La loi du 13 janvier 1941 a apporté diverses
modifications au Code général des impôts directs, et notamment au mode de
taxation des revenus mixtes à compter, par conséquent, des produits de 1940.
L’ancien article 101 du Gode général précisait que lorsqu’un
contribuable disposait, à la fois, de revenus provenant de traitements et
salaires et de l’exercice d’une profession non commerciale, il était imposable
sous une cote unique établie au titre de celui des impôts cédulaires auquel
correspondait le chiffre de revenus le plus élevé.
Le nouvel article 101 dit textuellement :
1° « Lorsqu’un contribuable dispose à la fois de
traitements, salaires, pensions ou rentes viagères et de revenus provenant
d’une profession artisanale ou assimilée (art. 23 du Code), la taxation
cédulaire est liquidée en totalisant les deux catégories et en défalquant
l’impôt retenu à la source. »
2° « Lorsqu’un contribuable dispose à la fois de
bénéfices de professions non commerciales autres que les charges et offices et
de revenus provenant, soit de traitements, salaires, pensions ou rentes
viagères, soit d’une profession artisanale ou assimilée (art. 23 du Code),
chaque catégorie de revenus est imposée d’après le taux qui lui est
propre. »
« Toutefois, la fraction de bénéfices de la cédule non
commerciale qui est couverte par l’abattement y afférent, est rapportée à la
somme devant servir au calcul de la taxation cédulaire applicable aux revenus
des deux autres catégories. »
Cette causerie s’applique au paragraphe 2 du nouvel article 101
et vise le cas des médecins (ou autres professions libérales, telles que
chirurgiens-dentistes, sages-femmes, vétérinaires, etc.), dont l’activité
professionnelle donne des revenus provenant, d’une part, de l’exploitation du
Cabinet et, d’autre part, de la cédule des traitements et salaires.
Qu’entend-on par traitement et par bénéfice non
commercial ? Les rémunérations perçues par les médecins ont le caractère
de salaires dans les cas suivants : rémunération forfaitaire touchée
annuellement de la caisse d’une société de secours (Arrêt du Conseil d’État du
8 mars 1937) ; traitement alloué à un médecin attaché à un hôpital
par un contrat de travail (Arrêt du Conseil d’État du 23 octobre
1931) ; salaire d’un médecin attaché à un asile départemental (Réponse du
ministre des Finances du 19 juillet 1934) ; rémunération annuelle
fixée par abonnement à un médecin qui exerce la surveillance sur la préparation
des médicaments dans un hôpital ; médecin attaché à une société de secours
mutuels (Conseil de Préfecture interdépartemental de Lyon, décision du 18 février
1941).
L’essentiel pour différencier la qualité des rémunérations,
provient du contrat de travail qui doit lier les parties et en fixer
l’importance. S’il résulte bien dudit contrat que les rémunérations reçues ont
le caractère de traitement, les résultats sont divisés en deux parties :
l’une, afférente à l’exploitation du Cabinet (partie qui rentre dans les
bénéfices non commerciaux) ; l’autre, à l’exécution du contrat de travail
(faisant partie de la cédule des traitements et salaires). Bien entendu, si le
médecin, dans l’exécution de son contrat de travail, garde son entière
indépendance, et sa pleine liberté dans l’exercice de sa profession, les
résultats deviennent taxables à la cédule des professions non commerciales
(médecins des assurés sociaux, par exemple).
À notre avis, le médecin qui perçoit d’une société mutuelle :
1° un prix déterminé par consultation ; 2° pour chaque
rémunération visant une opération clinique réglée sur la base de responsabilité
des caisses d’Assurances sociales (tarif fixé quant aux valeurs de K à K 40
et au-dessus, d’après la nomenclature officielle établie par la Confédération
des Syndicats médicaux français), relève, pour cette partie, de la cédule des
traitements et salaires.
Le bénéfice de chaque catégorie est déterminé suivant la
cédule ; exemple : le bénéfice des opérations du Cabinet est
représenté par la différence entre les recettes et les dépenses (ces dernières
comprennent le loyer, les impôts, les assurances, les abonnements aux ouvrages
professionnels, l’éclairage, le chauffage, le téléphone, le personnel,
l’entretien des locaux, les frais de bureau, d’automobiles, etc. ...).
Pour les salaires, le revenu est représenté par la différence entre le
traitement et les frais inhérents à l’exercice de la profession (impôts, frais
forfaitaires déduits à la base, retenues pour retraite, etc.).
Le salaire touché est net, c’est-à-dire qu’il a été payé
après les retenues à la source, telles que impôt sur les traitements et
salaires et contribution nationale extraordinaire. Notre exemple porte sur un
revenu brut d’exploitation du Cabinet de 50.000 francs et sur un traitement net
de 50.000 francs ; notre médecin (nous supposons qu’il a trois enfants
mineurs à charge), établit ainsi son compte d’exploitation du Cabinet :
Recettes |
|
50.000 fr. |
À déduire dépenses Cabinet seulement : |
|
|
- Loyer |
2.000 fr. |
|
- Salaires Personnel Cabinet |
12.000 fr. |
|
- Assurances diverses |
2.520 fr. |
|
- Impôts Cabinet |
2.080 fr. |
|
- Frais d’automobile |
8.400 fr. |
|
- Ouvrages et revues |
1.000 fr. |
|
- Éclairage et chauffage |
1.200 fr. |
|
- Frais de bureau, téléphone, timbres |
1.800 fr. |
|
- Divers, entretien, etc. |
500 fr. |
|
|
|
31.500 fr. ————— |
Reste un bénéfice net de |
|
18.500 fr. |
Par application des dispositions du nouvel article 101,
notre médecin sera donc imposé comme suit :
1° Profession non commerciale :
Bénéfice net |
18.500 fr. |
|
Déduction à la base |
10.000 fr. |
|
Reste : 8.500 francs à 16 p. 100 = |
|
1.360 fr. |
À déduire pour trois enfants à charge : 10% + 10% + 30% = 50% |
|
680 fr. |
Montant de l’impôt |
|
680 fr. |
Plus contribution nationale extraordinaire.
2° Traitements et salaires :
Salaire net encaissé |
|
50.000 fr. |
À reprendre déduction à la base de la cédule non commerciale |
|
10.000 fr. |
Nous avons vu que notre exemple comporte un salaire net de
50.000 francs ; lors de la retenue à la source de l’impôt cédulaire sur
les traitements et salaires et de la contribution nationale extraordinaire, il
n’a pas été tenu compte de la somme de 10.000 francs rapportée en vertu du
dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 101 ;
l’Administration établira donc un rôle individuel redressant cette
partie ; exemple : supposons que le salaire total d’un médecin (avec
trois enfants à charge), s’élève à
Il aura payé dans l’année, par voie de retenue à la
source :
Impôt sur les traitements et salaires |
1.560 fr. |
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Contribution nationale extraordinaire |
2.700 fr. |
|
|
|
4.260 fr ————— |
Il aura donc touché net |
|
55.740 fr |
mais, bénéficiant pour les professions non commerciales d’un
abattement à la base de 10.000 francs, son salaire devient 70.000 francs
et devra payer :
Impôt sur les traitements et salaires |
1.920 fr. |
|
Contribution nationale extraordinaire |
3.144 fr. |
|
|
|
5.064 fr. |
Au lieu de |
|
4.260 fr. |
Et un supplément de |
|
————— 804 fr. |
3° Contribution nationale extraordinaire, taux :
L’article 136 septiès dit textuellement : « Le
taux de la contribution nationale sur les revenus professionnels est fixé à 5
p. 100 ; les barèmes des retenues à exercer en cas de perception à la
source sont déterminés par le décret prévu à l’articte 73 ter.
Toutefois, le taux de 15 p. 100 demeurera applicable aux revenus professionnels
jusqu’au 10 juillet 1940 pour les contribuables visés à l’article 6
du décret-loi du 10 novembre 1939. »
Pour l’impôt sur les bénéfices des professions non
commerciales, la contribution nationale extraordinaire est perçue par voie de
rôle en même temps que l’impôt cédulaire.
Ernest-Bertin MARILLER,
Expert en Comptabilité et Impôts.
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