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Cidrerie

Le poiré et sa fabrication.

La fabrication du poiré est analogue à selle du cidre, mais la qualité de cette boisson est essentiellement liée à l’époque du brassage qu’il faut savoir choisir. Les poires blettissent plus ou moins vite selon les variétés. Ainsi des poires qui ne paraissent pas assez mûres aujourd’hui peuvent l’être trop dans trois ou quatre jours ; si les fruits sont en couche un peu épaisse, le jus s’écoule sur le sol ; il y a perte en qualité et en quantité. Le meilleur moment pour le brassage des poires est indiqué quand elles commencent à céder sous la pression du doigt ; ne pas attendre le blettissement. Le broyage est généralement plus difficile qu’avec les pommes.

Lorsque les poires sont écrasées au degré voulu, il est d’usage, dans la majorité des centres où l’on s’adonne à cette fabrication, de les soumettre de suite à la pression. Cette hâte est justifiée le plus souvent pour deux raisons : quand les poires ont une composition normale ou sont dans un état de maturité avancée, ou Bien encore lorsqu’on veut obtenir un poiré absolument incolore.

Il est cependant rationnel de procéder au cuvage, toutes les fois que les poires possèdent beaucoup de tanin et d’acidité, pour que ces deux éléments, surtout le premier, subissent, sous l’influence d’une diastase et du contact de l’air, une diminution sensible, en même temps que les essences localisées dans l’épiderme se dissolvent en partie. Mais comme le jus de poires, plus encore que celui de pommes, est sensible au bacille acétique, il ne faut pas prolonger le cuvage au delà de douze à dix-huit heures, si la température n’est pas trop élevée, tout en le tenant, autant que possible, dans des cuves fermées.

La pulpe, après ou sans cuvage, est portée sur la maie ou dans la cage du pressoir, pour y être distribuée en couches séparées par de la paille de seigle qu’il conviendrait d’ailleurs de remplacer par des toiles spéciales qui facilitent le drainage du marc.

On s’est beaucoup occupé du rendement en jus des pommes, mais non de celui des poires. On a écrit que le rendement de ces dernières était le double de celui des pommes : cela est erroné. Dans la pratique, si l’on constate parfois un grand écart, cela provient presque toujours de ce que les pommes renferment beaucoup de matières pectiques qui, combinées avec l’eau naturelle, forment une sorte de gelée ne pouvant s’écouler. Mais les variétés qui en contiennent peu, les pommes aigres, par exemple, se rapprochent beaucoup des poires à ce point de vue. En réalité, le rendement théorique de la pomme ne saurait guère dépasser 95 à 96 p. 100, et celui de la poire, 96 à 97,50 p. 100. Qu’on en est loin pratiquement, puisqu’on ne retire au maximum que 80 p. 100. La faculté relative avec laquelle la pulpe de poire se laisse dépouiller de ses principes constituants exclut l’utilité du rémiage du marc, du moins dans les bonnes récoltes, et le poiré est ainsi de richesse alcoolique supérieure, atteignant parfois 8 degrés.

La fermentation sera précédée de la défécation du moût. À cet égard, rappelons qu’il existe des variétés de poires dont la richesse en pectases permet une clarification rapide, telles que : Longuet, Rouget, Bec d’Oie, Caubert, etc., variétés existant dans l’Orne.

C’est au cultivateur à associer, dans ses mélanges de poires de même maturité, les fruits reconnus favorables à une bonne coagulation.

Une défécation incomplète donne souvent un poiré blanc, opalescent, trouble, de conservation difficile.

Comme le poiré durcit plus vite que le cidre, on le consomme dans l’année qui suit sa fabrication, mais il est surtout goûté quelques semaines après.

La valeur du poiré augmente par la mise en bouteilles, et il est alors possible de le conserver plusieurs années. Les bouteilles utilisées seront des champenoises.

Le poiré peut être utilisé pour le coupage des cidres, quand ceux-ci sont ordinaires ou de qualité secondaire ; mais ce coupage n’est pas recommandable avec les cidres pur jus de première qualité finement bouquetés.

L’addition de poiré à un cidre de saveur quelconque, et parfois même fadasse, est utile, parce qu’il lui apporte une saveur plus vive, un fruité mixte agréable au palais. Il contribue à le rendre plus limpide et plus alcoolique. Tous les poirés ne conviennent pas à ces coupages. Les poires astringentes, au début de leur maturité, sont préférables dans beaucoup de cas, parce que leur poiré, si l’on ne considère que le coupage, remplit un rôle plus utile par la pectase, le tanin et l’acidité normale qu’il renferme et qui sont la caractéristique des poires dites « défécantes ».

Pour le relèvement de la saveur des cidres, le moment du coupage avec le poiré est quand ils marquent encore au densimètre entre 1.020 et 1.015 au plus bas, parce qu’il s’établit alors dans le mélange une fermentation secondaire au cours de laquelle les deux goûts se fondent mieux. Ce procédé est le meilleur pour les cidres laissant à désirer.

Quand, par le coupage, on ne désire qu’obtenir une bonne limpidité, il vaut mieux, puisque le poiré agit comme une colle, ne procéder au coupage que lorsque cidre et poiré sont presque fermentés et n’indiquent plus au densimètre que 1.005 à 1.000. Il ne faut opérer que sur des boissons débarrassées de leurs lies par un ou deux soutirages préalables, et éviter le plus possible le contact de l’air.

Les coupages de cidre et poiré sont autorisés par la loi pourvu qu’ils répondent à la formule minimum prescrite à l’article 2 du décret du 28 juillet 1908, afin de pouvoir être vendus légalement sous le nom de cidre.

L. LANEUVILLE.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 420