On donne le nom de cataracte à l’opacité plus ou moins
étendue et prononcée du cristallin ou de sa capsule. On sait que le cristallin
est une lentille de l’œil qui amène sur la rétine l’image des objets.
La cataracte est une affection qui peut s’observer chez tous
les animaux, mais plus souvent chez le cheval et le chien que chez ceux des
autres espèces. Elle est toujours grave car, malgré les traitements les mieux
ordonnés, les animaux finissent par devenir complètement borgnes ou aveugles.
Parmi les causes prédisposantes, il faut citer
particulièrement la vieillesse et l’hérédité. La cataracte est
l’apanage de la vieillesse ; elle se développe alors sans qu’on puisse lui
assigner d’autres causes que l’âge qui amène avec lui des changements dans le
mode de vitalité des tissus. Beaucoup de vieux chiens présentent des cataractes
sur les deux yeux ; la plupart des vieux chevaux sont atteints d’un
affaiblissement marqué de la vue, dû en partie à une modification de
transparence subie par le cristallin, à une sclérose des fibres de l’organe.
Mais cette forme de cataracte est de plus en plus rare, les chevaux étant
envoyés à la boucherie avant l’extrême vieillesse.
L’hérédité a une influence incontestable sur le
développement de la cataracte. C’est ainsi que la plupart des chevaux qui en
sont atteints ont présenté précédemment des accès de fluxion périodique. Or,
ici, l’influence de l’hérédité est indiscutable, d’où l’indication de ne pas
employer, en vue de la reproduction, une jument fluxionnaire, comme on en a
trop souvent l’habitude dans certaines régions montagneuses de notre pays. Ce
qui est indéniable, c’est qu’un cheval borgne, à la suite d’un accident ou
d’une maladie inflammatoire ordinaire de l’œil, ne deviendra pas aveugle, alors
qu’un cheval borgne à la suite de fluxion périodique a toutes chances de le
devenir.
Comme causes déterminantes, on peut citer les
contusions et quelques plaies ou piqûres pénétrantes de l’œil, l’inflammation
de la capsule du cristallin, la fluxion périodique, etc. C’est ainsi que les
violents coups de fouet sur l’œil peuvent être suivis de l’inflammation ou
ophtalmie générale, dont la cataracte est souvent la conséquence.
Nous passerons sous silence les différentes formes de
cataractes : capsulaires, capsulo-lenticulaires, rayonnées, etc., pour
nous borner à l’exposé succinct des symptômes. Ceux-ci ne sont pas toujours
très précis, surtout quand la maladie évolue lentement, insidieusement. Au
début, il y a des troubles de la vision que l’animal manifeste en devenant peureux
(chien) ou ombrageux (cheval), parce qu’ils n’ont plus qu’une notion imparfaite
des corps extérieurs. Ils montrent de l’inquiétude qui se traduit par une
agitation des oreilles ; puis progressivement le cristallin devient
blanchâtre et enfin opaque. Pour bien s’en rendre compte, il suffit de placer
le cheval dans l’obscurité, la tête dirigée vers la lumière, sous une porte par
exemple, pour reconnaître la teinte laiteuse de l’appareil cristallinien.
L’examen de l’œil à l’ophtalmoscope permettra au vétérinaire
consulté de vous donner des précisions. Quand un cheval est atteint de
cataracte, une question se pose, en effet, à savoir si cette altération, qui
peut n’affecter à ce moment qu’un seul œil, se rattache à la fluxion
périodique. On constate, dans ce cas, des adhérences de l’iris, des
déformations de l’œil, de la paupière supérieure, qui affecte la forme d’un
accent circonflexe, etc. Et tout cela n’est pas indifférent à connaître pour
l’avenir de l’autre œil, ou, s’il s’agit plus spécialement d’une future
poulinière, de la transmission possible, par hérédité, de la cataracte à ses
poulains.
La cataracte est une affection très grave contre laquelle
échouent la plupart des traitements médicaux. Huile phosphorée, saignées
locales, sangsues, frictions vésicantes autour de l’orbite, etc ..., ont
été, tour à tour, employées, mais sans aucun résultat positif. Reste donc le
traitement chirurgical ou opération dite de la cataracte, qui a pour but de
déplacer et de faire disparaître l’écran qui est venu se placer sur le passage
des rayons lumineux. Ce n’est d’ailleurs qu’exceptionnellement qu’on fait cette
opération chez les animaux car, même parfaitement réussie, elle permet
seulement au malade de percevoir les objets extérieurs. Elle est loin de rendre
les facultés visuelles complètes. Notre médecine étant avant tout économique,
on ne voit guère l’utilité d’une semblable intervention. Cependant, chez les
chiens d’appartement auxquels le propriétaire attache une grande valeur, on
peut la pratiquer avec succès. Il est entendu que le chien opéré de cataracte
ne portera pas de lunettes ; mais, même sans verres, certains chiens
opérés ont été susceptibles de rester des compagnons acceptables pour leurs
maîtres, alors qu’auparavant, ils étaient totalement incapables de se diriger.
La cataracte, fréquente chez les vieux chiens, peut
apparaître à tout âge ; sur les chiens jeunes ou adultes, elle est souvent
liée au diabète. Aussi ne saurions-nous trop recommander à l’éleveur,
dès qu’il y a quelque doute sur l’intégrité de la vision du chien, de faire
examiner celui-ci par son vétérinaire et de s’assurer que son animal n’est pas
diabétique. Dans l’affirmative, un traitement bien compris et bien suivi peut
retarder de plusieurs années la perte complète de la vision.
Amaurose.
— La perte totale de la vue ou cécité n’est pas
toujours due à l’opacité du cristallin ou à la fluxion périodique. Elle peut
être constatée même sans l’existence d’aucun obstacle physique s’opposant au
passage des rayons lumineux. C’est à cette affection qui se traduit par une
perte de la vision, sans troubles apparents, qu’on donne le nom d’Amaurose.
Au cours de cette maladie, on ne voit aucune taie de la cornée, aucune trace de
cataracte, et, si on regarde l’œil de près, on constate que la pupille est dilatée,
plus grande que d’habitude et absolument fixe, malgré les conditions diverses
d’éclairage de l’œil : vive lumière ou obscurité. À noter tout d’abord que
l’amaurose est liée, soit à des lésions profondes de la rétine ou du nerf
optique, soit à des phénomènes toxiques. Il importe de retenir que le chien,
par exemple, frappé d’amaurose, n’est pas forcément condamné à la cécité. Il y
a des amauroses incurables, c’est vrai, et ce sont les plus fréquentes, mais il
y a aussi des amauroses qui guérissent.
L’examen ophtalmoscopique pratiqué par le vétérinaire, les
essais de traitement par la médication iodurée que nous exposerons plus loin,
permettront d’être fixé sur la nature de l’amaurose. C’est une faute de
sacrifier un chien auquel on est attaché, sans s’assurer qu’il est vraiment
incurable.
En ce qui concerne le cheval, l’amaurose s’annonce le plus
souvent par une dilatation exagérée de la pupille. Celle-ci, par suite
d’adhérences qu’elle a pu contracter, présente souvent les formes les plus
bizarres ; elle est insensible à la lumière et à tous les changements qui
peuvent se produire dans son intensité. La couleur de la pupille, ou,
plus exactement, du fond de l’œil, peut être normale ou refléter une teinte
pâle, blanchâtre, tirant sur le vert ou parfois d’un noir velouté.
L’amaurose peut être complète ou incomplète — en ce
cas, la pupille a conservé une certaine mobilité —, intéresser un œil ou
les deux yeux, etc. La durée de la maladie est subordonnée à la cause
qui l’a provoquée. Quand elle résulte d’une lésion de la rétine, du nerf
optique ou du cerveau, elle dure autant que la lésion, c’est-à-dire pendant
toute la vie. Celle qui est venue à la suite d’une hémorragie cérébrale
— chute ou coups sur le crâne — ou d’un empoisonnement, guérira si
l’animal survit à ces accidents.
TRAITEMENT.
— Chez le cheval, le résultat du traitement est
absolument nul dans la plupart des cas. Lorsque l’amaurose succède à la
congestion cérébrale, on devra s’occuper exclusivement de celle-ci et recourir
par-dessus tout aux saignées et aux dérivatifs énergiques : purgatifs
(aloès, 30 à 40 grammes en électuaire), révulsifs (cataplasme de moutarde
sur l’encolure), etc. Les vers intestinaux seront combattus par les vermifuges,
et les divers empoisonnements, par les moyens appropriés.
Chez le chien, on devra rechercher l’origine de l’amaurose
et instituer un traitement causal approprié visant, tantôt un état infectieux,
notamment la maladie du jeune âge, tantôt des intoxications telles que celle
produite par la présence d’un grand nombre de vers intestinaux (ascarides et
tænias) qui seront combattus par les vermifuges divers. Enfin, au cas où la
cause ne pourra être déterminée, on devra essayer la médication iodurée :
Iodure de potassium ou de sodium |
2 à 100 |
grammes. |
Sirop simple |
200 |
— |
Une semaine sur deux, le matin, une cuillerée à café ou à
soupe selon la taille du malade.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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