À l’heure où ces lignes paraîtront, les arrachages de pommes
de terre auront commencé et la récolte se poursuivra pendant plusieurs
semaines. Il paraît logique, en conséquence, de fournir aux cultivateurs
quelques conseils appropriés sur la conduite de ces travaux de récolte. Mais,
au préalable, quelques vues d’ensemble sont nécessaires sur la culture de la
pomme de terre en période de restriction où nous nous trouvons actuellement.
La culture de la pomme de terre après l’armistice.
— Presque partout, en raison des besoins énormes de la
consommation humaine, on a intensifié la culture de la pomme de terre. De
nombreux terrains ont été défrichés aux alentours des grandes villes ; de
nouveaux jardins potagers ont été créés même dans les plus petites
localités ; des superficies plus considérables ont été consacrées aux
cultures sarclées dans la plupart des exploitations.
Il semble donc que la production devrait s’accroître sur une
large échelle et permettre une alimentation suffisante en tubercules. Il en
serait ainsi si des facteurs nettement restrictifs n’étaient intervenus. Ces
facteurs de régression sont relatifs à la semence employée, à une insuffisance
de fumure minérale, aux ravages du doryphore.
1° La semence employée a été, dans beaucoup de cas,
de qualité inférieure. En temps normal, les exploitants ne possédant que des
plants mauvais ou médiocres pouvaient facilement s’approvisionner, moyennant un
léger excédent de prix, en plants sélectionnés, contrôlés, ou simplement en
provenance de régions favorisées. Tel n’a pas été le cas au printemps dernier.
Il a fallu employer, dans beaucoup de fermes, des tubercules dont on ignorait
la faculté productive, tubercules souvent vendus à des prix presque
prohibitifs. Par nécessité, on a dû accentuer la pratique du coupage, pratique
rendue cette année parfois néfaste, en raison des conditions froides et humides
survenues de la plantation à la levée. Voilà, certes, un facteur restrictif
important dont il faut tenir compte dans l’évaluation de la récolte, mais ce
n’est pas le seul.
2° La fumure employée n’a pas toujours été
rationnelle et suffisante. Comme les tubercules se vendaient bien, beaucoup de
cultivateurs auraient, cette année, utilisé des sels minéraux en complément du
fumier de ferme. Mais ces engrais ont été rares, qu’il s’agisse d’engrais
azotés ou d’engrais phosphatés et potassiques. Là, comme ailleurs, il y a eu
restriction, au grand préjudice du développement des plantes.
3° Enfin le doryphore fait, de plus en plus, parler
de lui et accentue son développement. Au moment où cet article est rédigé, nous
ne sommes qu’imparfaitement renseignés sur les dégâts occasionnés par
l’insecte. Mais tout porte à croire que ces dégâts seront importants, car la
première attaque a été forte et les traitements ont été effectués de façon trop
parcimonieuse, faute de produits antidoryphoriques.
Si donc le pays veut être ravitaillé en tubercules, des
précautions doivent être prises au moment de la récolte. Pour l’instant, je
voudrais simplement attirer l’attention des cultivateurs sur le problème des
semences en vue des plantations de 1942. Comme il faut s’attendre encore à de
grosses difficultés d’approvisionnement, j’entends des difficultés pour se
procurer de bons plants, il est indispensable de s’ingénier dès maintenant à
obtenir, avec ce que l’on possède déjà, des plants assez bons ou seulement
passables.
La question des variétés.
— À l’heure critique où le pays se trouve, on fait peu
de différence entre les variétés bonnes, passables ou médiocres pour l’alimentation.
Ce qui domine, c’est la production, et il faut viser surtout
aux gros rendements. Les variétés dites fines, recherchées pour leur valeur
culinaire mais à rendement réduit, doivent, en partie, céder le pas à des
variétés rustiques productives, de grosse consommation : Institut de
Beauvais, Flourball, Industrie, Rouge d’Automne, Ackersegen,
etc. ... Les variétés féculières très productives : Parnassia,
Wolthmann, ne doivent pas non plus être dédaignées, car la fécule est
indispensable à certaines industries nationales.
La sélection à l’arrachage.
— Deux procédés s’offrent en octobre pour améliorer,
jusqu’à un certain point, les semences pour l’année suivante. Ils consistent,
dans les plantations, à choisir les meilleurs pieds ou bien à éliminer les mauvais.
Il est bien entendu que ces procédés de fin de saison sont moins efficaces que
la sélection massale ou la sélection généalogique basées l’une et l’autre sur
les caractères morphologiques du feuillage. Mais, en octobre, lorsque les
feuilles sont en partie détruites ou desséchées, on n’a pas d’autre point de
repère pour la sélection que l’observation du rendement de diverses plantes.
1° Dans une parcelle ayant donné de bons résultats
d’ensemble, mais où l’on observe quelques irrégularités, on examine les pieds
les uns après les autres. On arrache les plus grosses touffes, celles que l’on
suppose être les plus productives. Les diverses récoltes sont mises au fur et à
mesure dans un panier pour servir à la multiplication future. Il arrive parfois
que certains pieds à feuillage puissant fournissent seulement de petites mais
nombreuses pommes de terre. La récolte de ces pieds est à éliminer, car il
s’agit le plus souvent de la maladie appelée Rhyzoctone.
2° Si la parcelle offre une certaine homogénéité, c’est-à-dire
renferme beaucoup de pieds d’apparence vigoureuse, il faut opérer autrement;
Pour récolter, on se place dans le sens des lignes. En arrachant les plantes
d’une ligne, on met à droite les tubercules des pieds productifs et à gauche
les tubercules en provenance des pieds chétifs. La récolte de droite ramassée
globalement est mise à part pour la semence.
Ces procédés grossiers de sélection basés sur la production
ne sont pas toujours bien efficaces ; nous le savons par expérience pour
les avoir bien des fois employés. Ils constituent néanmoins une méthode
d’amélioration qui n’est pas à dédaigner.
C. PERRET.
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