cultivera
exclusivement dans des terres riches et abondamment fumées. On devra, en outre,
les repiquer profondément jusqu’aux premières feuilles, dans des sillons
creusés à la serfouette, à 30 centimètres d’espacement. À l’arrière-saison,
à la suite des désherbages et des binages, les rayons se trouvent comblés et
les pieds partiellement enterrés blanchissent et deviennent tendres
naturellement : ce n’est pas plus difficile que cela.
Les arrosages désastreux.
— Un abonné de la Meuse m’entretient de la question des
arrosages :
« Ayant fait creuser un puits dans mon jardin et
pouvant maintenant arroser mes carrés à la lance, je suis très surpris de ne
pas obtenir des résultats meilleurs qu’avant mon installation. Je croirais
plutôt qu’ils sont plus mauvais. Mes légumes ne poussent pas
mieux ... »
N’oubliez pas qu’il est préférable de ne pas arroser du tout
que de le faire avec de l’eau froide, car les plantes, de même que les animaux,
sont très sensibles aux réfrigérations, surtout lorsqu’elles se trouvent dans
une ambiance (air et terre) surchauffée par le soleil. Une douche d’eau glacée
produit une réaction brutale qui provoque des congestions ; les tissus
végétaux s’en trouvent mortifiés, ou leur croissance s’en ressent. C’est ce qui
a lieu quand on arrose les plantes, par une température de 30° à 35° avec de
l’eau de puits à 10° ou 11°, notamment lorsqu’on la répand sur des végétaux
frileux et fragiles, dans le genre des melons, des aubergines, des tomates, des
cornichons, des haricots, etc. Sur toutes ces cultures et d’autres encore, il
vaut mieux s’abstenir que d’arroser avec de l’eau de puits ou de citerne, sans
la faire attiédir au préalable par une exposition assez prolongée à l’air, en
plein Midi.
Donc, quel que soit le procédé d’arrosage adopté, que ce
soit à la lance, au tourniquet, à la pomme, etc., l’eau devra séjourner dans
des bassins peu profonds et découverts, jusqu’à ce que leur contenu soit à peu
près à la température de l’air, ce qu’il est facile de contrôler à l’aide d’un
thermomètre. Ainsi on évitera la contraction et la dilatation brusques des
tissus végétaux pouvant occasionner leur mort.
Culture des raisins de table.
— « Je possède 20 pieds de vigne montés
sur fil de fer. Quels sont les engrais à appliquer et les travaux à effectuer
pour avoir une récolte abondante et soutenue de bons raisins de
table ? »
Le sujet est trop vaste pour être développé dans les
« Lettres de ma plate-bande ». Comme fumure, arrangez-vous de manière
à fournir alternativement, de deux ans l’un, tantôt une application de fumier
de ferme, tantôt un épandage d’engrais chimiques complets, que vous trouverez
dans le commerce, si vous ne voulez pas effectuer le mélange vous-même.
Quant aux travaux, ils sont les mêmes qu’au vignoble :
ils consistent en binages, ayant pour double but la destruction des herbes et
l’ameublissement du terrain. Effectuez la taille par principe, en conservant
seulement un œil, en plus du bourrillon, si votre cépage est du chasselas.
Enfin, pendant toute la belle saison, défendez vos vignes contre les attaques réitérées
du mildiou, du black-rot et de l’oïdium, en faisant de fréquentes
pulvérisations de bouillie bordelaise à 2 ou 3 p. 100, surtout pendant les
périodes chaudes et humides, sans oublier les poudrages à la fleur de soufre.
Potentille fraisier et pas-d’âne.
— « Tout le bas de mon jardin est envahi par le
faux fraisier et le pas-d’âne. Comment faire pour m’en
débarrasser ? »
La potentille et le pas-d’âne sont l’indice d’une terre un
peu fraîche et acide. Ces deux plantes vivaces sont souvent accompagnées par
les renoncules (boutons d’or) et, pour arriver à s’en débarrasser, on soumettra
le terrain envahi aux façons ci-après :
En premier lieu, à l’arrière-saison, on épandra en
couverture 8 à 10 kilogrammes à l’are de scories de déphosphoration, qui
apporteront l’élément calcique favorable à la neutralisation du terrain. On
effectuera ensuite un labour profond, en ramenant à la surface la majeure
partie des rhizomes et des grosses racines trouvées en terre. L’hiver passé, on
effectuera un semis ou une plantation de légumes précoces, pommes de terre,
carottes, choux de printemps, etc., qui nécessiteront de nombreuses façons
successives. Après la récolte, pratiquer un deuxième bêchage, suivi de nouveaux
semis ou repiquages (pois, haricots, navets, poireaux, etc.), qui, par leurs
façons subséquentes, feront disparaître les potentilles et les pas-d’âne
rescapés.
Un autre mode de destruction des plantes encombrantes et
nuisibles, c’est l’emploi des substances caustiques, épandues au pulvérisateur,
au début du printemps, à l’époque où elles sont tendres et vulnérables. On
peut, pour cela, utiliser l’acide sulfurique en dilution à 12 p. 100 dans
l’eau, la sylvinite dissoute à 20 p. 100 et, surtout, le chlorate de soude
à 2 p. 100.
Adonis LÉGUME.
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