La gelinotte (poule de bois) est un gallinacé de la famille
des tétras (coq de bruyère) ; on la trouve dans les régions de l’Est, les
Alpes, le Massif Central et, en général, dans les pays de montagne. Semblable à
un gros perdreau, elle vit en compagnies dans les bois ; son vol bruyant
est très caractéristique.
Les larves, les pousses d’arbres (bouleau et noisetier), les
baies et les feuilles constituent sa nourriture. Elle est très friande des
feuilles d’une certaine espèce de pommier sauvage. Dans les bois, j’ai
rencontré souvent certains pommiers semblant avoir été dévorés par les
chenilles ; mais, en regardant de près, j’ai vu l’empreinte du bec de
l’oiseau dans les feuilles.
Toutes ces herbes et ces feuilles ne sont pas sans donner
une certaine saveur à sa chair ; aussi les gourmets préfèrent-ils la
gelinotte qui vit dans les bois de chênes et de hêtres à celle vivant dans les
bois où le bouleau domine, car les pousses de cet arbre lui communiquent une
saveur amère.
La gelinotte est un des gibiers qui couvent de très bonne
heure ; aussi, dès l’ouverture, elle a atteint la taille adulte. Jusqu’en
octobre elle se tient en compagnie, toujours aux mêmes endroits ; le matin
sur une hauteur et le soir près d’un endroit humide où elle peut boire et
s’abriter du vent. Elle aime les sous-bois sans trop d’herbe, car celle-ci la
gêne dans sa marche.
Son vol, bruyant au départ, rappelle celui du perdreau en
plus fort. Ses ailes étant relativement petites par rapport à son poids, elle
est obligée de dépenser une énergie considérable pour son envolée. Une fois
lancée et en plein vol, elle étend les ailes et se laisse porter toujours dans
une direction rectiligne ; c’est pourquoi, comme le coq de bruyère, elle
cherche généralement à gagner un bas-fond.
Lorsque la gelinotte se perche après un vol, elle se plaque
brutalement et avec bruit sur une branche basse (chêne de préférence) ; il
est alors très difficile de l’apercevoir, allongée sur cette branche où elle se
confond avec elle et y demeure absolument immobile, tant qu’elle juge qu’il y a
danger. La gelinotte ne fait entendre son chant très caractéristique que le
matin, au lever du jour, quand elle se perche à la cime d’un arbre.
Toutes les bêtes puantes (renard, fouine, martre, chat
sauvage, putois, belette), la buse, le chat domestique se tenant dans les bois
et devenu à demi sauvage, lui font la guerre. Si à l’appeau on a la visite
inattendue d’une bête puante ou d’une buse, il faut sans hésitation laisser la
gelinotte, mais ne pas manquer son ennemi ; l’année suivante apportera la
récompense, et c’est agir en vrai chasseur.
La gelinotte se chasse à la relève et à l’appeau.
Très difficile à tirer à la relève par suite de la
rapidité de son vol et de son habileté à franchir les branches et les fourrés,
on ne la lève que par surprise, car elle préfère se sauver en piétant. Le chien
d’arrêt devient presque inutile, car elle ne se laisse arrêter que très
rarement ; encore faut-il des chiens très prudents et sûrs au départ.
Cette chasse habitue généralement les chiens à « bourrer » et à
poursuivre le gibier. Amis chasseurs, n’emmenez jamais un jeune chien d’arrêt à
cette chasse, vous gâteriez sûrement votre bête et ne pourriez tirer.
À la relève, la gelinotte surprend, car elle part
toujours d’un endroit où on ne la soupçonne pas. Son plumage la rend invisible
alors qu’elle voit, et ainsi déjoue, presque chaque fois, les prévisions. Elle
a trois dons : la rapidité de sa course silencieuse, sa vue et son ouïe
particulièrement développées et sa robe qui la confond avec son habitat.
Malgré tout, la chasse à la relève est une des plus
sportives par ses difficultés et notamment par celle de son tir due au vol
rapide et plongeant de l’oiseau.
À l’appeau, la chasse est moins sportive. Cependant
elle est des plus passionnante, car elle permet également l’étude des mœurs de
la gelinotte. Ce ne sont plus les jambes qui travaillent, mais l’œil et
l’oreille.
La gelinotte a un cri aigu et perçant, bien caractéristique,
mais peu perceptible pour le profane. C’est une modulation prolongée sur deux
tons; aussi est-il nécessaire de posséder un appeau absolument juste et donnant
ces deux tons. La gelinotte vient d’ailleurs parfaitement à cet appel.
Le moment le plus favorable est, à l’ouverture, le
matin ; l’après-midi, il est beaucoup plus difficile de la faire venir,
car elle est repue et demeure allongée sur une branche au soleil. Les belles
journées sans vent sont aussi les plus favorables. Le matin, de bonne heure, la
gelinotte vient généralement au vol, tant qu’il y a de la rosée, mais, sitôt celle-ci
disparue, elle vient de préférence en piétant.
Pour opérer, il faut choisir un endroit peu découvert, sur
une tranchée, d’où l’on puisse voir en se baissant à une vingtaine de mètres.
S’asseoir pour se rendre moins visible. Après quelques minutes de silence,
lancer un premier appel ; recommencer deux ou trois minutes après.
Attendre patiemment, car la gelinotte ne répond pas toujours, bien qu’elle ait
entendu et s’approche en silence. Si elle répond, appelez une seule fois et ne
bougez pas. Au moindre bruit d’aile, se tourner dans cette direction sans
bruit. La gelinotte a volé pour arriver plus vite et achève le parcours en
piétant. Elle connaît parfaitement le point d’appel, son ouïe ne la trompe pas.
Les regards se porteront à terre dans un rayon assez large ; elle peut
chercher en cercle, à 15 ou 20 mètres. Bientôt un point noir se déplace
rapidement et par saccades entre les troncs et les branches basses du taillis,
c’est la tête de l’oiseau. Le fusil préparé, laisser avancer ... et, sitôt
le gibier à découvert, tirer.
Si la gelinotte ne répond pas aux appels, il n’y a pas lieu
d’en déduire que c’est un échec. Elle peut très bien venir sans bruit à
quelques mètres du chasseur et s’en retourner de même après l’avoir vu. Dans ce
cas, il est très rare de la faire revenir là, tout au moins immédiatement.
Attention ! Si, au premier appel, la gelinotte arrive
droit au vol, ne pas essayer de la tirer, attendre qu’elle se pose, ce sera
presque toujours à portée de fusil. De même il arrivera souvent d’être surpris
par l’oiseau qui débouche subitement dans la tranchée à quelques mètres. Il
tend le cou, puis piaille comme un poussin et enfin s’éloigne par bonds dans la
tranchée. Surtout, ne pas bouger ; pendant que l’oiseau court, le fusil
sera amené insensiblement à l’épaule ; quand il s’arrête, demeurer
immobile, mais tirer assez tôt, car, après une vingtaine de mètres, il
s’envolera.
Siffler seulement à de longs intervalles, et non
constamment ; il faut avoir beaucoup de patience. Souvent trente minutes
s’écoulent avant de percevoir un bruit d’aile, et autant avant de tirer.
Si une gelinotte est manquée ou qu’elle reparte avant
qu’elle ait pu être tirée, changer de place et aller rappeler 200 ou 300 mètres
plus loin, car elle ne viendra plus à la même place.
À ma connaissance, certains jours, la gelinotte vient
beaucoup mieux que d’autres. Je ne saurais à quoi l’attribuer. On dit que,
lorsque la lune brille la nuit, les gelinottes ne viennent pas, mais aussi que
du brouillard avant le jour est néfaste. Ce sont des hypothèses.
À l’appeau, on tue surtout les coqs et, en ménageant ainsi
les poules, on ne risque pas de dépeupler. Il faut d’autant plus respecter les
poules que, sur une couvée de 10 à 15 gelinottes, il n’y a que 3 ou 4 poules
et, celles-ci disparues, les coqs partiront.
Bien peu de chasseurs connaissent la richesse de leurs
forêts en gelinottes. Ce n’est qu’à l’appeau qu’ils peuvent s’en rendre compte.
La chasse à l’appeau peut se pratiquer de l’ouverture à
l’automne, au moment où les feuilles tombent. Si un jour, dans la matinée, 4 à
5 coqs viennent garnir le carnier du chasseur, celui-ci pourra avoir la
satisfaction d’avoir fait une excellente chasse, d’autant plus que ce gibier
est l’un des plus délicieux.
F. R.
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