(Randonnée de 800 kilomètres de Saint-Brieuc à
Saint-Brieuc.)
Ne m’attardant pas à Lorient, car il en reste encore
beaucoup à voir, je repars le lendemain matin, dès que la pluie a bien voulu
cesser ; me voici maintenant dans cette pittoresque vallée du Scorff, qui,
tout de suite, me rappelle un peu la Suisse normande. À Pont-sur-Scorff
notamment, l’illusion est complète. Poursuivant ma route, j’atteins Plouey, et
de là, par une route excessivement sinueuse qui traverse une belle forêt tout
au long de ses 20 kilomètres, j’arrive au Faouet par une superbe avenue
bordée de grands arbres qui en font un tunnel de verdure.
Le Faouet est, selon l’expression, le centre d’art breton
par excellence. Sur la place de ce si accueillant village, l’attention se
trouve tout de suite attirée par ces vastes halles coiffées d’un immense toit,
et puis par le monument qui a été érigé tout récemment à la mémoire d’un jeune
héros de la Bretagne : Jean-Corentin Carré, engagé volontaire pendant la
Grande Guerre à quinze ans et tué à l’âge de dix-huit, le 18 mars 1918.
Après une demi-heure de marche, par un sentier rocailleux,
sous bois, ancienne voie romaine, je débouche sur une vaste esplanade bordée de
pins. Rien encore n’attire mon attention, lorsque soudain j’aperçois, tout proche,
un beffroi carré formé de quatre piliers et qui abrite une grosse cloche que
tout visiteur peut faire sonner. À quelques mètres de là, un portail donne
accès à un perron qui rejoint bientôt deux grands escaliers à balustrades fixés
au rocher, dont l’un conduit à la belle chapelle Sainte-Barbe (XVe siècle),
isolée dans cette campagne déserte. La visite en est intéressante, mais, ce qui
est fort joli, c’est la vue que de là on découvre. Cette chapelle n’est-elle
pas bâtie sur un roc dominant les gorges sauvages de l’Ellé, rivière que l’on
aperçoit dans le fin fond de cette magnifique vallée ; le panorama est
splendide. Presque en face de la chapelle, nichée dans un rocher, une statue de
la Vierge. Dans cette petite église, on ne célèbre l’office que deux fois par
an : dernier dimanche de juin, où se tient un très grand pèlerinage qui a
amené jusqu’à 30.000 visiteurs, et le 4 décembre, jour de la Sainte-Barbe,
patronne des artilleurs.
Avant de quitter Le Faouet, je vais, à 3 kilomètres de
là, visiter cette autre petite église au clocher si finement ajouré et dont les
deux tourelles sont reliées entre elles par une passerelle de pierre :
c’est la chapelle Saint-Fiacre ; à l’intérieur, un beau jubé, chef-d’œuvre
de bois sculpté dont les coloris variés et choisis ont peut-être, à mon avis,
enlevé un peu de son cachet artistique.
Je dois obligatoirement repasser par Le Faouet et emprunter
à nouveau la route de Plouey, qu’à 4 kilomètres je vais laisser sur la
droite, me dirigeant vers Guéméné-sur-Scorff, parcours très agréable à travers
bois ; puis, continuant ma course, je décide de me rendre à Pontivy, non
par la route directe, mais par une voie allongée. Je ne devais pas le
regretter. Après le village de Guern, la route, à un débouché, offre un
panorama splendide, elle traverse en hauteur une large vallée au fond de
laquelle serpentent et le Blavet et la ligne de chemin de fer ; après un
détour, tel un immense fer à cheval dont les extrémités ont des différences de
niveau très sensibles, la route, à Saint-Nicolas-des-Eaux, traverse le canal,
et c’est la montée vers Saint-Nicodème, où s’élève une belle église. Me voici
maintenant sur la route qui mène à Pontivy.
Quelquefois, sur le bord des routes, en pleine campagne,
souvent loin de toute habitation, il n’est pas rare de rencontrer des lavoirs,
assez curieux, où les femmes viennent faire toute leur lessive.
Pontivy, gentille petite ville, se divise en deux parties,
l’une ancienne et l’autre moderne ; belles promenades au bord du canal et,
à la sortie du pays, dans la direction de Loudéac ; entouré de fossés
profonds, le vieux château des ducs de Rohan (XVe siècle),
masse imposante flanquée de deux grosses tours.
Je ferai un vaste détour pour être le soir à
Mur-de-Bretagne. Tout d’abord, à la sortie de Pontivy, par la route large et
plaisante, à l’ombre de grands arbres, je longe le canal et la ligne de chemin
de fer. J’arrive bientôt à Clerguerec. De là, je pars pour la belle forêt de Quénécan.
Au bout de quelques kilomètres, je roule sous des tunnels aux verts feuillages ;
une éclaircie, c’est l’étang de Salles ; un peu plus loin, une autre nappe
d’eau, c’est l’étang du Fourneau ; puis me voici longeant l’extrémité
ouest du lac de Guerlédan, que je franchis, laissant sur la droite les ruines
de l’abbaye de Bon-Repos, et aussitôt je tombe sur la route de Rostrenen à
Mur ; dans l’axe de la route que je viens de quitter, se détache au loin,
sur un fond de rochers arides, le viaduc du chemin de fer : décor sauvage
et remarquable
Trois kilomètres avant Caurel, je quitte à nouveau la
route goudronnée et, par un chemin tortueux et franchement mauvais, je vais
faire un petit détour. L’orage menaçant m’empêchera de descendre jusque sur la
rive même du lac ; néanmoins, un arrêt très court me permettra, à
proximité, d’avoir une vue superbe, juste le temps de prendre une photo. Le lac
de Guerlédan apparaît dans toute sa splendeur, il est bien digne des lacs
vosgiens. C’est à regret que je me vois obligé de ne pas prolonger mon séjour
en cet endroit séduisant.
Par un autre chemin, je monte à Caurel, et me voici revenu
sur la grande route. Que les touristes ne manquent pas, surtout, de faire le
détour que je viens de décrire. L’orage menace de plus en plus, et c’est à
toute allure que je fonce vers Mur-de-Bretagne que j’atteindrai ... à
pied, un clou ayant littéralement labouré ma chambre à air 500 mètres
avant le pays. C’est ma première crevaison au bout de 700 kilomètres. Ce
devait être la dernière aussi.
(À suivre.)
Marcel VERGNE.
(1) Voir nos 600, 601 et 602.
|