Parmi les objets susceptibles d’ajouter à l’appartement une
note décorative et bien vivante, l’aquarium jouit d’une faveur qui ne connait
pas de déclin.
Lorsque, noyée dans la blanche lumière du jour, animée par
les incessants méandres des poissons rouges glissant dans l’eau limpide parmi
les plantes vertes que couche et relève tour à tour la molle caresse de l’eau,
sa masse liquide se laisse traverser par les rayons glissant de la fenêtre,
nous avons l’impression de posséder sous nos yeux charmés un coin éblouissant
des mers vermeilles.
Cependant, on hésite parfois à faire l’acquisition d’un
aquarium, et cela pour de multiples raisons. D’abord, l’aquarium rectangulaire,
tel qu’on le trouve dans le commerce, est assez coûteux, sa forme est plutôt
encombrante dans certains appartements où l’espace est limité ; ensuite
les soucis d’entretien peuvent paraître fastidieux et compliqués; enfin, on
craint aussi quelquefois d’introduire de l’humidité dans l’intérieur de
l’appartement. Or, sur ce dernier point, il est bon de savoir que, si
l’humidité qui sort des murs nuit à la salubrité d’une pièce, celle qui
s’échappe d’une masse d’eau l’assainit, au contraire, en absorbant les gaz
délétères répandus dans l’air.
Pour prévenir toutes ces objections, nous allons vous indiquer
comment établir facilement vous-même et dans les meilleures conditions un
aquarium de forme ronde, de le planter, de le peupler sans grande dépense.
Il faut tout d’abord vous procurer une très grande cloche à
melons que vous choisirez en verre bien clair et, autant que possible, sans
défaut. D’autre part, vous ferez établir par le menuisier un socle en bois
épais de 12 à 16 centimètres, que vous ferez évider au centre d’une
ouverture circulaire (fig. 2), sur laquelle vous renverserez la cloche, et
vous obtiendrez ainsi un aquarium bien solide sur son assise, que vous pourrez
placer à votre gré sur une commode, un guéridon, etc. ...
Votre premier travail sera la décoration de ce socle sur
lequel vous passerez deux couches de vernis laque à quarante-huit heures
d’intervalle. Lorsque ce vernis aura bien séché et qu’une pression du doigt n’y
laissera aucune trace, vous reporterez sur le bois le dessin du motif figure 4.
À l’aide d’un bâtonnet en buis taillé comme un crayon, vous suivrez tous les
contours du dessin, au cloisonné émail rouge-vermillon. On trouve ce produit
tout prêt, en petits pots, dans le commerce. Les lignes horizontales sont
interprétées de la même façon en noir. À défaut d’émail vous pouvez employer la
peinture à l’huile passée au pinceau. Laisser sécher.
Il est certain qu’un aquarium n’est vraiment
décoratif que s’il est garni de plantes vertes. Celles-ci sont aussi en quelque
sorte indispensables à la bonne conservation de l’eau et fournissent une partie
de l’oxygène nécessaire à la respiration des poissons.
Pour que les plantes puissent vivre dans l’eau, il est
indispensable que les racines plongent en terre et que l’eau soit préservée de
la corruption. C’est pourquoi vous placerez d’abord, dans le fond du vase, un
lit de charbon de bois de 10 centimètres d’épaisseur, que vous aurez eu
soin de piler et de passer au tamis ou dans une passoire à gros trous, puis
d’imprégner d’eau. Par-dessus, vous étendrez une couche de 15 centimètres
d’épaisseur de terre de bruyère que vous foulerez légèrement C’est dans cette
terre que vous ferez les semis, choisissant à dessein les plantes aquatiques
les plus décoratives, telles la lemma ou lentille d’eau, la myriophylle ou
volant d’eau, la stratiole à feuille d’aloès et la salvinie. Toutes ces semences
se trouvent chez les marchands de graines sélectionnées. Votre semis fait, vous
recouvrirez la terre de bruyère d’une couche de sable de rivière de 8 centimètres,
en ayant soin de le laver avant de l’employer ; le sable extrait d’une
carrière ne saurait convenir.
Il ne reste plus qu’à remplir aux deux tiers
l’aquarium d’eau, ce que vous ferez avec précaution, en plaçant une planchette
sur le lit de sable et en laissant tomber sur cette planchette un mince filet
d’eau. De cette façon, rien ne sera dérangé dans votre semis. Les eaux de
rivière, de source et de pluie conviennent à cet usage. L’eau de puits serait
trop calcaire et trop privée d’air, elle nuirait à la santé des poissons.
Vous allez maintenant attendre environ deux mois pour que
vos plantes poussent et deviennent assez robustes, pour résister aux mouvements
et à la voracité des poissons qui, placés trop tôt dans l’eau, pourraient
détruire votre semis ou blesser par leur incessant va-et-vient de trop jeunes
tiges encore frêles.
Deux ou trois fois par semaine, avec un linge enroulé autour
d’une baguette, vous essuierez les parois intérieures de la cloche pour enlever
les traces de végétation qui pourraient tenter d’y apparaître.
Alors vous pourrez songer à peupler votre aquarium,
mais, avant d’introduire les poissons, il faut procéder au changement de l’eau
et cela sans rien déranger. Il suffit d’utiliser comme siphon un tube de
caoutchouc dont une extrémité plongera au fond du réservoir, tandis que l’autre
pendra hors de l’aquarium et déversera dans un seau toute l’eau de la cloche.
Pour le remplir à nouveau, on fait couler l’eau sur une planchette, mais sans
la poser sur les plantes, qu’elle pourrait froisser.
Parmi les poissons dont on peut peupler la cloche, outre les
traditionnels poissons rouges, on préférera les vairons, les goujons, les
loches et les petits gardons. Les petites tanches, très résistantes,
s’accommodent bien de la captivité.
Les limaçons d’eau, qui entretiennent la pureté du sable en
faisant disparaître les déjections des poissons, nuisent parfois aux plantes en
vivant à leurs dépens. Mieux vaut introduire dans l’aquarium dès hydrobies, des
hydrophiles, des girins, que vous irez chercher dans un fossé communiquant avec
une rivière, dont vous raclerez la vase avec une troublette. Vous trouverez
aussi, au bord des mares, un ou deux tritons ou lézards d’eau, qui feront bon
ménage avec les poissons.
Ne donnez aux poissons aucune nourriture végétale et surtout
pas de pain, qui corrompt le liquide. Seuls conviennent le ver rouge de terreau
préalablement lavé et le ver de vase. Quelques vers tous les deux jours
suffiront largement à toute la population d’un aquarium.
Tous les jours, avec une poire en caoutchouc, pendant une
minute seulement, vous insufflerez de l’air dans l’eau qui ne sera changée aux
deux tiers que deux fois par mois. Il faut éviter de laisser les poissons à
sec, ils s’agitent et peuvent se blesser ou froisser les plantes. Tous les deux
jours on essuiera les parois intérieures de la cloche pour enlever les
végétations qui tenteraient de s’y déposer.
Pendant les fortes chaleurs de l’été, si l’on voit les
poissons venir respirer à la surface, il faudra insuffler immédiatement un peu
d’air, puis, vingt minutes après, renouveler l’eau de la cloche.
En suivant ces prescriptions, en ne négligeant pas ces
quelques soins qui ne prennent d’ailleurs que peu de temps, vous pourrez
conserver sans accident pendant plusieurs années la population d’un aquarium.
J. M.
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