Garde des moutons.
— Le mouton est certainement le plus délicat de tous
nos animaux domestiques, le plus faible, le plus sujet à une foule de maladies,
et il doit être soumis à la plus active surveillance pour empêcher des ravages
dans les champs garnis de récoltes. Aussi, dans toutes les exploitations
agricoles sérieuses et basées sur l’entretien d’un troupeau nombreux de bêtes
ovines, le choix d’un berger est-il fort important. Sans bon berger, point de
troupeau productif ; le dépérissement ou l’état prospère du troupeau
dépend de lui surtout. Les bêtes à laine doivent toujours être conduites et
surveillées par un homme vigilant, sérieux, muni de plusieurs chiens bien
dressés ; ces animaux sont précieux pour un conducteur de moutons ;
ils apportent en naissant un instinct qui vient de race et que le dressage
perfectionne. Un chien de berger, pour qu’il soit bon, doit connaître tous les
signaux de son maître et savoir y obéir ; il doit avoir la dent bonne,
autrement les moutons mépriseraient ses poursuites, et happer le mouton au
train de derrière sans meurtrissure, vers le bas du jarret, jamais au cou ni
aux pattes de devant ; les morsures faîtes à ces derniers endroits
guérissent difficilement et font boiter l’animal. Dans les petites fermes, on a
le grand tort de faire conduire les moutons par de jeunes enfants qui ne
pensent qu’à jouer, et les animaux, ne recevant ni nourriture, ni soins
convenables, souffrent et font des dégâts aux champs cultivés. Dans beaucoup de
grandes fermes, on ne tient pas assez compte de celui qui est préposé à la
conduite des bêtes à laine; fréquemment, même, on emploie à ce service des
jeunes gens paresseux, quelquefois cruels pour les animaux qui leur sont
confiés, au lieu de faire choix de personnes intelligentes, douces, aimant les
bêtes et s’attachant à elles.
Il ne faut pas perdre de vue, nous le répétons, que la
réussite du troupeau est toujours liée d’une manière intime aux qualités du
berger, et qu’on ne peut compter sur des bénéfices certains, qu’autant que
cette condition est remplie.
La conservation de tout troupeau de moutons exige donc qu’il
soit placé sous la conduite et la surveillance d’un bon conducteur, qui, lorsqu’il
mènera ses bêtes dans un pâturage, saura estimer par aperçu la somme de
journées à passer, de vivres que ses animaux peuvent y trouver, qui ne les
laissera pas paître à l’aventure en piétinant et gaspillant plus d’herbe qu’ils
n’en mangent. Il faut qu’il les conduise sur chaque partie et sache en utiliser
complètement toutes les ressources fourragères sans gaspillage ; il est
nécessaire qu’il soit doux, patient, vigilant et surtout pas ivrogne, il doit
examiner, non seulement tout le troupeau, mais chacune des bêtes en particulier.
Il observera celles qui ne mangent point, celles qui dévorent avec trop
d’avidité ; il se rendra compte des causes de bien-être ou de malaise
qu’éprouve chacun de ces animaux.
À la bergerie, le berger doit se préoccuper de la
température. Comme une trop grande abondance d’air, l’hiver, pourrait refroidir
les moutons, il faut, selon le temps, que le berger bouche, si nécessaire,
quelques-unes des ouvertures situées au nord. L’été, s’il fait trop chaud dans
la bergerie, il ferme au contraire celles du midi.
L’expérience apprend aux bergers à user de certaines précautions
au pâturage, car, bien qu’il soit plus favorable qu’aucun autre régime à la
santé des moutons, le pâturage leur deviendrait promptement néfaste si on ne le
dirigeait convenablement. Pendant les grandes chaleurs, un berger soigneux se
retirera avec son troupeau devant le soleil et conduira ses moutons dans un
endroit frais, où ils pourront à leur aise ruminer et digérer la nourriture
amassée dans leur premier estomac.
Pendant l’hiver, le berger doit faire preuve d’agilité et de
courage. Il faut distribuer les rations de nourriture qu’on donne aux moutons
plusieurs fois par jour dans les bergeries.
Sans exiger du berger des connaissances vétérinaires, il
faut cependant qu’il connaisse les principales maladies des bêtes bovines,
qu’il sache en discerner les symptômes et appliquer les quelques remèdes exempts
de danger qui peuvent enrayer le mal. Il est indispensable qu’il puisse
également reconnaître l’âge des moutons. Il doit pouvoir aider les brebis à
mettre bas, séparer celles qui ne veulent pas prendre leurs agneaux et donner à
ceux-ci les soins que réclame leur faiblesse.
C’est le berger qui souvent abat et dépèce les bêtes
destinées à la consommation ; quand un mouton meurt, il doit le dépouiller
de sa peau et la conserver jusqu’à la vente.
C’est donc faire preuve d’imprévoyance que de choisir à la
légère un berger ; malheureusement, il n’est pas toujours facile de s’en
procurer un bon ; on peut prendre de préférence celui qui, depuis son
enfance, a montré du goût pour cette profession et a servi en qualité
d’aide-berger.
Le propriétaire d’un troupeau de moutons ne doit pas
négliger de donner un auxiliaire à son berger, dès que le troupeau dépasse le
chiffre de quatre cents têtes, maximum de bêtes qu’un seul gardien peut
surveiller et soigner ; cet aide-berger, convenablement instruit sur la
conduite et la gestion d’un troupeau et habitué à la pratique, deviendra
souvent un bon berger par la suite.
Dans les pays de petite et de moyenne culture, où les
cultivateurs n’ont qu’un petit nombre de moutons, la garde des bêtes ovines sur
les pâturages et le territoire de la commune est confiée à un berger communal
payé par les propriétaires de moutons au prorata des bêtes à laine qu’ils possèdent.
Le berger passe chaque matin avec ses chiens dans les rues du village en
soufflant dans une corne, les propriétaires des bêtes à laine avertis ouvrent
leurs bergeries et les portes de leur cour ; les moutons sortent
d’eux-mêmes et viennent rejoindre le berger ; quand le troupeau est au
complet, celui-ci le mène paître dans les champs.
Vers le soir, il parcourt avec le troupeau les rues du
village, chaque animal reconnaît son bercail et y rentre sans se tromper. Il va
sans dire que chaque mouton porte la marque de son propriétaire.
Louis TESTART.
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