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Causerie juridique

Nouvelle organisation de la chasse

La nouvelle loi sur la chasse a été promulguée dans le Journal officiel du 30 juillet 1941 ; elle porte la date du 28 juin 1941. Cette loi ne modifie que l’article 5 de la loi du 3 mai 1844, qui, pour le surplus, demeure inchangée ; notons toutefois que les attributions dévolues aux préfets par les articles 3, 4 et 9 de la loi de 1844 lui sont enlevées et sont désormais exercées par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture. En définitive, la seule innovation intéressant les particuliers est celle qui réserve exclusivement le droit de chasser aux personnes faisant partie des sociétés départementales de chasse. Pour le surplus, la loi est entièrement consacrée à l’institution d’organismes nouveaux : sociétés départementales, conseils régionaux et conseil supérieur de la chasse.

D’ailleurs, l’exposé des motifs de la loi, dont il nous paraît utile de reproduire les dispositions, indique clairement l’esprit dans lequel la réforme a été conçue : substituer à l’individu des groupements, créer une sorte d’organisation corporative de la chasse. Voici comment est rédigé cet exposé :

» Le gibier constitue une richesse nationale qui doit être développée par un effort collectif accompli par les chasseurs eux-mêmes.

» La chasse ne peut donc plus être envisagée comme un sport exercé dans le cadre individualisme périmé. La discipline et la solidarité doivent, au contraire, être recommandées et même imposées à tous les chasseurs unis au sein de groupements obligatoires qu’ils doteront des ressources nécessaires à la conservation et au repeuplement du gibier.

» L’organisation en quelque sorte corporative des chasseurs se trouve ainsi placée à la base même d’une meilleure administration de la chasse dans notre pays.

» Exprimant par l’intermédiaire de leurs sociétés départementales et des conseils régionaux de la chasse leurs suggestions sur la réglementation de la chasse désormais confiée au pouvoir central, les chasseurs seront bien plus associés que par le passé à la gestion de la chasse en France.

» Par ailleurs, en soustrayant aux influences purement locales la rédaction des arrêtés relatifs à la chasse, la réforme projetée permettra d’unifier dans la plus large mesure possible une réglementation dont la diversité des dispositions n’était pas toujours justifiée.

» Enfin, les organismes dont la création est proposée, notamment le conseil supérieur de la chasse, seront qualifiés pour étudier et mettre au point les modifications qu’il paraîtra opportun d’apporter à la législation de la chasse prise dans son ensemble. »

La dernière phrase de l’exposé qu’on vient de lire laisse prévoir que des modifications plus importantes pourraient être ultérieurement apportées à la législation sur la chasse à la suite de proposition ou de suggestions émanant des divers organismes créés par la loi nouvelle.

Avant la loi nouvelle, il existait, dans la plupart des communes, une ou plusieurs sociétés de chasse, en outre des chasseurs se livraient individuellement à la pratique de ce sport ; dans tous les départements, il existait un groupement, une fédération, réunissant dans son sein la plupart des sociétés de chasse du département, et parfois même également des sociétés de pêche ; la fédération, en ce dernier cas, comportait une section chasse et une section pêche. L’affiliation des sociétés de chasse à la fédération départementale n’était pas obligatoire, elle présentait cependant des avantages tels qu’en fait un très grand nombre de sociétés adhéraient à la fédération départementale.

L’article premier de la loi nouvelle, dans son quatrième alinéa, prononce la dissolution de toutes les fédérations départementales de sociétés de chasse et des sections « chasse » des fédérations départementales des sociétés de chasse et de pêche. Cette dissolution sera effectuée à la date du 31 octobre 1941. Il sera substitué à cet organisme dans chaque département une société départementale de chasseurs, laquelle recueillera les fonds détenus par la fédération. Mais il n’est pas touché aux sociétés communales de chasse, non plus qu’aux multiples associations de chasseurs existant actuellement ; elles conservent leur existence propre, leurs fonds et leurs statuts ; cependant, ces sociétés ou associations ne peuvent plus se grouper en fédérations ; elles ne peuvent pas davantage entrer en tant que sociétés dans la société départementale ; ce sont les membres de ces associations qui, individuellement, doivent se faire admettre comme membres de la société départementale.

L’objet des sociétés départementales de chasseurs, indiqué au deuxième alinéa de l’article premier de la loi nouvelle, est la répression du braconnage, la constitution et l’aménagement de réserves de chasse, et la protection et la reproduction du gibier. Au surplus, ces sociétés ne peuvent rédiger leurs statuts à leur guise, le modèle-type adopté par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture, que l’on a lu plus haut, doit être textuellement repris par elles.

Dans chaque département, il ne peut exister qu’une société départementale ; cette société devra être constituée d’ici le 31 octobre prochain sur l’initiative de la fédération départementale de sociétés de chasse ou de la section « chasse » et de la fédération départementale des sociétés de chasse et de pêche. Le président de la société est nommé par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture, qui peut également le révoquer et le remplacer.

Aux termes de l’article 4 de la loi, la cotisation imposée à chaque membre de la société départementale est fixée à 25 francs, dont 5 francs sont attribués au conseil supérieur de la chasse. Sur le surplus, une somme de 15 francs est obligatoirement affectée à l’entretien d’une ou de plusieurs brigades de gardes chargés de la police de la chasse dans le département. Au surplus, la société doit, pour chaque exercice, préparer son budget de dépenses et le soumettre, avant exécution, à l’officier des forêts chargé du contrôle technique et financier qui, en cas d’omission, pourrait y inscrire les dépenses nécessitées par le service de la brigade des gardes. Cet officier, dont nous parlerons tout à l’heure, peut même être chargé de la gestion de ce budget.

Le second organisme prévu par la loi nouvelle est le conseil supérieur de la chasse, qui est substitué à l’ancien comité national de la chasse et aux régions cynégétiques, dont la dissolution est prononcée par l’article 2 de la loi et dont les fonds sont dévolus au conseil supérieur ; il est composé de quatorze membres, dont sept personnalités appartenant aux milieux cynégétiques, nommées par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture. Un décret du 28 juin 1941, inséré au Journal officiel du 30 juillet 1941, règle son fonctionnement. Il a essentiellement pour attributions de mettre au point tous les textes relatifs à la réglementation de la chasse qui doivent être soumis à la signature du ministre, d’étudier les projets d’améliorations de la chasse, d’organiser les recherches scientifiques concernant le gibier, d’en assurer le financement et de contribuer aux dépenses occasionnées par le repeuplement des chasses. Il est guidé dans cette tâche par le service central de la chasse formé d’officiers des forêts spécialistes des questions cynégétiques.

Le troisième organisme nouveau consiste en vingt-trois conseils régionaux de la chasse répartis entre vingt-trois régions énumérées dans un tableau accompagnant le décret du 28 juin 1941. Ces conseils sont présidés par le conservateur des forêts du chef-lieu de la région et composés des présidents des sociétés départementales des chasseurs des départements compris dans la région, et, en outre, de l’officier forestier du service central désigné pour assurer le contrôle technique et financier des sociétés départementales de chasseurs. Ces conseils régionaux ont pour mission de donner un avis sur les questions ayant trait à l’organisation et à l’amélioration de la chasse, ainsi que sur la réglementation de la chasse à établir dans la région. Le décret du 28 juin règle également le fonctionnement des conseils régionaux.

Les vingt-trois régions sont groupées sous le contrôle technique et financier d’officiers forestiers de la commission centrale de la chasse, dans des conditions précisées par le décret du 28 juin 1941 dans un tableau d’ensemble : il existe sept groupes ayant respectivement pour chefs-lieux Paris, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Toulouse, Pau et Nantes. Les régions du Nord et de l’Est sont rattachées à Paris, où sont mis en service deux officiers forestiers ; dans tous les autres chefs-lieux, il y en a un. Ce sont ces officiers qui, comme nous l’avons indiqué précédemment, ont le contrôle des sociétés départementales de chasseurs et peuvent même être chargés de la gestion de leur budget.

Les explications qui précèdent, qu’il était nécessaire de donner, ne doivent présenter, nous nous en rendons compte, qu’un intérêt assez limité pour le chasseur moyen ; ce qui intéresse ce dernier, c’est beaucoup moins l’organisation administrative des services, organisation à laquelle il n’aura aucune part à prendre, que les modifications apportées aux conditions dans lesquelles il pourra se livrer au sport de la chasse. C’est par cela que nous terminerons cette causerie.

Ces modifications, nous l’avons indiqué au début de cet article, sont peu importantes ; elles se résument en ceci que, pour obtenir l’octroi ou le renouvellement de son permis de chasse, toute personne, qu’elle soit propriétaire ou locataire d’une chasse, qu’elle entende chasser seule sur des terres ou nul autre qu’elle n’a le droit de chasser, ou bien qu’elle fasse partie d’une société de chasseurs, doit justifier qu’elle est membre d’une société départementale de chasseurs et qu’elle a payé à ce titre sa cotisation pour l’année courante, laquelle quittance demeurera annexée au permis de chasse. Rappelons que la loi a fixé à 25 francs le montant de la cotisation annuelle ; cette somme s’ajoute au coût du permis de chasse, pour lequel il n’est rien modifié.

La loi ne précise pas quelle est la société départementale à laquelle doit adhérer le chasseur ; il nous semble que c’est à celle du département dans lequel le chasseur a sa résidence ou son domicile ; c’est, en effet, le sous-préfet de l’arrondissement de cette résidence ou de ce domicile qui doit déclarer le permis de chasse ; antérieurement, le préfet pouvait délivrer des permis pour tout le département ; actuellement, il ne peut plus le faire que pour l’arrondissement du chef-lieu du département, semble-t-il. Par contre, il n’est pas innové en ce qui concerne la faculté de prendre le permis hors de l’arrondissement du domicile légal, dans un arrondissement où l’on n’a qu’un lieu de simple résidence. C’est donc à la société départementale du département dont dépend le domicile ou la résidence et dans lequel est présentée la demande de permis qu’il y a lieu d’apporter son adhésion.

La loi n’indique pas non plus comment on obtient son admission à la société départementale des chasseurs. Pour cette année, cependant, et en attendant que soient constituées les nouvelles sociétés départementales de chasseurs, les préfectures ont donné, par la voie des journaux, toutes indications en ce qui concerne le numéro du compte courant postal auquel il y avait lieu de verser la cotisation de 25 francs, dont le reçu, ainsi que le récépissé du percepteur, doit être annexé à la demande de permis déposée à la mairie. Il semble donc que le contrôle de la qualité de l’adhérent pour être admis à chasser sera exercé par le sous-préfet lors de la demande de permis.

Si le permis est accordé, il ne peut y avoir de raison pour refuser l’admission dans la société ; si le permis est refusé, il en résulte nécessairement, semble-t-il, radiation de la société. C’est d’ailleurs en ce sens qu’est rédigé l’article 7 des statuts dont nos lecteurs ont pris connaissance plus haut.

Le chasseur qui a obtenu le permis jouit, sous l’empire de la loi nouvelle, des droits dont il jouissait antérieurement ; son inscription à une société départementale n’ajoute ni ne retranche rien à ces droits, spécialement au point de vue du territoire sur lequel le permis l’autorise à chasser.

Pour terminer, rappelons que désormais ce n’est plus aux préfets, mais au ministre secrétaire d’État à l’Agriculture qu’il appartient de fixer les dates d’ouverture et de clôture de la chasse, soit générales, soit pour diverses catégories de gibier, ni de réglementer la chasse aux oiseaux de passage ou au gibier d’eau, et la destruction des animaux malfaisants et nuisibles.

La raison de cette réforme, comme l’indique l’exposé des motifs dont nous avons reproduit le texte, au début de cette causerie, c’est le désir d’unifier la réglementation de la chasse et de soustraire aux influences locales la rédaction des arrêtés relatifs à la chasse.

Notons, enfin, que la loi nouvelle n’est pas déclarée applicable à l’Algérie ni aux colonies, où l’ancienne réglementation de la chasse va subsister.

Paul COLIN.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 452