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Capriculture

Les alpines (1).

N’oubliant pas qu’une partie du massif Alpin est français, nous nous proposons, après avoir étudié les Alpines suisses, de passer en revue leurs sœurs, les Alpines des beaux départements du Sud-Est.

Des variétés helvétiques décrites précédemment, la Saanen et la Chamoisée se rencontrent couramment de notre côté de la frontière. Mais la France possède une variété qu’elle dénomme cou clair ou cou blanc qui présente le même contraste de couleur que la Schwartzhals, mais inversé. Cette Alpine, en effet, a la partie antérieure du corps blanche ou jaune, avec parfois quelques traînées grisâtres ; tout le reste du corps est noir ou de ton foncé. Deux lignes couleur de nuit barrent la face et une raie noire marque l’épine dorsale. Cette variété est quelquefois appelée chèvre de Tarentaise ou de Maurienne. Ses caractéristiques sont à peu de choses près celles qui ont été indiquées plus haut. En Savoie, on rencontre une variété appelée chèvre galonnée, peu définie, qui porte une livrée sombre (marron ou noir) parsemée de bande grises qui ressembleraient à des galons, d’où l’appellation.

La chèvre du Sundgau ou chèvre d’Alsace se rapproche du type alpin ; toute noire, elle a le ventre et la face interne des cuisses blancs ; parfois toute la tête est blanche.

Dans ces régions, comme d’ailleurs à la plaine, on essaye de ramener toutes les chèvres à un type unique, il devient ainsi souvent difficile d’étiqueter chaque bête rencontrée. Bien plus, il n’est pas rare de rencontrer des sujets indéfinis et indéfinissables, dont chaque individu constitue le premier et dernier représentant. Pour des éleveurs, quel laisser aller ! il faudrait sélectionner les troupeaux d’une façon plus rationnelle et empêcher les sujets d’un type défini de se mésallier. Les troupeaux que l’on rencontre au hasard des chemins sont souvent si hétérogènes, qu’on y trouve toutes les robes possibles. Ce qui est plus grave encore, c’est le désintérêt pour le choix du procréateur ; pourvu que le bouc à l’oncle Henry soit puissant, c’est tout ! on ne remonte pas au délà ! Peu importe, par exemple, la production laitière de sa mère. Et pourtant, sans vouloir transformer le régime pastoral en système industriel, on pourrait introduire dans le « gouvernement », comme on dit dans un pays agricole voisin, des chèvres quelques améliorations.

Toute chèvre qui vit sur l’Alpe subit l’influence bienfaitrice de l’air pur, des herbes spéciales à l’altitude, de tout ce qui diffère là-haut de notre bas plancher. Pour reprendre le mot de M. Crépin, « il y à une vertu dans l’Alpe ». L’action que ces régions plus éthérées peut-être ont en général sur la santé des hommes se manifeste chez l’Alpine, par sa vigueur, sa rusticité. L’influence que le voisinage des monts neigeux ont eue sur un Rousseau ou un Lamartine joue peut-être aussi, finesse, élégance, un grain d’orgueil, originalité pour le caractère de cette jolie bête. Ne dit-on pas que le cheval, le lévrier sont fiers. Eh ! bien, la chèvre Alpine est un vivant symbole de liberté. Quand ils la chantent, cette habitante des hauts sommets, c’est l’avidité d’espace et de solitude que les poètes exaltent.

Terminons en signalant qu’on s’est efforcé de stabiliser une variété d’Alpine pie (noire avec taches blanches plus ou moins grandes) dénommée Berry-Touraine, des provinces où on l’a sélectionnée. Cette même variété de chèvre pie se rencontre aussi dans les Alpes.

Christophe KRAFFT.

(1) Voir no de mai 1940.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 427