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Une leçon d’éducation physique

L’éducation physique, a écrit Hébert, est une œuvre scolaire : aux maîtres de la réaliser.

Cette réalisation ne demande qu’un peu de bon sens et de bonne volonté.

Pour pratiquer la méthode naturelle, il n’est pas besoin de stades immenses, d’engins compliqués. La cour de l’école suffit ; le préau, un arbre, quelques bancs, deux ou trois accessoires simples, et c’est tout. Même sans crédits, l’éducation des enfants peut être menée à bien, si vraiment l’on veut.

L’entraînement par la méthode naturelle doit être de préférence précédé d’une visite médicale, afin d’écarter les malades, les estropiés, les cardiaques, qui doivent être l’objet de soins spéciaux. Temporairement aussi, on doit éloigner des leçons les enrhumés, les indisposés, les blessés.

Le maître, à défaut d’une autorité plus haute, répartit les élèves en quatre groupes : les forts, deux groupes de moyens, les faibles.

Il est bon d’établir pour chaque élève une fiche individuelle comportant, avec les renseignements médicaux, le tableau des performances de l’enfant, au début de son entraînement, puis à époques régulières.

Les cinq leçons hebdomadaires se donnent au grand air ou, exceptionnellement, en cas de très mauvais temps, dans un local parfaitement aéré.

La tenue de travail est légère. Pour les garçons, culotte courte et tricot sans manches ; pour les filles, culottes courtes recouvertes d’une tunique sans manche avec ceinture lâche. Comme chaussures, espadrilles à semelles de corde.

Bien peu d’appareils sont nécessaires à la réalisation du programme. Il faut tout de même des sautoirs (qui peuvent être faits de caoutchoucs tenus par deux élèves) ; des échelles (prendre n’importe quelle échelle ordinaire qu’on place contre un mur) ; des cordes suspendues à un arbre ; des balles et des ballons (à faire confectionner aux élèves à l’aide de vieux chiffons) ; des haltères (des pierres ou des galets remplacent très bien), des sacs de sable (à faire confectionner par les élèves).

La leçon ne comporte pas d’exercices respiratoires proprement dits ; toutefois, avant de donner la toute première leçon, il est indispensable d’apprendre une fois pour toutes, aux élèves, à bien respirer. Bien respirer est une nécessité de tous les instants ; la plupart des enfants et même des hommes ne le savent qu’imparfaitement.

La leçon se donne sur « le plateau d’entraînement » de 30 mètres sur 12 en moyenne, dont on marque les angles. Le maître se place au milieu du plateau ou au milieu d’un des grands côtés d’où il dirige les exercices. Il se fait aider par quatre moniteurs, choisis parmi les élèves les mieux doués physiquement et intellectuellement.

Le travail est exécuté par vagues sur le plateau de la façon suivante. Les élèves du premier groupe se rassemblent sur un rang avec des intervalles de 1 à 2 mètres, sur le petit côté du rectangle, la base de départ. Au signal donné par le maître, ils avancent sur le plateau, en exécutant l’exercice qui leur a été demandé. Ils traversent ainsi tout le plateau d’entraînement et s’arrêtent au petit côté opposé à la base de départ, la base d’arrivée. Là, sous la conduite de l’un des moniteurs, ils se rassemblent et, par une marche lente et rythmée de chants, regagnent la base de départ en contournant le plateau. Pendant ce temps, le deuxième groupe, qui s’est préparé sur la base de départ dès qu’elle a été libre, a déjà été lancé sur le plateau, où le troisième et le quatrième groupe l’ont suivi. À ce moment, le premier groupe, revenu à la base de départ, est prêt à partir de nouveau. Les groupes se succèdent ainsi, sans arrêt ni interruption, jusqu’à la fin de la leçon. Celle-ci est donc un déplacement continu au cours duquel l’enfant exécute les exercices naturels et utilitaires que nous allons énumérer.

Marche : marche naturelle, allure vive, en flexion ; marche à l’indienne, allure moyenne, marche sur la pointe des pieds, allure moyenne.

Lancer : jonglage vertical avec une balle, à deux mains, en marchant, avec balancement des bras d’arrière en avant et d’avant en arrière ; lancer de distance et d’en bas avec balle lestée.

Saut : sautillements à cloche-pied, sauts en hauteur avec élan.

Grimper : marche à quatre pattes, allure moyenne avec déplacement simultané des mains et des pieds, grimper aux cordes, perches, échelles, arbres, etc. ...

Course : course naturelle, allure vive, en attitude correcte, course à l’indienne, allure moyenne, course sur la pointe des pieds, allure moyenne.

Porter : charger et transporter un sac léger sur l’épaule ; transport à deux porteurs d’un camarade simulant un malade ou un blessé.

Lutte et défense : lutte de traction d’une seule main, à deux ; lutte avec bâtonnet, à deux.

La leçon se termine toujours par un parcours en course, réglé et progressif, par une marche avec chants, au cours de laquelle le maître observe l’état des élèves et les symptômes de fatigue, de manière à pouvoir rectifier le travail si besoin est ; enfin, par des soins de la peau, ablutions et frictions.

Cette leçon comporte, on le voit, un grand nombre d’exercices et vise surtout à produire un mouvement intense.

Pendant l’année, les leçons peuvent être variées à l’infini, les vitesses et les distances augmentées.

Par exemple, le départ de la marche ou de la course peut être pris un genou en terre, ou avec volte-face rapide ; le jonglage peut être rythmé sur certains pas, le lancer en l’air remplacé par un lancer sur une cible ; des obstacles réels peuvent être substitués aux caoutchoucs pour le saut ; la lutte individuelle peut alterner avec la lutte par camps ; le port des sacs avec le port d’objets divers, sans oublier le porter sur la tête et tous les exercices d’équilibre et d’adresse, etc. …

Le maître a le choix pour compléter cet entraînement avec des grands jeux, des sports (en se gardant, bien entendu, des championnats et des compétitions dangereuses), des danses, des travaux utilitaires comme le jardinage, des leçons de natation si possible.

Enfin, le maître n’oubliera jamais de profiter de la leçon d’éducation physique pour cultiver les sentiments nobles de ses élèves, bienfaisance, dévouement, solidarité, pour leur inculquer certaines idées directrices de la méthode Hébert dont la principale est : devenir fort pour être utile aux autres.

Ennemonde DIARD.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 470