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Sylviculture

Bois et forêts

Quand un bois a une certaine étendue, on l’appelle forêt, et bosquet, buisson, garenne quand il n’a qu’une petite superficie Suivant la manière dont il a été exploité ou aménagé, on le distingue en taillis, bois coupés périodiquement à des époques plus ou moins rapprochées, et futaies, plantations d’arbres qui ne se coupent que lorsqu’ils sont dans toute la richesse et le développement de leur végétation. Les bois doivent être envisagés sous deux rapports principaux : leur culture et leur administration.

Les bois s’offrent à nous, en général, comme un produit spontané du sol et il semble qu’ils ne demandent pas que la main de l’homme les cultive. Il est certain, cependant, que le produit peut en être doublé par les soins de la culture. Les épines et les ronces peuvent disparaître pour laisser se développer en liberté les essences plus précieuses. Il ne faut donc pas les négliger ; des semis bien dirigés, des élagages faits à propos, l’appropriation des espèces au sol qui les nourrit peuvent en augmenter la richesse.

Dans la culture des bois, comme dans celle de toutes les productions du sol, on doit considérer leur formation, leur entretien et leur récolte. La formation d’un bois s’opère par semis ou par plantations. Quand on veut faire un semis, il faut d’abord considérer la nature du sol et la position des lieux, les sols légers et sablonneux aiment les bois résineux. Le pin du Nord, ou sylvestre, se plaît dans les terrains bas et frais : le pin d’Écosse, sur les plateaux élevés battus par le vent ; les arbres à racines pivotantes demandent un terrain profond, un sol plus superficiel convient à ceux dont les racines sont traçantes. On plantera des taillis fournissant des échalas et des cercles dans les pays de vignobles ; les bois de chauffage et de charpente, dans les environs des villes et des usines.

La semence doit être récoltée à sa complète maturité, elle doit être semée à l’époque la plus voisine possible de la récolte, à moins que, la jeune plante n’étant pas de celles qui redoutent les rigueurs de l’hiver, il ne faille la conserver avec des soins particuliers. La terre qui la reçoit doit avoir été fraîchement remuée, soit à la charrue quand la disposition du sol le permet, soit à la herse ou à la pioche. On ne doit répandre ni trop, ni trop peu de semence ; on en met moins quand la graine est bonne et le terrain bien cultivé, on en met plus dans les cas contraires. En général, les semences demandent à être peu recouvertes de terre, on ne recouvre pas du tout les semences ailées et légères. Les semences de pin réussissent bien jetées seulement sur terre. On sème les glands de chêne, les fruits du hêtre et du châtaignier en terre fraîche et ombragée, les graines de l’orme dans un bon sol, on enterre celles de frêne avec une herse de broussailles ; le bouleau se sème sur une terre meuble dès l’automne ; ses graines ne demandent pas à être recouvertes, on peut les semer en froid sous la neige ou au printemps, ou, mieux, au moment même où elles viennent d’être recueillies et sous l’abri de quelques plantations d’arbres ou de grandes plantes vivaces par un temps calme et pluvieux, de préférence à l’exposition nord. Pour regarnir, il surfit de gratter la surface du sol avec un râteau à dents de fer et d’y jeter la graine à la volée.

Pour multiplier l’orme par graines, moyen certainement le meilleur et celui auquel on a plus ordinairement recours parce qu’il donne des arbres plus beaux et d’une plus longue durée, on recueille la graine dès qu’elle est tombée, c’est-à-dire vers le mois de mai, en préférant celles des jeunes arbres à celles des vieux, puis on sème tout de suite dans une terre légère et bien préparée. Pour peu que la graine soit enterrée trop profondément, elle ne lève pas, elle ne doit donc être recouverte que d’un centimètre d’épaisseur de terre.

Les bois formés par la voie des semis ne demandent pas à être cultivés pendant les premières années, à moins que les jeunes pousses ne paraissent étouffées par des herbes trop épaisses. En général, ces plantes forment pour les jeunes arbres un abri protecteur.

Les plantations se font soit avec de jeunes plants élevés dans les pépinières ou arrachés dans les forêts, soit avec de jeunes arbres ayant déjà acquis en pépinière une certaine force. Les plants arrachés dans les bois sont les moins bons, leurs racines sont peu chevelues, et ils sont moins propres à braver la chaleur du soleil et les intempéries. On plante depuis la chute des feuilles jusqu’à leur renouvellement. L’automne est préférable dans les sols légers et chauds, le printemps dans les terrains argileux et humides.

Généralement, on dépouille le jeune sujet d’une partie du chevelu de ses racines, on appelle cela habiller le plant. C’est une pratique funeste, on ne doit retrancher du plant que les racines mutilées ou froissées.

Le terrain doit être préparé par un labour à la charrue, ou à la herse, soit dans toute son étendue, soit par bandes de deux tiers de mètre environ en largeur en laissant inculte l’intervalle qui les sépare ; quelquefois dans un terrain convenable, on se borne à planter en pots, poquets ou potets, c’est-à-dire dans les trous ouverts de distance en distance sur un terrain qui n’a reçu aucune préparation. Si l’on veut planter un taillis, les rangées doivent être éloignées l’une de l’autre de 1m,50 environ. Si c’est une futaie qu’on désire élever, ce n’est pas trop de laisser entre les chênes, les frênes, etc. ..., un intervalle de 7 à 8 mètres.

Le plant, une fois mis en terre, demande des soins pendant plusieurs années ; on débarrasse le sol des mauvaises herbes par des binages annuels, on regarnit les endroits où les plants ont manqué ; on creuse et on perce des raies d’écoulement pour les eaux. Si l’on veut former une futaie, on émonde les branches du tronc de l’arbre à une certaine hauteur ; jusqu’à six ans, on doit leur laisser autant de hauteur de tête que de tige; après cet âge, on peut retrancher les branches jusqu’aux deux tiers de hauteur de l’arbre, mais pas au-dessus. C’est surtout dans les terrains stériles et impropres à la culture que le propriétaire peut s’enrichir par des plantations bien dirigées ; les montagnes les plus ardues, les dunes avec leurs sables mouvants peuvent se couvrir d’une végétation florissante.

Sur les montagnes exposées au nord, on met les sapins, les pins, le mélèze ou le bouleau ; au levant, le robinier, le hêtre et le charme ; au midi, le chêne, l’érable et le châtaignier ; l’ouest est favorable au sapin, au chêne, au hêtre et au charme.

Certains arbustes à racines fibreuses et qui s’étendent sont propres à retenir les sables mouvants des dunes, l’ajonc, le tamaris, l’arbousier, l’alaterne, le prunelier, le chèvrefeuille, la bruyère, l’élyme, le millepertuis, etc. ... On y plante avec succès le pin maritime, le chêne-liège et le chêne rouvre. On met les sables à l’abri de l’action du vent, en les protégeant par une triple rangée de jeunes arbres ayant déjà une certaine force.

Les bois, une fois formés, demandent des soins divers qui en augmentent la richesse. Tels sont l’élagage, le nettoiement et les éclaircies dans les jeunes taillis. L’élagage, pour réussir, doit être fait avec certaines précautions, on ne doit couper que les branches inférieures des arbres ; les grosses branches ne sont pas coupées immédiatement près de la tige principale, mais on conserve un chicot ou tronçon d’environ 0m,35 de longueur. On laisse subsister les plus belles branches verticales et, si le même arbre présente deux tiges élevées qui semblent se disputer la suprématie, on retranche la moins belle. Les taillis ne doivent être élagués que lorsque le sol est suffisamment ombragé pour qu’il conserve encore après l’élagage l’humidité nécessaire à la végétation des arbres. Il est inutile d’en élaguer les brins qui ne sont pas destinés à devenir un jour des baliveaux. Les élagages, d’ailleurs, se font dans la jeunesse de l’arbre. On les commencera au mois de septembre pour les terminer au mois de mars. Les bois résineux ne doivent pas être élagués ; on peut seulement couper leurs branches inférieures à 30 centimètres de la tige.

Les nettoiements et les éclaircies dans les taillis sont une opération salutaire ; on les débarrasse ainsi des épines, des ronces, des genêts, du lierre et de la bruyère, aussi bien que des brins mal venants qui nuisent au développement de l’arbre ou des arbres voisins. On éclaircit une seule fois dans les taillis qui doivent être coupés de vingt à vingt-cinq ans et l’on doit observer surtout de ne laisser la terre découverte dans aucun endroit et de conserver plutôt quelques mauvaises essences ou quelques buissons improductibles que d’exposer le sol à une sécheresse qui le rendrait stérile. Dans les bois d’arbres résineux, on éclaircit seulement quand ils s’embarrassent et se nuisent par l’entrelacement de leurs rameaux trop serrés, car il convient qu’ils se pressent les uns contre les autres, afin de mieux résister aux vents qui les fatiguent ; abandonnés à eux-mêmes, ils finissent par s’éclaircir mutuellement, mais on tire plus de produit en éclaircissant soi-même par degrés, par le retranchement de ceux qui paraissent sur le point d’être étouffés et par la croissance plus rapide des autres.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 483