Un croisement qui s’impose.
— Cent fois, au moins, la question ci-après m’a été
posée :
« À quelle race de porc vont vos préférences ?
Est-ce aux Yorkshire, Berkshire, etc., de création anglaise, au groin court et
arqué et aux oreilles dressées, ou aux races françaises, craonnaise, normande,
etc., caractérisées par de grandes oreilles tombantes qui leur cachent en
partie la face ? ... »
Mon opinion, que voici, n’a pas changé d’un iota. J’apprécie
beaucoup les porcs anglais, remarquables par leur grande précocité et leur
propension à l’engraissement rapide ; mais les porcs celtiques de chez
nous ne sont pas moins méritants, en raison de la qualité remarquable de leur
viande entrelardée, sans excès de graisse, estimée de la charcuterie, et du
poids élevé qu’ils peuvent atteindre lorsqu’ils sont devenus adultes.
Mais, si les deux races, considérées séparément, ont
des qualités, elles ont aussi des défauts. Ainsi, les truies Yorkshire
ont souvent une lactation capricieuse, surtout si on ne surveille pas de près
leur alimentation pendant la gestation et l’allaitement, tandis que les truies craonnaises
sont généralement bonnes nourrices et bonnes mères. D’autre part, comme les
porcs anglais sont extrêmement précoces, et les porcs celtiques un peu lents à venir,
les premiers ayant une viande un peu trop imprégnée de graisse, alors que les
deuxièmes pêchent par défaut contraire, on comprend que l’accouplement des deux
races précitées doive donner d’excellents résultats.
Voilà pourquoi je préconise, pour le peuplement des
porcheries de rapport, les métis issus du croisement entre le verrat
Yorkshire et la truie craonnaise.
Pour réussir les portées.
— Il est toujours scabreux de vouloir produire des
porcelets si l’on ne dispose pas d’herbage, ou tout au moins d’un coin de pré
pour y envoyer pâturer les truies, à moins que l’on ne puisse faire des
distributions assez copieuses de fourrages verts, qui fourniront les principes
énergétiques, dits « vitaminés », nécessaires aux fonctions de la
procréation et à l’élaboration d’un lait normal et abondant.
Pour bien faire, toutes les plantes séveuses et de gros
volume (graminées, trèfle, luzerne, vesce, choux, salades, etc.) devraient
constituer la moitié de la matière sèche nécessaire à l’alimentation des truies
en gestation et à celle des nourrices, l’autre moitié étant fournie par les
farineux associés.
En admettant qu’une truie consomme journellement entre 2 et
3 p. 100 de son poids de matière sèche, on pourrait se contenter de lui
donner 2 kilogrammes de farineux à 90 p. 100 de siccité, en plus des
ressources du pacage ou des distributions de verdures hachées, à condition que
la relation nutritive soit maintenue assez « étroite » pour
les besoins embryogéniques et les exigences de la lactation. Cette ration peut
être établie de différentes manières. Ci-après deux modèles convenant à des
truies en gestation du poids de 150 kg qu’il faut naturellement adapter
aux possibilités présentes.
I. |
Farine d’orge ou autre |
1.000 |
grammes. |
|
Son de froment ou autre |
500 |
— |
|
Tourteau d’arachides ou autre |
250 |
— |
|
Farine de féverole |
200 |
— |
|
Minéraux associés |
50 |
— |
|
Verdures à satiété. |
|
|
II. |
Farine de maïs ou autre |
1.000 |
— |
|
Remoulage |
500 |
— |
|
Tourteau de soya ou autre |
300 |
— |
|
Farine de poisson |
150 |
— |
|
Minéraux associés |
50 |
— |
|
Verdures à satiété. |
|
|
Pendant l’allaitement, d’une durée de soixante jours, les
nourrices recevront la même nourriture ; mais, comme elles ont de plus
grands besoins pour soutenir la lactation, on augmentera quelque peu la dose de
concentré, en la portant à 2kg,500 et même à 3 kilogrammes,
suivant l’appétit des mères et le nombre de leurs gorets, sans toutefois
modifier les proportions, afin de ne pas changer la nature ni la composition du
lait, ce qui pourrait avoir une influence pernicieuse sur la santé des
porcelets.
Comment effectuer le sevrage.
— Si l’on veut obtenir un accroissement régulier des
gorets, dont le poids ne devrait pas être inférieur à 20 kilogrammes à
deux mois, il est absolument nécessaire d’éviter tout à-coup lors du sevrage.
Pour cela, le passage du régime lacté au rationnement
ordinaire se fera progressivement, afin d’éviter les troubles digestifs,
souvent fort graves, ou un arrêt dans l’accroissement qui ne peut plus se
rattraper.
Le sevrage sera relativement facile si l’on dispose de lait
écrémé doux, que l’on distribuera en supplément aux cochonnets, en dehors
des atteintes de la mère, aussitôt que son lait ne suffira plus à leurs
besoins. On remplacera alors une tétée, puis deux tétées par des buvées de lait
écrémé, additionnées de farines d’orge ou de maïs, qui apporteront les hydrates
de carbone, et habitueront les jeunes à leur nouveau régime. Ainsi le
sevrage s’effectuera sans transition brusque.
Dans le cas où on n’aurait pas de lait écrémé, on devrait
agir avec une grande circonspection, en confectionnant une mixture qui, délayée
dans de l’eau douce, peut être qualifiée de lait artificiel. Cette
distribution complémentaire, comme la précédente, pourra débuter, à partir de
la quatrième semaine, jusqu’à la huitième, et même au delà, afin de rendre
moins sensible le changement de régime. Le mélange intime des denrées ci-après
fournira un lait artificiel assez bien équilibré :
Farines d’orge et de maïs |
2,400 |
kilogrammes. |
Remoulages et recoupettes |
2,000 |
— |
Farine de féverole ou de fève |
2,000 |
— |
Tourteau de soya ou autre |
2,000 |
— |
Levure de bière et malt germé |
1,000 |
— |
Minéraux phospho-calciques |
0,500 |
— |
Huile de foie de morue |
0,100 |
— |
Total |
——— 10,000 |
kilogrammes |
Un kilogramme du mélange, délayé dans 9 litres d’eau
douce, donnera un breuvage qui aura beaucoup d’analogie avec le lait pur.
Alimentation des coureurs.
— Les porcelets de bonne souche, n’ayant pas subi de
crise au sevrage, devront gagner journellement et progressivement une
augmentation de poids allant de 500 à 800 grammes, s’ils sont
rationnellement nourris, jusqu’à ce qu’ils atteignent le poids de 75 kilogrammes.
Mais, pour cela, on devra leur fournir entre 30 et 35 grammes de farineux
associés par kilogramme de poids vif, contenant 6 à 7 grammes de protéine,
un peu plus ou un peu moins suivant l’âge des bêtes, non compris les verdures
hachées et les racines crues que l’on est obligatoirement tenu de donner en
supplément, si les nourrains ne vont pas au pâturage.
En résumé, l’alimentation des coureurs ne doit pas différer
sensiblement de celle des truies, en farineux associés, contenant hydrates
de carbone, matières azotées et minérales, ces dernières
contenant quelques produits laxatifs et désinfectants, pour assurer le bon
fonctionnement de l’intestin, par exemple la formule : éléments phospho-calciques,
7/10 ; sel marin gris, 2/10 et poudre de charbon de bois,
1/10 ; en y ajoutant 1/50 de sulfate de fer et 1/50 de sulfate
de magnésie.
La consommation globale en matières sèches, en partant de
porcelets pesant 20 à 30 kilogrammes, pour les amener à 75 kilogrammes,
sera approximativement de 185 kilogrammes de matières sèches, en admettant
des rations quotidiennes moyennes de 1.300 grammes, entre 20 et 30 kilogrammes,
et de 2.600 grammes, entre 50 et 75 kilogrammes, tout compris,
provende et verdures.
La ration prévue pour les truies peut être conservée aux
nourrains, sans aucune modification. Cependant si, pour une raison quelconque
d’économie, ou autre, on était conduit à changer de farineux, il ne faudrait le
faire que progressivement, de manière à ne pas troubler la nutrition, ce qui
occasionnerait un ralentissement dans le croît, difficile à rattraper.
Ration d’engraissement.
— À partir du poids de 75 kilogrammes, jusqu’à
100, 125 et 150 kilogrammes, la consommation a une tendance à augmenter,
tandis que l’augmentation de poids aurait plutôt tendance à faiblir. Sans
doute, la différence est peu sensible avec les races celtiques, mais elle est
assez marquée chez les porcs de race anglaise, surtout lorsqu’ils atteignent ou
dépassent le poids de 100 kilogrammes. En effet, d’après les barèmes
dressés sur pesées, si le croît quotidien peut atteindre 800 grammes chez
les coureurs de 75 kilogrammes, il descend fréquemment au-dessous de 700 grammes
chez les porcs à l’engraissement. Dans la pratique, on n’a pas grand intérêt à
produire des cochons mastodontes, mais l’on fera bien de ne pas les pousser au
delà de 125 à 135 kilogrammes.
Ces animaux auront pu consommer, à partir du sevrage jusqu’à
la vente, environ 400 kilogrammes de matières sèches, contenues dans les
aliments consommés, l’eau de constitution n’entrant évidemment pas en ligne de
compte.
Pendant la période d’engraissement, on conservera toujours
le même rationnement, mais en augmentant peu à peu les hydrates de carbone, au
fur et à mesure que les porcs gagneront du gras. Il suffira donc de forcer,
dans les formules I et II, les aliments farineux, c’est-à-dire l’orge et
le maïs, en portant progressivement les doses à 1.100, 1.200, 1.300,
1.400 grammes, sans changer les proportions de remoulage, tourteau, farine
de poisson, etc.
C. ARNOULD.
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