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Les produits coloniaux

Le ricin.

Le ricin est une plante coloniale par excellence, car elle pousse et se développe rapidement dans la majeure partie de nos possessions d’outre-mer : en Afrique du Nord, en Indochine, en A. O. F., en A. E. F., à Madagascar, dans les États du Levant sous mandat français. Aussi est-il paradoxal de constater que la presque totalité (94 p. 100) du ricin dont nous avons besoin était, jusqu’en ces derniers temps, importée des Indes anglaises.

Le ricin est une plante vivace et arborescente dans les régions tropicales et intertropicales, et annuelle dans les régions tempérées. Sans entrer dans les détails botaniques, disons qu’il appartient à la famille des Euphorbiacées et que ses carpelles uniovulés et ses fleurs normalement unisexuées le classent dans la tribu des Crotonées. Ajoutons que les variétés sont très nombreuses et sont caractérisées par la teinte des tiges, la grosseur des fruits et par la contexture extérieure, dimension et coloration des graines.

La plante est originaire de l’Asie méridionale, et ses graines semblent avoir été utilisées dès la plus haute antiquité ; il est certain que les Égyptiens les employaient.

Il est essentiel de retenir que le ricin est une plante extrêmement épuisante pour le sol ; s’il se signale au début par une croissance particulièrement vigoureuse, lors de son introduction dans un sol riche et qu’il supplante alors toutes autres végétations d’herbes ou de brousse, il périclite et se laisse facilement attaquer par divers insectes et chenilles dès que le sol s’appauvrit.

À noter encore que sa culture n’est possible que dans les régions où les pluies sont assez abondantes. Avant donc de l’entreprendre, il est absolument indispensable de savoir si, pendant la période végétative, la quantité d’eau nécessaire aux plantations peut leur être fournie par les pluies ou, de façon artificielle, par des irrigations.

Enfin, les plantations de ricin ne doivent pas être envisagées dans les régions où la proportion d’huile extraite des graines serait inférieure à 40 p. 100 et le rendement en graines inférieur à 1.000 kilogrammes par hectare.

Pour la culture, le sol doit être préparé par un labour profond, en raison du grand développement des racines de la plante. Les semis varient, comme époque, suivant les régions et les variétés employées ; ils se font également à des distances variables, suivant que la culture sera annuelle ou permanente. Pour la culture annuelle, on peut faire les semis à intervalles de 0m,60 à 1 mètre ; en culture permanente, il y a intérêt à laisser des espaces beaucoup plus grands, de 2 mètres à 2m, 50, pour y faire des cultures intercalaires, légumineuses ou mais.

La quantité de graines de ricin à prévoir comme semis, par hectare, est de 25 à 30 kilogrammes et il est inutile de les faire tremper avant de les semer.

La plante se développant, il est bon de pincer les tiges quand elles ont atteint 1m,50, de manière à l’obliger à émettre des rameaux latéraux qui augmentent le nombre des inflorescences.

La récolte se fait quand la maturité est suffisante, c’est-à-dire au moment où les capsules commencent à se montrer dures et cassantes, ce qui, suivant les variétés, se produit de quatre à six mois après les semis. Mais toutes les capsules d’un même plan ne venant pas simultanément à maturité, celles de la base étant les plus précoces, il faut faire plusieurs cueillettes, ne détachant les fruits qu’au fur et à mesure où ils sont à point. Agir différemment peut amener une perte assez considérable.

Le fruit du ricin ne nécessite pas un transport rapide à l’usine. La graine peut attendre de longs mois avant d’être traitée ; exemple, les expéditions en vrac faites jadis du Brésil et de l’Inde vers l’Allemagne et le port de Hull où il n’était pas rare de voir usiner les fruits (graines) près d’un an après leur récolte.

Les rendements en graines varient suivant le mode de culture, l’écartement des semis, les variétés cultivées, et suivant aussi la latitude où la plante est traitée. En Asie, ils oscillent entre 1.500 et 2.000 kilos à l’hectare, pour tomber entre 900 et 1.200 aux États-Unis et atteindre, au contraire, 3.000 kilos sur la Côte occidentale d’Afrique.

Les cours du ricin, comme ceux de tous les autres produits, sont variables suivant les offres et les demandes. Au 15 mai, à Londres, il était, pour la première qualité, coté 40 livres sterling la tonne anglaise de 1.016 kilos.

L’huile de ricin reçoit de nombreuses applications et sa supériorité sur les huiles minérales est depuis longtemps démontrée. Son emploi se recommande tout particulièrement dans l’aéronautique : 1° par sa très bonne résistance à la chaleur et par ce fait qu’elle brûle presque sans résidu ; 2° par son point de congélation très bas ; 3° par sa faible variation de viscosité avec la température ; 4° par son grand pouvoir adhérent, supérieur à celui des autres huiles connues, et enfin par sa faible solubilité dans l’essence.

En dehors de l’utilisation de l’huile de ricin pour le graissage des moteurs d’avions, les graines de la plante sont encore susceptibles de rendre de nombreux services dans l’industrie du cuir, de la parfumerie, de la savonnerie, des isolants, du celluloïd, des ciments, dans l’alimentation, en pharmacie, etc. ... ; enfin, leur tourteau est un engrais de premier ordre.

Elles s’emploient encore à la fabrication des sulforicinates employés :

    1° À faciliter le travail des machines ;

    2° Comme mordants, en teinturerie, dans l’impression des étoffes et la préparation des apprêts ;

    3° En filature, comme huile d’ensimage ;

    4° Dans la préparation des papiers tue-mouches et à la fabrication des cheddites.

Nous ne parlerons que pour mémoire du « Ver à soie » du ricin ; mais, comme l’élevage de la chenille est très facile et peut être pratiqué partout où se cultive le ricin, il n’est pas douteux que les cocons (non encore importés en France), constitueraient une source de matière première avantageuse pour l’industrie de la schappe, si, bien entendu, celle-ci était assurée d’une production régulière et suffisante pour lui permettre de créer un article spécial ; 100 kilos de coques peuvent fournir environ 60 kilos de matières soyeuses décreusées et prêtes à être cardées et filées.

De ce qui précède, il est facile de conclure que le développement de la culture du ricin national serait à la fois fructueux pour les colonies et pour notre économie nationale. C’est à l’État qu’il appartient de l’encourager par des mesures adéquates, en particulier par une coordination entre lui et les producteurs qui assure à ces derniers la certitude de pouvoir planter en toute sécurité et de réaliser leur récolte, coordination qui, dans le passé, n’a fait que trop défaut.

A. DIESNIS.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 441