Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°602 Octobre 1941  > Page 475 Tous droits réservés

Lettres de ma plate-bande

Le colchique.
Le doryphore à la curée.
Un nouveau fléau.
Boulets de canon.
La bouteille à l’encre.
Les engrais liquides.

Le colchique.

— M. Ch. Giron, à Hyères (Var), pose une question qui intéresse les propriétaires de prairies et de pelouses constituées par des alluvions fraîches, de nature colloïdale, où l’on voit apparaître en automne de nombreuses fleurettes en cornet de colchique, plus souvent désignées sous le nom de veilleuses, veillottes, tue-chien, etc. ...

Comment s’y prendre pour détruire le colchique, qui est un véritable poison pour les bêtes ?

Les bulbes et les feuilles du colchique contiennent, en effet, un alcaloïde extrêmement vénéneux, la colchicine, puisque les toxicologues prétendent que 2kg,500 seulement de feuilles vertes suffisent pour tuer un gros ruminant et que 30 grammes de bulbes frais foudroient un porc de 100 kilogrammes, si on ne lui fait pas prendre immédiatement un vomitif énergique, tel que sulfate de zinc (ipéca).

Les moyens proposés pour se débarrasser du colchique sont les suivants :

    1° arrachage des bulbes à la pioche, ou, mieux, à l’aide d’un crochet spécial barbelé ;
    2° fauchage des clochettes avant la grenaison, pour empêcher la propagation par les graines ;
    3° remise en culture du terrain envahi par cette liliacée, pendant deux ans ;
    4° profiter de l’occasion pour assainir la parcelle et incorporer des engrais phosphocalciques.

Le doryphore à la curée.

— Quel est, à votre, avis, le meilleur traitement à employer contre le doryphore ? Je me perds dans le dédale des explications contradictoires que l’on colporte dans ma localité.

On distingue deux catégories d’insecticides : ceux dits d’ingestion, comme les arséniates et les fluosilicates, et ceux dits par contact, comme le pyrèthre et la roténone.

Afin de ne pas trop compliquer les choses, je préconiserai les deux procédés qui semblent donner les meilleurs résultats, savoir : les pulvérisations à base d’arséniate de plomb et les poudrages à la roténone, qui sont également efficaces et dispensent du transport de l’eau.

L’emploi des arséniates, poison dangereux, est réglementé par le décret du 11 mai 1937. L’arséniate de plomb, que l’on fait dissoudre dans de l’eau, à la dose de 2 kilogrammes par hectolitre, est épandu au pulvérisateur sur les fanes de la pomme de terre, vers la mi-juin, au moment où apparaissent les larves de la première génération, un peu plus tôt ou un peu plus tard, suivant la précocité du lieu. La deuxième application a lieu un mois environ après la première. En même temps que l’arséniate, on peut incorporer une bouillie cuprique, destinée à combattre le Peronospora infestans, d’où un double traitement. Il faut compter sur une application de 700 à 800 litres de liquide à chaque fois, pour traiter convenablement un hectare.

La roténone est un principe actif extrait des racines de derris et de cubé, plantes des pays tropicaux. Les poudres roténonées, contenant au minimum 5 p. 100 de derris frais, sont d’une efficacité remarquable, parce que, grâce à leur grande ténacité, elles se déposent sur toutes les feuilles, beaucoup mieux que la bouillie. On les emploie à la dose de 40 à 50 kilogrammes à l’hectare, les deux poudrages coïncidant avec l’apparition de la première et de la deuxième génération de larves.

Un nouveau fléau.

— Un abonné du Var me signale que, dans sa région, des cantons entiers sont envahis par la fourmi argentine, notamment dans l’arrondissement de Toulon.

Ces insectes empoisonnent Tamaris, les Sablettes et tout le faubourg de la Mitre. J’ai vu des pigeonneaux et des lapereaux littéralement couverts de fourmis, peu après leur naissance. Inutile de dire qu’ils n’en réchappaient pas. On voit ces insectes cheminer partout, sur les légumes, sur les arbres. Dans les maisons, les aliments sont dévalisés et l’on est obligé, pour ne pas être incommodé la nuit par ces bestioles, de poser les pieds de lit dans des boîtes contenant du pétrole. Mon jardin est débarrassé de tous ses escargots, mais aussi de ses nids d’oiseaux, Il n’y a pas de fourmilières, tous les jardins ne font qu’un immense habitat, complètement criblé de galeries. Les fourmis argentines, qui sont très petites, s’introduisent partout. Elles sont devenues un véritable fléau, en progression constante, dont les Pouvoirs publics seront bien obligés de s’inquiéter. Connaissez-vous des moyens efficaces de destruction ?

Mon correspondant signale une invasion nouvelle qui est loin d’être réjouissante. Cette fameuse fourmi argentine, en faisant tache d’huile, menace d’envahir l’ensemble du territoire français, comme l’ont fait ses deux prédécesseurs de triste mémoire, le phylloxéra et le doryphore.

Une lutte sans merci doit être organisée contre la fourmi argentine qui, en raison de sa petitesse et de sa prolificité, risque d’anéantir notre magasin aux vivres, celui qui nous vient des champs et des jardins.

Les moyens de destruction des fourmis qui, à ce jour, paraissent être les plus efficaces sont les suivants :

Emploi de l’eau bouillante, avec ou sans émulsion de pétrole et de savon noir : un kilogramme de chaque sorte par hectolitre. Injection de sulfure de carbone dans le sol, à l’aide d’un pal, à la dose de 100 à 120 grammes par mètre carré. Emploi des eaux miellées ou mélassées, contenant 0,5 p. 1.000 d’arséniate de soude. Les irrigations prolongées par submersion sont également efficaces. Nous reviendrons sur ce sujet d’intérêt général lorsque nous aurons réuni une documentation assez complète sur les meilleurs moyens de défense à mettre en œuvre contre la fourmi argentine.

Boulets de canon.

— En réponse à la demande de M. Trémolières, insérée dans le numéro de février 1940, relative à la détermination de l’arbre exotique dénommé « boulet de singe », M. Jean Benville, de Béziers, a bien voulu me transmettre la note ci-après :

Les caractères botaniques mentionnés par M. Trémolières, semblent indiquer qu’il s’agit du Caroupita quinensis, famille des Bécythidées, appelé, en Guyane, bois de calebasse, et dont les fruits sont dénommés là-bas « boulets de canon ». Les fruits du Caroupita qui, à l’état frais, possèdent une saveur acide agréable, acquièrent une odeur insupportable quand ils commencent à pourrir. Votre correspondant pourra comparer les caractères de son élève à ceux du Caroupita sur un livre de botanique, pour vérifier si mon hypothèse est exacte.

La bouteille à l’encre.

— D’autres aimables correspondants ont cru reconnaître, dans la description sommaire du « boulet de singe », plusieurs arbres exotiques, mais sous des désignations qui ne concordent pas. Je compte beaucoup sur M. Trémolières pour tirer la chose au clair.

Le commandant Prieur, de Beaune, pense qu’il s’agit du jacquier, très commun au Tonkin : Cet arbre donne des fruits énormes, très appréciés des Annamites.

M. Paul Duchesne, ancien fonctionnaire, est du même avis : Cet arbre doit être le jacquier, encore appelé pain de singe, qui croît en Indochine.

D’autre part, MM. Maillachon et Marland, pépiniéristes, pensent qu’il s’agit du Maclure aurantiaca (orangers des Osages), encore appelé bois d’arc : Les fruits sont granuleux, verruqueux, gros comme une orange ... M. Joseph Masot, entrepreneur de jardins, penche pour la même hypothèse, ainsi que M. R. Lacombe.

Enfin, M. Georges Ducos, à la Hitère (Gers), classe les boulets de singe dans la famille des Scropularinées. Cet arbre, dénommé Paulownia, du nom d’une princesse russe, fille du tsar Paul 1er, serait depuis longtemps acclimaté en Europe : La description faite par M. Trémolières est très exacte, mais j’ignore si les fruits sont comestibles pour les animaux. Les stigmates qui enveloppent la pulpe renferment chacun une graine, dont la levée est assez capricieuse. Le bois du Paulownia est employé en ébénisterie.

Les engrais liquides.

— Quels engrais faut-il dissoudre dans l’eau afin d’activer la croissance des légumes, pour les appliquer en arrosage, sans risquer de brûler les feuilles ?

L’engrais liquide le plus économique, c’est celui qui sort des fosses septiques bien installées et que l’on recueille à la sortie dans un bassi cimenté, étanche et couvert. Cet effluent, qui contient tous les principes minéralisés des vidanges, est très riche en nitrate et en potasse. On peut l’épandre à la pomme sans aucun danger pour la santé, puisque les microbes ont été détruits par la fermentation anaérobie. Cependant, comme cette dilution est plutôt pauvre en acide phosphorique, qui a été précipité, il convient d’appliquer au préalable, en couverture, un peu de superphosphate, 2 kilogrammes à l’are.

À défaut de fosse septique, on aura recours aux engrais chimiques mélangés, choisis parmi les plus solubles et les plus assimilables. Dose maximum à employer : une cuillerée à café par arrosoir d’une contenance de 10 litres.

Formule pour légumes herbacés (salades, choux, épinards, etc.) :

Phosphate d’ammoniaque 300 grammes.
Nitrate de potasse 400
Nitrate de soude 200
Sulfate d’ammoniaque 100
 
Total
———
1
 
kilogramme.

Formule pour légumes racines (carottes, navets, céleris, etc.) :

Phosphate d’ammoniaque 400 grammes.
Nitrate de potasse 400
Sulfate d’ammoniaque 200
 
Total
———
1
 
kilogramme.

Un arrosage à l’engrais liquide tous les quatre ou cinq jours suffit amplement.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 475