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Un peu de science

Qu’est-ce qu’une eau dure ? Ses remèdes.

— Quiconque a remarqué qu’après un certain temps d’ébullition, certaines eaux tapissent l’intérieur du récipient d’un dépôt pulvérulent blanchâtre avec un précipité plus ou moins abondant ; ce phénomène est particulièrement manifeste dans les bains-marie des cuisinières.

Quiconque a remarqué que le meilleur des savons ; au contact de ces mêmes eaux, se décompose en grumeaux et donne une mousse rare et ... éphémère.

Tels sont les plus apparents des caractères d’une eau « dure », c’est-à-dire sursaturée de sels de chaux, qui, au contact des alcalis (comme le savon), donne naissance à des grumeaux insolubles de savon de chaux, et, d’autre part, à un dépôt d’oxyde de chaux par ébullition, puisque cette base est moins soluble à chaud qu’à froid.

On pourrait écrire longuement sur les inconvénients multiples de ces eaux : durcissement des légumes, consommation de savon augmentée, encrassement des chaudières, tuyauteries, etc.

Mais, Dieu merci, dame Chimie est venue au secours, une fois de plus, et a tranché notre embarras, comme toujours avec complet succès, et voici comment.

Au contact d’une eau chargée de chaux, d’eau calcaire, le silicate d’alumine et de sodium donne par double décomposition un silicate d’alumine et de chaux insoluble et dépouille ainsi l’eau de son calcium ; mais, peu à peu, ce silicate alcalin, devenu, par l’usage, alcalino terreux deviendrait inactif ... si (toujours grâce à la chimie) on ne le régénérait par action de chlorure de sodium. Tel est le principe dont la mise en pratique est relativement facile, surtout si l’alimentation de l’eau se fait sous pression, car il est alors facile de régler la marche et la vitesse de cette épuration qu’il est donc nécessaire de savoir contrôler : c’est-à-dire déterminer le « degré hydrométrique » de l’eau.

Voici, à cette occasion, une méthode simplifiée, sinon très précise, mais très suffisante pour les besoins ménagers.

Dans un flacon émeri de 100 centimètres cubes environ, on pèse 40 grammes d’eau dont on marque le niveau d’un trait de lime.

D’autre part, suivant la formule :

Savon de Marseille à 72 p. 100, bien sec 10 grammes.
Alcool 90° 160
Eau distillée 100

on prépare la solution alcoolique au bain-marie ; après quoi on ajoute l’eau.

Et voici comment on procède à l’« essai » d’une eau dure.

On remplit le flacon d’eau jusqu’au repère, puis on ajoute goutte à goutte la solution savonneuse en ayant soin d’agiter fortement le mélange entre chaque addition (de 2 gouttes chacune) jusqu’à formation d’une mousse persistante et abondante : tel est le terme de la réaction, qui apparaît d’ailleurs brusquement. Le degré hydrométrique sera en conséquence le nombre de gouttes totales versées divisé par 4.

En fait, une eau titrant 30° ne nécessite point d’épuration. Il va sans dire que, plus une eau est dure, l’essai, pour être précis, nécessitera la dilution de l’échantillon à moitié ou au tiers d’eau de pluie, ou d’eau distillée.

Enfin, l’essai — à blanc — avec une eau distillée devra donner 0° hydrométrique ; si cette eau donnait 2° ou 3°, il convient de faire une correction correspondante.

Bien entendu, au laboratoire, on épure d’une façon infiniment plus précise et on distingue :

    1° Le degré total ;
    2° Le degré permanent après départ du gaz carbonique ;
    3° Le degré après précipitation à l’oxalate d’ammonium ;
    4° Le degré après ébullition et précipitation.

Ce qui donne la valeur des diverses formes de chaux.

Mais dans la pratique journalière ces quelques indications sont tout à fait suffisantes.

Naturalisation des champignons.

— À la vue de ce titre seul, le lecteur pensera sans doute à part soi ; « En voilà un qui s’apprête à nous conter quelque histoire de plaisantin, comme s’il était possible de garder les champignons dans leur structure originale, à la façon d’un oiseau ! »

Certes, nulle comparaison possible, car toute différente — on le conçoit — est la technique employée pour ces organismes si fragiles, aux formes souvent inattendues, aux couleurs si fugaces ; l’artisan — doublé d’un artiste — peut, le modèle sous les yeux, façonner l’argile qui, parée et colorée, donnera sans doute une idée approchante ... mais il y aura toujours entre le naturel et l’artificiel un « abîme » impossible à combler ; tel un iris aux pétales tourmentés, chiffonnés, criblés de micro-cristaux qui réfléchissent et réfractent tout ensemble la lumière, et la même fleur aux vulgaires corolles de satin !

Ainsi donc, avec la venue du printemps, bon nombre de ces cryptogames se prêteront à merveille à cette « stabilisation », si j’ose dire, tout particulièrement les morilles, les entolomes, tandis que, au cours de la belle saison et surtout de l’automne, s’échelonneront les multiples variétés qui constitueront tant par la forme que par la couleur une véritable collection bien précieuse.

En principe, on opère aussitôt la cueillette, celle-ci faite, il va sans dire avec un soin extrême pour ne briser ni le pied ni le chapeau, ni les « ornements » qui font partie même du champignon. Celui-ci, nettoyé des éclaboussures de terre, brindilles, etc., est soigneusement essuyé au papier de soie.

En possession d’un échantillon maintenu délicatement d’une main, on injecte de part en part dans ses tissus à l’aide d’une petite seringue à injection hypodermique quelques centimètres cubes de formol du commerce à 40°, en commençant par l’axe du pied et en injectant très lentement pour éviter une trop grande pression momentanée qui risquerait de briser les cellules. Ainsi, véhiculé par les vaisseaux, le formol diffuse peu à peu dans les tissus et vient souvent perler à la face inférieure du chapeau entre les feuillets.

Pour les grosses espèces, bolets, oronges, cantarelles, etc., on renouvelle l’opération en quelques points du chapeau.

Telle est l’unique — et combien simple — préparation du champignon par lui-même, qu’il ne reste plus qu’à monter sur fil de fer de façon à lui donner son port naturel, et mieux encore « l’ambiance » dans laquelle on le rencontre. Pour cela, on installe l’échantillon ainsi préparé dans un bocal (genre bocaux de pharmacie à large ouverture), et, définitivement fixé, on le recouvre de quelques millimètres d’un bain spécial, composé de : pétrole lampant, trois parties ; essence térébenthine, une partie ; ou tout simplement d’huile de paraffine rigoureusement incolore.

Il ne reste plus qu’à recouvrir l’orifice du bocal de cellophane incolore et nous voilà en possession, — à combien peu de frais !— des premiers éléments d’une collection ... assez originale, de conservation quasi indéfinie et qui gardera longtemps ses caractères essentiels de formes, de couleur, à condition néanmoins d’éviter une lumière solaire trop brutale.

Je ne saurais trop engager mes jeunes lecteurs à cette distraction à la fois scientifique et facile — et qui en vaut bien d’autres ! — sans compter l’agrément qu’ils auront et le petit sentiment de fierté, — bien légitime — d’avoir constitué par eux-mêmes une telle collection, vraiment peu banale.

En outre, ils se familiariseront avec ce monde trop peu connu des champignons, apprendront à reconnaître les comestibles (il en est d’excellents) des toxiques et favoriseront ainsi la connaissance d’espèces rares ou régionales.

P. LAGUZET.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 444