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La pêche à la graine

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Le matériel (suite).

— Continuons aujourd’hui l’énumération du matériel utile au pêcheur de gardons à la graine. Ce n’est peut-être pas très récréatif, mais combien nécessaire pour celui qui n’a jamais péché ainsi.

Bien entendu, les pêcheurs ne sont nullement obligés de suivre exactement nos indications ; elles n’ont aucun but de publicité, et nous les faisons connaître parce que, à l’expérience, ces divers articles sont ceux qui nous ont réussi à la pêche.

Le corps de ligne.

— C’est le lien qui part du moulinet ou simplement de l’extrémité du scion.

On peut choisir :

a. Du cordonnet câblé, en soie verte ou grise, apprêtée et imperméabilisée ; la grosseur K convient très bien ;

b. Un cordonnet dit « élastica », grosseur I, lequel, malgré sa finesse, permettra de tenir en respect un poisson assez vigoureux, étant donnée son élasticité.

Ces deux sortes de cordonnets et d’autres aussi, sans doute, peuvent convenir au pêcheur sans moulinet. Pour celui qui en est muni, il serait préférable de se servir de soie tressée et émaillée, genre soie américaine, grosseur I.

Bas de ligne.

— Se rattache directement au corps de ligne auquel il fait suite, par un nœud ou une boucle.

Inutile de dire que, pour la pêche à la graine, il le faut très fin.

Il y aura avantage à faire un choix parmi les genres suivants :

a. En « refina » teintée ardoise ou vert aquatique ;

b. En « racine anglaise » 2 X ou 3 X ;

c. En « crin japonais » fin (25 centièmes de millimètre) ;

d. En « racine Maravilla » 2 X (18 centièmes de millimètre) ;

e. En « racine glacée » grosseur H.

Le bas de ligne, confectionné avec une de ces matières ou d’autres que le pêcheur pourrait préférer, aura une longueur d’environ 2 mètres.

Il opposera toujours une résistance moindre au frottement de l’eau que la soie du corps de ligne, car il est plus lisse et d’un calibre sensiblement inférieur.

L’avancée.

— Destinée à supporter l’hameçon, l’avancés doit toujours être plus fine que le bas de ligne auquel elle se rattache ; moins résistante que ce dernier, ce sera elle seule qui se rompra en cas d’accrochage ou du fait de la défense d’un trop gros poisson.

Les meilleures avancées dont je me suis servi consistaient en :

a. De la « racine anglaise » 5 X (16 centièmes de millimètre) ;

b. Du crin japonais extra-fin (17 centièmes de millimètre) ;

c. De la racine ardoise ou verte, grosseur B ;

d. De la racine « Maravilla » 6 X (15 centièmes de millimètre).

Cette dernière est surtout à recommander à cause de sa finesse et de sa résistance.

Pour pêcher à la graine, l’avancée aura, au minimum, 80 centimètres de longueur.

L’hameçon.

— Ses qualités principales seront la finesse de l’acier et le piquant du dard.

Sont à recommander les modèles suivants :

a. Un hameçon « cristal » bronzé, des numéros 14 à 16 ;

b. Un hameçon « Italien » des numéros 14 à 16 ;

c. Un hameçon « Français » rond, de la même grandeur.

Le numéro le plus fin est utile si l’on n’a à sa disposition que de petites graines.

Au sujet de l’hameçon, faisons la remarque générale qu’il est préférable de le choisir à tige un peu longue. Il serait, en effet, malaisé de fixer solidement une esche aussi petite que la graine à un hameçon à hampe courte, qu’on ne peut saisir entre les ongles qu’avec difficulté s’il est petit, et qu’il faut alors renoncer à tenir ferme dans la bonne direction.

Certains pêcheurs utilisent à cet effet une petite pince plate qui facilite beaucoup l’opération et leur permet d’employer un hameçon quelconque.

Le flotteur.

— Doit être léger et très sensible. Excellents sont les deux modèles suivants, destinés à la pêche en courant léger et en eau tranquille :

a. Une plume dite « du vent », longueur 10 centimètres avec antenne ;

b. Une plume dite « tempête », de longueur à peu près équivalente.

Sur des fonds dépassant 3 mètres, il est nécessaire de plomber davantage pour que l’esche descende rapidement à la profondeur voulue ; il y a alors avantage à se servir d’une plume plus longue, sans qu’elle soit pour cela moins sensible si elle est exactement équilibrée.

La plombée.

— Elle consiste habituellement en une série de petits plombs de chasse no 9, fendus et serrés sur l’avancée et le bas de ligne à l’aide de la petite pince.

Ces plombs seront étagés sur la plus grande longueur possible, habituellement sur 0m,90 à 1 mètre. Ceux du bas seront assez espacés tout d’abord, puis de plus en plus serrés. Le grain inférieur de la série est pincé sur la racine de l’avancée à 0m,35 environ au-dessus de l’hameçon. Remarquons en passant qu’on ne pêche habituellement à la graine qu’avec un seul hameçon et une esche unique.

Le genre de plombée que nous venons de décrire est préférable de beaucoup à celui dit « en paquet », dans lequel les plombs se touchent presque et sont réunis en un seul groupe.

La plombée « en paquet » employée pour la pêche dans les courants vifs oppose au tirage du poisson une résistance subite, toujours un peu brutale, qui l’effraye et lui fait aussitôt « souffler » l’esche qu’il a saisie du bout des lèvres avant de l’entraîner pour l’avaler.

Du choix d’une plage de pêche.

— Une pêche aussi délicate que celle dont nous nous occupons en ce moment ne peut s’effectuer dans de bonnes conditions à n’importe quel point de la rivière, car il ne convient pas de se servir de lignes lestées lourdement, dont les réactions sensibles ne manqueraient pas de susciter la méfiance bien connue du gardon.

D’autre part, si le courant est trop vif, les graines d’amorce sont charriées au loin et ne produisent leur effet d’attirance que beaucoup en aval, hors de la portée extrême de nos lignes.

Si, au contraire, le courant est nul, l’effet de l’amorce, qui coule sur place et y reste, est très restreint et peut se faire attendre fort longtemps.

Ces observations nous indiquent qu’il est bien préférable de s’établir sur un courant doux, peu mouvementé et le plus régulier possible.

C’est d’ailleurs ce genre de courant que le gardon préfère, et on l’y rencontre beaucoup plus souvent que dans les eaux rapides ou complètement stagnantes. Si, dans un de ces courants doux, nous pouvons découvrir un espace de plusieurs mètres consécutifs où le fond soit relativement uni ; si, dans cet intervalle, la profondeur de l’eau n’est pas inférieure à 2 mètres ni supérieure à 3m,50, il semble que nous avons fait là un choix assez judicieux.

Si, en outre, notre coup se trouve situé en amont de profondeurs hérissées d’obstacles, que des herbiers importants s’y observent, que le nombre de gros carnassiers n’y soit pas trop grand, il apparaît que nous avons, en le choisissant, réalisé les meilleures conditions requises pour la réussite future.

Essayer de pêcher dans ces profondeurs ou au sein même des herbiers, fourmilleraient-ils de gardons, ne serait pas d’un bon calcul, car nous aurions toutes les chances d’y laisser par douzaines nos fines lignes, et serions bientôt pris au dépourvu.

Notre coup étant ainsi rationnellement choisi, notre premier soin sera de le reconnaître et de l’explorer dans tous ses détails, à l’aide de la sonde, afin de n’ignorer aucune des caractéristiques des endroits où passeront nos lignes, profondeur, nature du fond, obstacles divers, etc.

Il est même excellent d’y exécuter un certain nombre de coulées « à blanc », c’est-à-dire sans escher, afin de repérer exactement les points où pourraient s’accrocher nos hameçons.

Dans le cas où cette inspection serait exécutée plusieurs jours avant celui où nous viendrons pêcher, ce qui est à recommander, le pêcheur peut se permettre d’améliorer son coup en supprimant si possible les herbes épaisses et les obstacles les plus gênants pour la manœuvre des lignes. Il ne devra pas, cependant, bouleverser par trop les lieux, de peur de les voir déserter par nos poissons, inquiets à juste titre d’un changement d’aspect par trop radical.

Il ne nous reste plus, maintenant, qu’à essayer d’attirer ces derniers à l’endroit si judicieusement choisi.

(À suivre.)

R. PORTIER.

(1) Voir le Chasseur Français d’octobre 1941.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 529