L’éducation physique des jeunes Français, qui a été si
déplorablement négligée pendant l’entre-deux guerres, est considérée maintenant
comme une des grandes œuvres nationales à réaliser, et cette éducation physique
est progressivement organisée, réglée et contrôlée dans les divers
établissements d’enseignement et parmi tous les groupements de jeunesse.
Il s’ensuit que la majorité des enfants et jeunes gens
soumis obligatoirement aux exercices physiques, qui doivent assurer leur
vigueur corporelle en même temps que leur caractère et leur intelligence,
bénéficieront des « disciplines » nouvelles que leur impose la
méthode officielle d’éducation générale.
Écoliers et collégiens n’ont plus qu’à se laisser conduire
par leurs maîtres dans la bonne voie du développement harmonieux et symétrique
de leur corps et de leur esprit.
Mais certaines circonstances particulières soustraient assez
fréquemment les enfants et plus encore les jeunes gens aux bienfaits de
l’éducation physique, surtout au moment où ils sont libérés des obligations
scolaires.
Alors, même s’ils sont de bonne volonté, ils ne trouvent pas
toujours des facilités pour pratiquer les jeux et sports qui leur seraient
nécessaires. Et, à mesure qu’ils avancent en âge, pris de plus en plus par
leurs études, leur apprentissage ou leur profession, ils peuvent de moins en
moins consacrer à l’exercice le temps qu’il faudrait pour s’entretenir
vigoureux et bien portants.
Quant aux adultes, les femmes comme les hommes, ils se
trouvent presque tous dans l’impossibilité de suivre des cours collectifs
d’éducation physique comme ceux qu’il est nécessaire et facile d’organiser dans
les écoles, les lycées, les sociétés sportives.
Cependant, l’exercice physique quotidien est de nécessité
vitale, autant, peut-on dire, que le boire et le manger. Et c’est bien pour ne
pas mettre suffisamment leur corps en action que tant de gens ruinent leur
santé. Ils deviennent tout d’abord sensibles à toutes les petites affections
courantes, rhumes, grippes, troubles digestifs, puis se constituent peu à peu
des tempéraments morbides, arthritiques, lymphatiques ou nerveux, et deviennent
enfin la proie des maladies chroniques et des infirmités les plus diverses qui
en font des vieillards dès la cinquantaine.
À côté de l’éducation physique collective, il importe donc
de faire sa place à la culture physique individuelle de développement et
d’entretien. Nous entendons par là l’exercice hygiénique que chacun peut et
doit faire, seul et de son plein gré, quand il n’est pas à même de pratiquer
régulièrement et suffisamment les exercices et les sports de plein air.
La culture physique ainsi comprise n’est pas d’invention
toute récente. Depuis quarante ans environ, elle a été mise au point et
pratiqués en France, comme dans la plupart des pays. On peut même dire que,
chez nous, c’était la forme d’exercice qui réunissait le plus de pratiquants
réguliers et persévérants. Car il n’est guère de grande ville qui ne compte
plusieurs écoles de culture physique achalandées, et, d’autre part, des
milliers de personnes, documentées par des livres ou des journaux spéciaux,
pratiquent avec assiduité ce qu’on a appelé la « gymnastique de
chambre ». Le nombre de ces culturistes ne faisait que s’accroître d’année
en année, ce qui prouve que la méthode donne satisfaction par ses résultats, en
même temps qu’elle s’adapte aux circonstances et aux besoins de la vie moderne.
Mais comme on ne cherche que des raisons de se soustraire à
l’exercice, tant la paresse nous est naturelle, la culture physique
individuelle pourrait tomber en désuétude sous le fallacieux prétexte que,
l’éducation physique des enfants et jeunes gens étant officiellement organisée,
on n’a pas besoin d’autre chose.
À quoi il faut répondre : l’éducation physique
nationale est un tout qui vaut principalement par l’agencement de ses nombreux
éléments ; si vous avez le temps et la volonté de vous exercer deux heures
trois fois par semaine au grand air, en marchant, courant, grimpant, sautant,
luttant et nageant, puis en vous initiant aux techniques sportives et en vous
livrant à divers jeux et sports, c’est parfait, et il est bien évident que vous
n’avez pas besoin de culture physique de chambre.
Mais, si vous n’avez ni l’occasion ni le loisir d’entretenir
ainsi votre force et votre santé, il faut faire autre chose, et c’est justement
la culture physique individuelle qui fera le mieux votre affaire, parce qu’elle
prend fort peu de temps, tout en étant aussi simple qu’efficace.
Il est certain, d’autre part, que l’on a fait tort à la
culture physique individuelle en confondant son rôle avec celui des sports et
des jeux, en préconisant des procédés d’exécution fastidieux, en compliquant sa
technique, en multipliant les exercices. Quelques professeurs, trop intéressés
à vendre leur « expérience », en ont même fait une science de
pratique aussi difficile qu’onéreuse.
Mais toutes ces erreurs n’empêchent pas que la culture
physique, bien comprise dans son principe et exécutée suivant une méthode
claire et simple, est d’une haute efficacité et d’une grande commodité.
Elle atteint sûrement ce but si important : développer
le corps dans sa forme normale, tout en assurant le fonctionnement puissant et
équilibré de tous nos organes.
Nous croyons donc utile de préciser ce qu’il faut entendre
par la « culture physique individuelle de développement et
d’entretien » ; de décrire les mouvements qu’elle doit comporter pour
être efficace tout en restant simple et facile ; enfin, de bien établir le
mode d’exécution de ces mouvements.
Car, si élémentaire soit-il, un même mouvement peut se faire
de bien des façons différentes, lentement ou rapidement, avec souplesse ou
raideur, à allure saccadée on continue, etc. ... Chacune de ces façons
d’exécuter a ses effets particuliers sur les muscles et l’organisme, ce qui les
rend plus ou moins utiles et parfois franchement nuisibles.
Une longue expérience me permet de dire que tous les
reproches et les objections qu’on fait à la culture physique viennent de ce
qu’on n’en connaît que des « techniques » insuffisantes ou mauvaises.
Le premier point de cette « technique » est celui
du temps qu’il faut consacrer à la culture physique individuelle. Ce temps est
très court, parce qu’il doit être bien employé. S’il ne faut pas tomber dans
l’extrême simplification en prétendant que cinq à dix minutes d’exercice suffisent,
sous forme de gymnastique respiratoire, de quelques assouplissements et de
marche sur la pointe des pieds, on peut affirmer qu’en une demi-heure on fait
aisément exécuter au corps tous les mouvements nécessaires à son développement
et à son entretien ; mais cela à condition que la séance soit fréquente,
quotidienne pour les personnes qui ne font pas d’autre exercice,
trihebdomadaire pour celles qui pratiquent, en outre, des jeux, des sports, ou
font assez souvent des excursions pédestres et cyclistes.
Et puis, comme nous venons de le dire, il faut que cette
demi-heure soit bien employée ; et c’est sur la façon de l’employer que
nous avons à donner des indications précises.
Dr RUFPIER.
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