Très souvent, à l’arrière-saison, des personnes bien
intentionnées, mais peu au courant de la culture, ramassent précieusement les
petites boules vertes qui, ça et là, se présentent au sommet de certaines
plantes de pommes de terre. Ces personnes croient qu’il s’agit de produits
anormaux qu’il y a lieu de recueillir pour les étudier de près. En réalité, ces
boules constituent les fruits de la pomme de terre ; elles se
produisent lorsque les étamines des fleurs ont fécondé normalement le pistil et
qu’il n’y a pas eu ultérieurement d’accident susceptible d’entraver la
fructification.
Les étamines et le pistil des fleurs.
— Ces fruits étant relativement rares, alors que les
fleurs sont parfois abondantes, il importe d’indiquer d’abord les raisons
expliquant cette rareté dans les champs de pommes de terre.
Rappelons que la fleur normale de pomme de terre renferme à
son centre cinq étamines jaunes accolées laissant passer au milieu un
mince style vert.
La partie supérieure de ce style porte le nom de stigmate,
lequel aboutit par un tube étroit à une partie globuleuse appelée ovaire.
Pour qu’il y ait fécondation, il faut nécessairement que le pollen des étamines
soit déposé sur le stigmate, de façon à pouvoir se rendre dans l’ovaire en
franchissant le canal du style. La distance à parcourir n’est pas grande
puisque, chez la pomme de terre, la fécondation croisée est rare. Mais deux
causes principales provoquent l’absence de fruits : l’infécondité du
pollen, la disparition hâtive des fleurs.
1° Sans que l’on sache exactement pourquoi les étamines sont
très souvent avortées et leur pollen reste infécond ;
2° Comme nous l’avons mentionné précédemment, beaucoup de
variétés ne donnent pas de fleurs. Chez d’autres variétés, les fleurs se
détachent avant la pollinisation. Enfin, une sécheresse prolongée occasionne,
comme on le sait, la dessiccation des organes floraux.
L’âge des variétés et la fructification.
— Un fait d’observation courante mérite d’être signalé
à ce point de vue : c’est l’amoindrissement de la faculté de fructifier
provoqué chez les variétés par une longue multiplication par la voie du
tubercule.
Les baies sont tout à fait rarissimes chez les variétés
anciennes telles que Violette du Forez, Merveille d’Amérique, Wolthmann,
Quenelle, Early rose, Saucisse, Fin de Siècle, Industrie.
Au contraire, les sortes d’obtention récente ou assez
récente comme Cellini, Pepo, Centifolia, Sikingen, Flava
fournissent presque couramment des fruits.
Cette règle de l’âge offre évidemment quelques
exceptions ; mais le fait seul d’observer chez les plantes de semis
d’abondantes baies montre bien que le passage à la reproduction normale a pour
effet d’accroître la fructification.
Signalons que les circonstances atmosphériques influant sur
la formation des fruits comme sur la formation des fleurs. Des pluies
suffisantes, associées à une température chaude, favorisent la production des
baies en permettant une bonne alimentation végétale.
Ce que renferment les baies.
— À l’automne, chez les plantes ayant fructifié, les baies
se présentent sous la forme d’une grappe pendante au sommet du feuillage. Les
baies se détachent ensuite et tombent sur le sol à l’époque de la maturité.
Examinons attentivement une de ces baies en la fendant avec un couteau. Nous y
remarquons une enveloppe assez coriace qui englobe une matière mucilagineuse
dans laquelle baignent plusieurs petites graines blanches aplaties. Ces
graines ont, en moyenne, une longueur de 1 à 2 millimètres. Comme ces
dimensions sont faibles, chaque baie peut renfermer une dizaine de graines,
parfois davantage.
L’obtention de plantes de semis est facile.
— Beaucoup de gens croient qu’il est difficile d’avoir
des plantes de pommes de terre en semant des graines. En réalité, les
opérations à réaliser pour obtenir ce résultat sont à la portée de tout le
monde. Ces opérations sont au nombre de trois : la séparation des graines,
le semis au printemps, le repiquage des plantes.
1° À l’automne, on accélère la maturation des baies en les
déposant pendant quelque temps dans un local sec. Ensuite, on presse les baies
une à une dans un bol d’eau tiède de façon à bien écraser et à bien émietter la
matière mucilagineuse. Les petites graines blanches tombent au fond du bol et,
par des décantations successives, on arrive à débarrasser les graines des
impuretés. Il n’y a plus qu’à les faire sécher et à les remiser dans du papier.
2° Au printemps, il suffit de semer les graines sur du
terreau comme s’il s’agissait de graines de salade. La germination effectuée,
on voit apparaître de petites plantes qui offrent l’inconvénient d’être sensibles
à la gelée.
3° Comme on le fait pour les plants de choux, on arrache,
quelque temps après, ces plantes une par une pour les repiquer ensuite dans une
terre de jardin.
Les plantes de semis.
— Il s’agit là de plantes obtenues par le semis de
graines fournies par la fécondation naturelle ou autofécondation ;
ce terme signifie que le pistil a été fécondé par le pollen des étamines de la
même fleur.
L’examen des plantes obtenues par graines issues de la même
variété montre une extrême diversité dans les formes et dans les tailles. Les
types ne se ressemblent pas en ce qui concerne le feuillage et la vigueur. Ce
fait s’explique par les lois de l’hérédité. Les variétés de pommes de terre que
nous employons communément ne sont pas des lignées pures, mais des hybrides.
Suivant les lois mendéliennes, le semis amène des variations nombreuses dans la
descendance.
Comme caractères assez constants chez tous les sujets, on
peut signaler cependant une grande puissance de l’appareil radiculaire et le
faible rendement des plantes en tubercules. Il y a beaucoup de tubercules, mais
de faible volume.
Si l’on désire poursuivre l’étude de ces plantes, on choisit
dès la fin de la première année les types les plus vigoureux et possédant les
tubercules les plus gros. Il est d’ailleurs rare que par ce procédé on arrive à
l’obtention d’une variété méritante. Pour réussir, il faudrait dès le début
opérer sur un très grand nombre de plantes, ce qui n’est pas à la portée des
cultivateurs.
Les procédés des génétistes.
— Les variétés récentes livrées par des génétistes
renommés sont obtenues par des procédés spéciaux dont quelques-uns ne sont pas
divulgués.
La fécondation croisée est presque toujours
pratiquée ; autrement dit, le pistil d’une fleur est fécondé par du pollen
récolté artificiellement chez des fleurs d’une autre variété. Pour augmenter la
fructification, l’enlèvement partiel ou total des tubercules est souvent
pratiqué.
Cl. PERRET.
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