La plupart des sujets de plein air peuvent être rangés dans
la catégorie des paysages ; n’en sont exclus que ceux présentant des
particularités significatives, comme les marines, les sous-bois, les sujets de
genre et les groupes, qui demandent à être étudiés à part, car ils requièrent
des techniques différentes.
C’est du paysage que nous désirons entretenir aujourd’hui le
lecteur. Bien qu’il ne soit pas possible de codifier rigoureusement les règles
qui le visent spécialement, nous pensons que certaines recommandations
essentielles ne seront pas dépourvues d’opportunité et que l’amateur novice en
pourra tirer profit.
Si nous voulons envisager d’abord le choix du sujet, nous
ferons cette remarque liminaire que le peintre se met généralement en campagne
avec le ferme dessein de prendre comme motif d’étude un sujet qu’il a repéré
d’avance et déjà disposé dans son esprit. Il n’en est pas de même pour le
photographe amateur, qui part le plus souvent à l’aventure en comptant sur sa
bonne étoile pour l’amener en face d’un sujet méritant de retenir son
attention. Or, si les motifs abondent, ils ne sont pas tous aptes à fournir, à
point nommé et sans effort, des images intéressantes et propres à relever le
niveau d’une collection. Par exemple, il en est d’aucuns dont le principal
agrément réside dans leur ampleur, dans l’abondance et la variété des détails
dont ils peuvent se réclamer, et que l’étroitesse du champ embrassé par
l’objectif interdirait à l’opérateur, s’il ne recourait aux moyens élémentaires
qui sont à sa disposition pour vaincre cette difficulté.
Les sujets de cette catégorie (vues d’ensemble, panoramas,
etc.) deviennent abordables, si l’on consent à s’en éloigner suffisamment pour
en avoir une vue générale assez ramassée ; mais c’est évidemment au
détriment de la séparation des parties qui les composent et de la visibilité
des détails. À moins que de ramener toutes choses à l’échelle au moyen de
l’agrandissement, on n’en obtient trop souvent qu’une représentation confuse et
sans intérêt. Une amélioration sensible serait réalisable si l’opérateur
jouissait de la faculté de déplacer latéralement son point de station, et d’en
choisir l’emplacement de telle sorte qu’il puisse embrasser sous une certaine
incidence l’ensemble de ce morceau trop étendu ; en le condensant dans un
cadre plus resserré, il arriverait à lui communiquer une plus grande cohésion
et à lui restituer sous un autre angle une partie de son charme et de son
intérêt. C’est là une première manifestation du choix raisonné qui doit
présider à la genèse de l’œuvre entrevue.
Après cela, il reste à orienter l’appareil avec le souci de
ne pas enfreindre trop ouvertement les lois de la composition. Dans une
causerie antérieure, nous avons dit sommairement en quoi elles
consistent ; nous avons signalé l’importance des points forts, en
insistant sur la nécessité de balancer les lignes ; de soutenir les
obliques par des verticales ou des obliques contraires, afin d’affirmer la
sensation de stabilité et de repos ; d’équilibrer les valeurs ; de
dispenser les effets de lumière et d’ombre en vue de souligner juste ce qu’il
faut les formes des objets, et d’assigner à chaque partie de la composition la
place qui lui convient selon l’importance à lui accorder dans le tableau. Nous
n’aurions pas grand-chose à ajouter sur ces divers points, non plus que sur la
nécessité d’assurer l’aplomb de la composition en ajoutant aux lignes
maîtresses de l’esquisse les soutiens nécessaires à la solidité de l’ensemble.
Nous accorderons cependant une brève mention aux obliques dites
« fuyantes », parce qu’elles tendent à se rencontrer en un point de
concours qui est généralement le point de centre autour duquel s’étend la
région le plus digne d’attirer le regard, et qui est enfin, le pivot de la
perspective linéaire, dont nous aurons à nous occuper quelque jour. Par ce
rapide aperçu, on peut juger de l’importance que prend le choix de la mise en
station assurant une réalisation assez satisfaisante des conditions à remplir.
La question de l’éclairage du sujet nous ménage d’autres
disciplines, qui vont être abordées sans le moindre souci d’ordonnance
méthodique, au courant de la plume. D’une façon générale, les premières heures
de la matinée et les dernières heures de l’après-midi sont les plus favorables
au paysagiste, parce qu’elles dispensent aux objets un éclairage de plein fouet
qui les met en valeur, et aussi parce qu’elles fournissent des ombres plus
allongées. Ces ombres relient les différentes parties de la composition ;
elles ajoutent leur dessin propre à celui des objets terrestres et contribuent
à leur donner du relief. Un type d’éclairage idéal pourrait être cherché dans
la lumière tamisée que laisse filtrer un nuage léger interceptant le soleil
sans le voiler complètement. Il faut regretter que cet éclairage soit
exceptionnel, car il permet de modeler excellemment, en offrant une latitude
suffisante pour accentuer tel ou tel caractère particulier qu’il convient de
mettre en valeur.
Il n’est pas jusqu’à l’exposition elle-même qui ne bénéficie
d’un éclairage favorable, car elle présente dans ce cas une élasticité
permettant de se rapprocher davantage de la durée strictement nécessaire à
l’obtention d’une image complète et convenablement nuancée. Nous verrons plus
tard que la recherche du temps de pose juste, ou simplement correct, est
conditionnée par l’intensité et la coloration de la lumière, par sa direction,
par la saison, l’heure, la nature des objets, la présence de nuages blancs ou
de tonalité claire, et enfin par la présence, dans le champ de verdures, de
constructions plus ou moins vétustes, dont la tonalité propre n’influence que
médiocrement la couche sensible. Si l’on ajoute l’obligation de déterminer
l’ouverture du diaphragme avec le souci d’éviter à la fois une extrême
sécheresse des contours et le manque de consistance des premiers plans, on se
rend compte du nombre et de l’importance des conditions à satisfaire
théoriquement pour réaliser une œuvre parfaite.
Mais la pratique courante n’impose pas de prouesses aussi
éclatantes. En photographie, comme dans toutes les branches des arts
graphiques, les chefs-d’œuvre sont rares ; mais le nombre est grand des
épreuves belles ou simplement agréables à voir, qui sont appréciées
favorablement par ceux à qui elles sont soumises — sans compter la
satisfaction intime que peut éprouver légitimement leur auteur. Et tout amateur
désireux de bien faire peut ambitionner un pourcentage très honorable de
productions de ce genre.
Dans une autre chronique, nous aurons à parler du paysage
dans ses rapports avec la figure, c’est-à-dire du paysage animé par la présence
de personnages épisodiques, modalité qui constitue la transition nécessaire
entre le paysage proprement dit et le sujet de genre, auquel elle sert
d’introduction.
Jacques BERYL.
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