De Brest à Douarnenez, je coupe au plus court et je prends
le bateau qui va, après une halte au Fret, me descendre à Quelern ; je
traverse ainsi du nord au sud cette immense rade de Brest, courte promenade en
mer, qui mérite d’être effectuée. De Quelern, je gagnerai Camaret, ce joli
petit port, et, de là, à peu de distance, la pointe de Pen-hir, qui offre au
touriste un point de vue remarquable, d’abord sur les Tas-de-Pois, formés de
trois gros rochers en mer et alignés verticalement, puis sur l’anse rocheuse de
Dinan.
Prenant la direction de Crozon, je rencontre ça et là de
nombreux moulins, la plupart en ruines, certains même sans ailes, vestiges des
temps anciens ; je n’en aurai aperçu qu’un seul dont les ailes tournaient
et qui ne devait probablement rien écraser, je suppose. De Crozon, une belle
descente conduit à Morgat, cette plage renommée de 2 kilomètres, où la mer
vient, à marée haute, s’engouffrer dans d’immenses grottes que l’on peut
visiter. En raison du mauvais temps, je me contenterai seulement d’escalader,
vélo sur le dos, cet escalier de pierre du haut duquel part un sentier qui fuit
sous un bois de sapins, d’où la vue est magnifique. À quelques centaines de
mètres, près du phare, un immense entonnoir où, à une vingtaine de mètres de
profondeur, les flots de la mer viennent se briser : c’est la Cheminée du
Diable.
Après un repos trop court, en ces lieux si captivants, je
vais, par une route sans caractère particulier, atteindre, à 50 kilomètres
de là, Douarnenez, port de pêche très pittoresque, avec ses innombrables petits
bateaux, à proximité, une coquette plage que domine, sur la falaise, un
« bouquet » de pins du plus gracieux effet. Au côté opposé, la vue
s’étend sur l’île Tristan, toute proche.
La journée suivante, je partirai pour Audierne, en passant
d’abord par Comfort, où il y a un beau calvaire, puis, après Pont-Croix, la
descente sur Audierne longe l’embouchure du Goyen, que suit, tout au bord, une
ancienne ligne de chemin de fer à voie étroite. La plage d’Audierne, fort
belle, est située à près de 2 kilomètres du pays, au nord de cette
magnifique baie du même nom.
La Pointe du Raz, que tout visiteur de la Bretagne se
doit d’aller voir, est à 15 kilomètres de là ; c’est la côte sauvage
par excellence. Dans un cadre émouvant, elle offre au touriste des vues
plongeantes vertigineuses. Le parcours dans ces rochers est assez dangereux et
nécessite une certaine prudence ; par endroits, on surplombe, en effet, la
mer de 30 ou 40 mètres, mais il faut absolument faire cette promenade
« alpiniste », afin de jouir du spectacle grandiose que l’on
découvre. Les rochers, sans cesse battus par la mer, ont les formes les plus
originales : ici, c’est une tête de cochon, tout près un chapeau de
général, là un moine couché face à l’Océan, avec son capuchon relevé.
De larges crevasses, des tunnels, dans lesquels s’engouffre
la mer, et voici constitué « l’Enfer de Plogoff ». Le jeune guide qui
m’accompagne me raconte qu’en 1926 un Belge imprudent a glissé sur un roc et a
été précipité dans les flots ; son corps ne devait être retrouvé qu’un
certain temps après, la furie des vagues l’ayant transporté de l’autre côté du
tunnel. Sarah Bernhardt n’a-t-elle pas tenu, malgré sa jambe de bois, à
effectuer cette descente périlleuse parmi ces blocs et, à marée basse, à
traverser un de ces tunnels ! Au large, le phare de Tévennec, commandé
automatiquement de Brest, et, plus près, celui de La Vieille, avec deux
gardiens en permanence et un à terre. Je dois signaler aussi l’île de Sein, qui
apparaît très nettement. Sur la droite, la vue est fort belle sur la pointe du
Van et la baie des Trépassés avec son menhir. Enfin, la statue de Notre-Dame
des Naufragés, située près du sémaphore, domine cet ensemble saisissant sur
lequel je jette un dernier coup d’œil avant de reprendre la direction
d’Audierne.
Le lendemain me trouvera à Quimper pour l’heure du déjeuner.
L’après-midi sera consacré à visiter la ville que domine fièrement la
cathédrale, bel édifice du XVe siècle, complété en 1854 par deux
magnifiques flèches de 75 mètres de haut, et dont le chœur, par une
bizarre méthode de construction de l’époque, est incliné à gauche. À
l’intérieur, voir « la mise au tombeau », avec ses personnages
coloriés d’un gracieux effet. Dans la ville, de vieilles rues, une agréable
promenade au bord de l’Odet, cette belle rivière dont la descente en vedette
est, paraît-il, très pittoresque, que domine, sur la rive gauche, la colline
très ombreuse du Mont-Frugy, d’où la vue s’étend sur toute l’agglomération
quimperloise. À remarquer également la Préfecture, magnifique bâtiment, et
aussi le monument « très pays » des Filles de la Mer. Enfin, dans le
quartier de Locmaria, sont établies d’importantes et renommées faïenceries.
La dixième étape, par Rosporden et la coquette petite ville
de Quimperlé, me conduira en une matinée à Lorient, cet autre port de guerre,
ville moderne dont la vue sur la rade est très belle. Un beau pont suspendu
(pont Saint-Christophe) enjambe l’embouchure du Scorff.
(À suivre.)
M. VERGNE.
(1) Voir numéros de juin 1940 et septembre 1941.
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