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Au jardin fruitier

Plantons correctement nos arbres

La plantation des arbres fruitiers, comme celle de tous les végétaux ligneux à feuilles caduques, peut se faire pendant toute la période de repos de la végétation, c’est-à-dire lorsque ces arbres sont dépourvus de feuilles. On se trouve assez rarement dans l’obligation de planter avant que celles-ci ne soient tombées, mais, si l’on y était forcé par les circonstances, il conviendrait d’enlever, au préalable, les feuilles pour supprimer l’évaporation dont elles sont normalement le siège.

La meilleure époque de plantation est l’automne et, tout particulièrement, la période qui s’étend entre le 25 novembre et le 10 décembre. Bien établis sur leur nouvel emplacement au printemps, les arbres entrent en végétation dès la première sève. Plantés par les belles journées d’hiver, ils peuvent également donner de très bons résultats.

Cependant, dans les terrains froids et humides, de nature compacte, il est préférable de planter au printemps, en février ou même en mars. Dans ce cas, il ne faut pas attendre la montée de la sève pour se procurer les arbres, mais les faire venir à l’avance des pépinières et les placer en jauge, les racines bien enterrées, jusqu’au moment où l’on sera en mesure de les planter.

La déplantation en pépinière doit être effectuée avec le plus grand soin, afin de conserver le plus possible de racines. Elle ne peut d’ailleurs se faire convenablement que par temps doux, alors que la terre se travaille aisément et possède un degré d’humidité suffisant.

Les arbres qui ont subi un transport un peu trop prolongé ont, assez souvent, une écorce ridée et fanée. Lorsque l’on observe ce fait, il est bon de coucher horizontalement les arbres dans une tranchée pratiquée à cet effet, en les recouvrant de 10 à 20 centimètres de terre fine et meuble. On arrose ensuite copieusement et à plusieurs reprises. Après sept à huit jours, les arbres auront repris leur aspect normal et pourront être mis en place.

Lorsqu’on plante un peu tard, il arrive également que des arbres sont, en cours de transport, surpris par une gelée un peu forte. Dans ce cas, il faut, dès réception, les placer tout emballés dans une cave à température basse ou les enfouir entièrement dans la terre à une exposition froide, de façon à les faire dégeler lentement avant la mise en jauge ou la plantation.

Une opération très utile, indispensable même, pourtant trop souvent négligée, à pratiquer avant la plantation, est l’habillage. Elle consiste dans la suppression des racines ou parties brisées lors de la plantation et dans le rafraîchissement, fait très nettement à la serpette ou au sécateur, des plaies des racines conservées. L’opération doit porter en même temps sur les branches mortes ou brisées. Les premières sont supprimées, les secondes sont raccourcies à l’aide de la serpette.

Ainsi, l’équilibre entre l’absorption de sève et l’utilisation de celle-ci, momentanément rompu, se trouve rétabli.

La préparation du terrain a dû précéder la plantation de quelques semaines. Nous avons déjà, dans une précédente causerie, entretenu nos lecteurs de cette préparation qui doit être soignée. Le sol, ayant été convenablement défoncé, on ouvre, aux emplacements choisis, des trous assez grands pour que les racines de l’arbre puissent s’y trouver à l’aise et non repliées. Celles-ci doivent être placées à une profondeur telle qu’après le tassement du sol, évalué, en moyenne, à 10 centimètres par mètre de profondeur de terre remuée, l’arbre se retrouve, à peu près, par rapport au niveau général du terrain, à la même hauteur que pendant son séjour dans la pépinière. En terrain sec et brûlant, on peut enfoncer l’arbre un peu plus. On l’enterre, au contraire, un peu moins en sol humide.

De toute façon, lorsqu’il s’agit d’arbres greffés sur un porte-greffe peu vigoureux (poiriers sur cognassier, pommiers sur doucin ou sur paradis), le bourrelet ou nœud de la greffe ne doit jamais être enterré. Autrement, des racines se formeraient sur ce bourrelet et l’arbre s’affranchirait, c’est-à-dire que le greffon vivrait par ses propres moyens, perdant le bénéfice du greffage. En général, le nœud de la greffe doit donc être placé à 5 ou 6 centimètres au-dessus du sol.

Pour les arbres plantés le long d’un mur, en espalier, comme disent les jardiniers, la cicatrice produite par l’enlèvement de l’onglet en pépinière doit être tournée du côté du mur. Le pied est écarté de 8 à 10 centimètres, de façon que les jeunes racines aient la place pour se développer un peu avant de toucher à la fondation.

Le travail proprement dit de plantation doit être fait correctement. L’arbre étant placé dans la position voulue, sur un léger monticule de terre meuble préparé au fond du trou, est maintenu dans cette position pendant qu’un aide jette, avec une bêche, de la terre fine autour des racines. Celles-ci sont étalées, au fur et à mesure du remplissage du trou, de façon que chacune d’elles reprenne la position naturelle qu’elle avait avant la déplantation et soit séparée de ses voisines par un peu de terre.

Lorsqu’on fume l’arbre en le plantant, ce qui est d’ailleurs très recommandable, mais un peu délicat à réaliser, on doit bien se garder de placer le fumier ou les engrais au contact des racines auxquelles ils pourraient nuire. Mais, dès que les racines sont recouvertes d’une épaisseur de terre suffisante, c’est sur cette terre que l’on dispose les engrais. On achève de combler le trou, en tassant légèrement avec le pied, surtout si la terre est légère, pour appuyer celle-ci contre les racines et donner de l’assiette à l’arbre. À la surface du sol, la terre doit former, autour de l’arbre, une petite butte qui s’affaisse progressivement au fur et à mesure du tassement. En terre forte et compacte, il faut éviter de fouler cette terre qui deviendrait imperméable à l’eau et empêcherait également à l’air de pénétrer.

Lorsqu’on plante un peu trop tard au printemps, il est utile de former, à la partie supérieure de la butte, une assez large cuvette et d’arroser copieusement aussitôt après.

Il est également utile, mais seulement en cas de plantation tardive, de praliner les racines, c’est-à-dire de les tremper dans une bouillie formée d’argile, de bouse de vache et d’eau, On laisse sécher cette bouillie avant de planter et elle constitue, autour des racines, une masse assez spongieuse qui retient l’eau à proximité de celles-ci et facilite grandement la reprise de l’arbre.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 541