Encore les léporides.
— M. Bayard, de Tanger, pense que la question des
léporides devrait intéresser un grand nombre de lecteurs et il me demande d’y
répondre avec quelques détails.
« Ayant lu dans un catalogue que le lapin Géant des
Flanches ressemblait au lièvre dont il descend (sic), pouvez-vous me faire
connaître, par la voie de votre vivant journal, s’il est possible d’accoupler
avec succès les lapins et les lièvres. Dans l’affirmative, vaut-il mieux
prendre comme géniteurs lièvre X lapine ou lapin X hase ? »
Il s’agit d’un projet au moins tricentenaire, qui a déjà
fait couler des flots d’encre, la réussite des léporides ayant été confirmée et
infirmée tour à tour, sans que le grand public sache exactement qui a tort ou
raison. Donc une mise au point catégorique s’impose.
Étant donné que les lapins et les lièvres constituent deux
familles de rongeurs distincts, ayant des caractères anatomiques et des moeurs
dissemblables, il ne peut pas y avoir d’alliance durable entre les deux
espèces. En effet, s’il est possible de réussir accidentellement l’accouplement
du lièvre avec la lapine, cela n’a aucun intérêt pratique, puisque la
descendance est toujours stérile, les hybrides étant incapables de se
reproduire entre eux. Cela est incontestable parce que, s’il en était
autrement, il y a belle lurette que l’on verrait des léporides gambader, au
clair de lune, dans les chasses et les garennes sauvages où cohabitent lièvres
et lapins.
Des vaches ou des moutons.
— M. A. Frétel, agriculteur en Seine-Inférieure, se
plaint de la dureté des temps présents. Ayant l’intention de changer son fusil
d’épaule, il me demande mon avis.
« Dans ma petite ferme morcelée, de 10 hectares,
qui nourrit nos huit vaches à lait, ma femme et moi avons un mal infini.
L’éloignement des prairies nous fait lever, en été, à 3h.1/2. Tout cela pour
obtenir un rendement annuel de 18.000 francs. J’ai pensé que nous serions
mieux rémunérés avec des brebis. Combien pourrions-nous en nourrir à la place
de nos vaches et quel sera le rapport ? »
Si l’exploitation de M. Frétel n’est pas l’idéal comme ferme
laitière, en raison surtout des pertes de temps occasionnées par
l’affourragement en vert, elle convient encore bien moins à l’élevage des bêtes
à laine, à cause du morcellement et de l’éloignement des parcours, qui
nécessitera le concours permanent d’un berger pour un bien petit troupeau, à
moins que l’on ne pratique la stabulation à la bergerie. En ce qui concerne la
consommation, il faut admettre que 10 brebis de 50 kilogrammes ont de
plus grands besoins vivriers qu’une vache de 500 kilogrammes, à cause des
déperditions épidermiques, conséquence du plus grand développement de la peau.
Il faut, en outre, se rappeler que les prairies pâturées, soumises au
piétinement, sont toujours moins profitables que les prairies fauchées. Pour
toutes ces raisons, il ne paraît guère possible de nourrir, sur les 10 hectares
disponibles, plus de 50 à 60 bêtes à laine, fournissant une cinquantaine
d’agneaux qui, vendus entre quatre et cinq mois, laisseront péniblement un
produit brut de 18.000 francs, plutôt moins que plus.
Mais je dois faire remarquer à M. Frétel que
18.000 francs de lait pour huit vaches, à 1 fr. 30 le litre
(chiffre du moment), indique seulement un rendement unitaire de 1.730 litres,
qui peut être facilement doublé, et qu’il n’est pas tenu compte de la valeur de
huit veaux, 8.000 francs environ.
J’en conclus que mon correspondant n’a pas intérêt à
entreprendre une exploitation ovine dans la situation qu’il occupe, mais qu’il
doit faire le nécessaire pour intensifier le rendement de ses vaches, en leur
distribuant quelques tourteaux et en sélectionnant son troupeau.
La vie des nomades.
— M. Jean Bache, à Anzin, me fait part d’une situation
spéciale, demi-sauvage, qui lui permettrait d’élever librement, à peu de frais,
des poules et des canards.
« Il s’agit d’un terrain vague, bien clôturé, d’une
superficie d’un hectare, où pullulent les limaces et les insectes. Il me
faudrait un poulailler roulant que je changerais de temps à autre de place, pour
y loger conjointement mes poules et mes canards. J’aurais besoin de directives
pour construire ce poulailler, ainsi qu’une bonne formule de pâtée, à base de
pommes de terre, me dispensant de l’emploi du grain. »
À moins de disposer d’une vieille conduite intérieure, ou de
quatre roues caoutchoutées sur essieux, un poulailler roulant vous reviendra
beaucoup plus cher qu’un poulailler à demeure, sans en avoir le confort. À part
le plancher, qui est absent, les dispositions à prendre pour l’aménagement intérieur
d’une roulotte à volailles sont les mêmes que pour les constructions modernes
du même genre. Inspirez-vous d’un bon modèle. Mais n’oubliez pas qu’il ne faut
jamais loger les canards avec les poules. Les palmipèdes, en effet, ne sont pas
des oiseaux percheurs et vous ne pouvez pas les astreindre à servir de planches
à crottes, pour recevoir les déjections qui tombent des perchoirs. Il vaut
mieux construire une petite hutte à leur intention.
Une formule de pâtée pouvant convenir à vos poules et à vos canes
pondeuses pourrait être établie de la façon suivante, en la mouillant un peu
plus pour les palmipèdes :
Pommes de terre cuites et écrasées |
5,0 |
kilogrammes. |
Petites verdures hachées (orties, salades, choux, etc. ...) |
2,0 |
—— |
Farine d’orge ou de maïs |
1,0 |
—— |
Sons et remoulages |
1,0 |
—— |
Tourteau de farine de féverole |
0,5 |
—— |
Farine de viande ou de poisson |
0,5 |
—— |
Total |
——— 10,0 |
kilogrammes. |
Contre la vermine.
— Une aimable lectrice qui signe « Une Ardennaise,
amateur attentive », signale un remède héroïque qui lui a donné un plein
succès contre les poux des poulaillers, venant sucer le sang des volailles
durant la nuit.
« Il suffit de badigeonner au carbonyl l’intérieur
du poulailler, sans oublier les fentes ni les recoins. L’opération étant faite
de bonne heure, le matin, aussitôt le lever des poules, si on a soin d’aérer
largement, le produit sera sec et l’odeur très atténuée lorsque les volailles
iront se coucher ; elles ne peuvent être incommodées. J’ai pu également
sauver une couveuse sucée par les mêmes parasites, pâle, anémiée, prête à
succomber, en lui insufflant dans les plumes de la poudre à punaises. Cette
poule a pu finir son incubation, qui était fort compromise. »
Le remède de ma sympathique Ardennaise, joint à tant
d’autres, que nous avons publiés dans les colonnes du Chasseur français,
ne devrait plus tolérer qu’il y eût de malheureuses victimes, tourmentées le
jour et dévorées la nuit par l’implacable vermine qui rend les basses-cours
absolument improductives. Mais il faudrait se décider à agir.
Diarrhée des lapins et durillons des poules.
— Un abonné de la Nièvre, M. Dumeige, demande un remède
contre la diarrhée des lapins :
« Je viens d’en perdre deux de trois mois sur une
nichée de neuf. Et comment guérir les durillons qui déforment les pattes de la
majeure partie de mes poules ? »
Il est probable que vous aurez d’autres décès de lapereaux à
déplorer, parce que c’est généralement à partir de trois mois que les
affections intestinales prennent leur caractère virulent et morbide, cependant
que les coccidées passent de l’intestin au foie et vice versa, en empruntant le
canal cholédoque. Le remède doit être à la fois préventif et curatif, la
coccidiose étant en instance dans tous les clapiers. Il faut recourir à
l’emploi alternatif du thymol et du cachou, ainsi qu’il a été indiqué maintes
fois aux Lettres de mon Perchoir.
Quant aux durillons farineux qui déforment les pattes de vos
poules, ils sont tout simplement occasionnés par une gale très facile à
détruire. Il suffit de deux applications, à vingt-quatre heures d’intervalle,
d’huile et de pommade soufrée, pour guérir la gale aux pattes. L’huile décape
les galeries et le soufre asphyxie les sarcoptes. On peut également employer la
pommade d’Helmerich.
Les changements de sexe.
— Mes lecteurs ont sans doute souvenance de
l’intéressante communication du commandant de Sainte-Basile, concernant une
faisane ayant revêtu la livrée du mâle, c’est-à-dire un plastron noir, une
queue et un dos prenant le blanc. Sur mes instances, M. de Sainte-Basile
m’a écrit à nouveau :
« Ayant exposé ma faisane au Concours d’Aviculture
de Cherbourg en 1938, elle y fut remarquée, notamment par un professeur
d’histoire naturelle, M. Gallien, qui m’affirma que la transformation
sexuelle s’étendait aux organes internes, chose facile à vérifier à l’autopsie.
« Ayant perdu ma faisane d’un kyste dans le jabot,
voilà qu’une remplaçante, ayant pondu la première année, prend à son tour la
livrée du mâle. Cela m’intrigue. S’agit-il d’un accident consanguin, tous mes
pensionnaires descendent d’un couple unique, ou alors faut-il attribuer à
l’hérédité la réédition du phénomène ? Ma faisane, comme la précédente, a
pondu au cours de sa deuxième année d’une façon normale ... »
Le commandant de Sainte-Basile va surveiller l’évolution
sexuelle de son oiseau. Mais en sortira-t-il quelque chose d’intéressant au
point de vue biologique? Cela m’étonnerait, car s’il est vrai que, dans le
genre humain, il est assez fréquent de voir des fillettes se muer en
garçonnets, aux approches de la puberté, le contraire, c’est-à-dire la mutation
des sexes, ne s’est jamais produite chez les femmes ayant déjà procréé. J’en
déduis qu’il doit en être de même d’une poule faisane ayant pondu. Quoi qu’il
en soit, rien ne s’oppose à ce que, à la fin de sa carrière, une autopsie vienne
contrôler de visu les organes génitaux de la femelle qui a pris le plumage du
coq, pour voir si les glandes séminales sont en instance de priorité.
Le procédé du major Morant.
— M. Levrat, à Phulam, signale que, sous le climat
chaud et humide de la Cochinchine, l’élevage du lapin en cabane est à peu près
impossible, à cause des maladies qui sévissent avec une rapidité effrayante,
tandis que la méthode du pâturage dans des parcs, que l’on déplace tous les
jours, semble donner de bien meilleurs résultats.
« Mes cages ont trois mètres de superficie et
peuvent contenir quatre mères séparées, ou deux portées de lapereaux. Au bout
de combien de temps puis-je revenir sur un terrain pâturé, sans crainte
d’infection ? »
Ces terres fortes, humides et encaissées se contaminent plus
vite et plus longuement que les terrains légers, sablonneux, perméables et en
pente. D’ailleurs, les déjections perdent rapidement leur nocivité,
lorsqu’elles sont soumises à des alternatives de pluie qui les dissolvent, et
de coups de soleil qui tuent les microbes. Enfin, il faut tenir compte de la
densité des populations.
Avec les parcs du major Morant, mesurant 0m,70 de
large et 2 mètres de long, pouvant contenir une mère et sa progéniture ou
la portée tout entière, on dispose d’un modèle très maniable et l’on pourra
ramener ses pensionnaires au bout d’un mois, sur le terrain pâturé, sans grand
risque d’infection.
Mondiage d’ARCHES.
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