Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°602 Octobre 1941  > Page 487 Tous droits réservés

Lettres de mon perchoir

Encore les léporides.
Des vaches ou des moutons.
La vie des nomades.
Contre la vermine.
Diarrhée des lapins et durillons des poules.
Les changements de sexe.
Le procédé du major Morant.

Encore les léporides.

— M. Bayard, de Tanger, pense que la question des léporides devrait intéresser un grand nombre de lecteurs et il me demande d’y répondre avec quelques détails.

« Ayant lu dans un catalogue que le lapin Géant des Flanches ressemblait au lièvre dont il descend (sic), pouvez-vous me faire connaître, par la voie de votre vivant journal, s’il est possible d’accoupler avec succès les lapins et les lièvres. Dans l’affirmative, vaut-il mieux prendre comme géniteurs lièvre X lapine ou lapin X hase ? »

Il s’agit d’un projet au moins tricentenaire, qui a déjà fait couler des flots d’encre, la réussite des léporides ayant été confirmée et infirmée tour à tour, sans que le grand public sache exactement qui a tort ou raison. Donc une mise au point catégorique s’impose.

Étant donné que les lapins et les lièvres constituent deux familles de rongeurs distincts, ayant des caractères anatomiques et des moeurs dissemblables, il ne peut pas y avoir d’alliance durable entre les deux espèces. En effet, s’il est possible de réussir accidentellement l’accouplement du lièvre avec la lapine, cela n’a aucun intérêt pratique, puisque la descendance est toujours stérile, les hybrides étant incapables de se reproduire entre eux. Cela est incontestable parce que, s’il en était autrement, il y a belle lurette que l’on verrait des léporides gambader, au clair de lune, dans les chasses et les garennes sauvages où cohabitent lièvres et lapins.

Des vaches ou des moutons.

— M. A. Frétel, agriculteur en Seine-Inférieure, se plaint de la dureté des temps présents. Ayant l’intention de changer son fusil d’épaule, il me demande mon avis.

« Dans ma petite ferme morcelée, de 10 hectares, qui nourrit nos huit vaches à lait, ma femme et moi avons un mal infini. L’éloignement des prairies nous fait lever, en été, à 3h.1/2. Tout cela pour obtenir un rendement annuel de 18.000 francs. J’ai pensé que nous serions mieux rémunérés avec des brebis. Combien pourrions-nous en nourrir à la place de nos vaches et quel sera le rapport ? »

Si l’exploitation de M. Frétel n’est pas l’idéal comme ferme laitière, en raison surtout des pertes de temps occasionnées par l’affourragement en vert, elle convient encore bien moins à l’élevage des bêtes à laine, à cause du morcellement et de l’éloignement des parcours, qui nécessitera le concours permanent d’un berger pour un bien petit troupeau, à moins que l’on ne pratique la stabulation à la bergerie. En ce qui concerne la consommation, il faut admettre que 10 brebis de 50 kilogrammes ont de plus grands besoins vivriers qu’une vache de 500 kilogrammes, à cause des déperditions épidermiques, conséquence du plus grand développement de la peau. Il faut, en outre, se rappeler que les prairies pâturées, soumises au piétinement, sont toujours moins profitables que les prairies fauchées. Pour toutes ces raisons, il ne paraît guère possible de nourrir, sur les 10 hectares disponibles, plus de 50 à 60 bêtes à laine, fournissant une cinquantaine d’agneaux qui, vendus entre quatre et cinq mois, laisseront péniblement un produit brut de 18.000 francs, plutôt moins que plus.

Mais je dois faire remarquer à M. Frétel que 18.000 francs de lait pour huit vaches, à 1 fr. 30 le litre (chiffre du moment), indique seulement un rendement unitaire de 1.730 litres, qui peut être facilement doublé, et qu’il n’est pas tenu compte de la valeur de huit veaux, 8.000 francs environ.

J’en conclus que mon correspondant n’a pas intérêt à entreprendre une exploitation ovine dans la situation qu’il occupe, mais qu’il doit faire le nécessaire pour intensifier le rendement de ses vaches, en leur distribuant quelques tourteaux et en sélectionnant son troupeau.

La vie des nomades.

— M. Jean Bache, à Anzin, me fait part d’une situation spéciale, demi-sauvage, qui lui permettrait d’élever librement, à peu de frais, des poules et des canards.

« Il s’agit d’un terrain vague, bien clôturé, d’une superficie d’un hectare, où pullulent les limaces et les insectes. Il me faudrait un poulailler roulant que je changerais de temps à autre de place, pour y loger conjointement mes poules et mes canards. J’aurais besoin de directives pour construire ce poulailler, ainsi qu’une bonne formule de pâtée, à base de pommes de terre, me dispensant de l’emploi du grain. »

À moins de disposer d’une vieille conduite intérieure, ou de quatre roues caoutchoutées sur essieux, un poulailler roulant vous reviendra beaucoup plus cher qu’un poulailler à demeure, sans en avoir le confort. À part le plancher, qui est absent, les dispositions à prendre pour l’aménagement intérieur d’une roulotte à volailles sont les mêmes que pour les constructions modernes du même genre. Inspirez-vous d’un bon modèle. Mais n’oubliez pas qu’il ne faut jamais loger les canards avec les poules. Les palmipèdes, en effet, ne sont pas des oiseaux percheurs et vous ne pouvez pas les astreindre à servir de planches à crottes, pour recevoir les déjections qui tombent des perchoirs. Il vaut mieux construire une petite hutte à leur intention.

Une formule de pâtée pouvant convenir à vos poules et à vos canes pondeuses pourrait être établie de la façon suivante, en la mouillant un peu plus pour les palmipèdes :

Pommes de terre cuites et écrasées 5,0 kilogrammes.
Petites verdures hachées (orties, salades, choux, etc. ...) 2,0 ——
Farine d’orge ou de maïs 1,0 ——
Sons et remoulages 1,0 ——
Tourteau de farine de féverole 0,5 ——
Farine de viande ou de poisson 0,5 ——
 
Total
———
10,0
 
kilogrammes.

Contre la vermine.

— Une aimable lectrice qui signe « Une Ardennaise, amateur attentive », signale un remède héroïque qui lui a donné un plein succès contre les poux des poulaillers, venant sucer le sang des volailles durant la nuit.

« Il suffit de badigeonner au carbonyl l’intérieur du poulailler, sans oublier les fentes ni les recoins. L’opération étant faite de bonne heure, le matin, aussitôt le lever des poules, si on a soin d’aérer largement, le produit sera sec et l’odeur très atténuée lorsque les volailles iront se coucher ; elles ne peuvent être incommodées. J’ai pu également sauver une couveuse sucée par les mêmes parasites, pâle, anémiée, prête à succomber, en lui insufflant dans les plumes de la poudre à punaises. Cette poule a pu finir son incubation, qui était fort compromise. »

Le remède de ma sympathique Ardennaise, joint à tant d’autres, que nous avons publiés dans les colonnes du Chasseur français, ne devrait plus tolérer qu’il y eût de malheureuses victimes, tourmentées le jour et dévorées la nuit par l’implacable vermine qui rend les basses-cours absolument improductives. Mais il faudrait se décider à agir.

Diarrhée des lapins et durillons des poules.

— Un abonné de la Nièvre, M. Dumeige, demande un remède contre la diarrhée des lapins :

« Je viens d’en perdre deux de trois mois sur une nichée de neuf. Et comment guérir les durillons qui déforment les pattes de la majeure partie de mes poules ? »

Il est probable que vous aurez d’autres décès de lapereaux à déplorer, parce que c’est généralement à partir de trois mois que les affections intestinales prennent leur caractère virulent et morbide, cependant que les coccidées passent de l’intestin au foie et vice versa, en empruntant le canal cholédoque. Le remède doit être à la fois préventif et curatif, la coccidiose étant en instance dans tous les clapiers. Il faut recourir à l’emploi alternatif du thymol et du cachou, ainsi qu’il a été indiqué maintes fois aux Lettres de mon Perchoir.

Quant aux durillons farineux qui déforment les pattes de vos poules, ils sont tout simplement occasionnés par une gale très facile à détruire. Il suffit de deux applications, à vingt-quatre heures d’intervalle, d’huile et de pommade soufrée, pour guérir la gale aux pattes. L’huile décape les galeries et le soufre asphyxie les sarcoptes. On peut également employer la pommade d’Helmerich.

Les changements de sexe.

— Mes lecteurs ont sans doute souvenance de l’intéressante communication du commandant de Sainte-Basile, concernant une faisane ayant revêtu la livrée du mâle, c’est-à-dire un plastron noir, une queue et un dos prenant le blanc. Sur mes instances, M. de Sainte-Basile m’a écrit à nouveau :

« Ayant exposé ma faisane au Concours d’Aviculture de Cherbourg en 1938, elle y fut remarquée, notamment par un professeur d’histoire naturelle, M. Gallien, qui m’affirma que la transformation sexuelle s’étendait aux organes internes, chose facile à vérifier à l’autopsie.

« Ayant perdu ma faisane d’un kyste dans le jabot, voilà qu’une remplaçante, ayant pondu la première année, prend à son tour la livrée du mâle. Cela m’intrigue. S’agit-il d’un accident consanguin, tous mes pensionnaires descendent d’un couple unique, ou alors faut-il attribuer à l’hérédité la réédition du phénomène ? Ma faisane, comme la précédente, a pondu au cours de sa deuxième année d’une façon normale ... »

Le commandant de Sainte-Basile va surveiller l’évolution sexuelle de son oiseau. Mais en sortira-t-il quelque chose d’intéressant au point de vue biologique? Cela m’étonnerait, car s’il est vrai que, dans le genre humain, il est assez fréquent de voir des fillettes se muer en garçonnets, aux approches de la puberté, le contraire, c’est-à-dire la mutation des sexes, ne s’est jamais produite chez les femmes ayant déjà procréé. J’en déduis qu’il doit en être de même d’une poule faisane ayant pondu. Quoi qu’il en soit, rien ne s’oppose à ce que, à la fin de sa carrière, une autopsie vienne contrôler de visu les organes génitaux de la femelle qui a pris le plumage du coq, pour voir si les glandes séminales sont en instance de priorité.

Le procédé du major Morant.

— M. Levrat, à Phulam, signale que, sous le climat chaud et humide de la Cochinchine, l’élevage du lapin en cabane est à peu près impossible, à cause des maladies qui sévissent avec une rapidité effrayante, tandis que la méthode du pâturage dans des parcs, que l’on déplace tous les jours, semble donner de bien meilleurs résultats.

« Mes cages ont trois mètres de superficie et peuvent contenir quatre mères séparées, ou deux portées de lapereaux. Au bout de combien de temps puis-je revenir sur un terrain pâturé, sans crainte d’infection ? »

Ces terres fortes, humides et encaissées se contaminent plus vite et plus longuement que les terrains légers, sablonneux, perméables et en pente. D’ailleurs, les déjections perdent rapidement leur nocivité, lorsqu’elles sont soumises à des alternatives de pluie qui les dissolvent, et de coups de soleil qui tuent les microbes. Enfin, il faut tenir compte de la densité des populations.

Avec les parcs du major Morant, mesurant 0m,70 de large et 2 mètres de long, pouvant contenir une mère et sa progéniture ou la portée tout entière, on dispose d’un modèle très maniable et l’on pourra ramener ses pensionnaires au bout d’un mois, sur le terrain pâturé, sans grand risque d’infection.

Mondiage d’ARCHES.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 487