Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°603 Novembre 1941  > Page 545 Tous droits réservés

Cidrerie

Amélioration des moûts.

Les cidres doivent souvent leurs défauts et leurs maladies à une mauvaise constitution du moût ou jus de la pomme.

On peut remédier, dans une certaine mesure, à cette mauvaise constitution en ajoutant au moût les éléments qui lui manquent.

Il est toutefois recommandable de le faire avec modération, en observant strictement la loi.

Filtration des moûts.

— Couramment, on place à la gouttière du pressoir un tamis métallique recouvert de paille pour arrêter les plus grosses impuretés : pépins, morceaux de pulpe, etc. Le jus ou moût débarrassé de ces impuretés tombe dans la cuve. Cette filtration s’avère insuffisante : il est préférable de faire passer le moût au travers d’un filtre portant deux parois en crin à mailles de plus en plus serrées. Lorsque le débit du filtre s’arrête, on enlève la paroi de crin obstruée, on la trempe dans l’eau et on la replace ensuite.

Si l’on désire obtenir des cidres absolument limpides, il convient de coller les moûts. Dans ce but, il est indiqué l’addition de phosphate tricalcique à la dose de 150 grammes par hectolitre ou de colle de poisson à raison de 5 à 10 grammes. Par ce procédé on obtient un cidre plus pâle, mais qui demeure par la suite d’une limpidité irréprochable.

Transport des moûts.

— Il est inutile de transporter rapidement le moût du pressoir à la cuve ou au tonneau de fermentation, pour éviter toute contamination.

Les petits exploitants se servent de seaux en bois (ne jamais se servir de seaux ou d’entonnoirs en fer). Dans les grandes exploitations, on se sert de pompes. Celles-ci sont nettoyées avec soin après usage.

Mélange des moûts.

— Lorsqu’on brasse séparément plusieurs variétés de pommes, le mélange des moûts doit se faire avant la fermentation. C’est grâce à une observation poursuivie plusieurs années que le cidriculteur connaît la proportion dans laquelle doit entrer chacun des moûts dans le mélange pour obtenir un moût ayant des qualités particulières de goût.

Correction des moûts.

— Ainsi que chacun le sait, le moût contient du sucre qui, pendant la fermentation, se transforme en alcool. Le cidre sera donc d’autant plus riche en alcool que le moût le sera en sucre. Or cet alcool est un puissant agent de conservation du cidre : les cidres trop faibles doivent être consommés dès leur fabrication.

Les moûts pauvres en sucre peuvent être améliorés par addition de cet élément. Pour calculer la quantité de sucre à ajouter au moût, il faut savoir que pratiquement 1 kilogramme de sucre ajouté à 1 hectolitre de moût élève après fermentation le titre alcoolique du cidre obtenu de 1°.

On dissout le sucre dans quatre à cinq fois son poids d’eau, de manière à former un sirop que l’on mélange au moût avant la fermentation.

On n’a jamais intérêt à ajouter une quantité de sucre supérieure à 3 ou 4 kilogrammes par hectolitre ; actuellement, le sucrage ne s’opère plus, faute de sucre disponible. Certains moûts donnent des cidres qui se tuent ou noircissent : ces cidres manquent d’acidité. La loi permet d’acidifier les moûts au moyen de l’acide tartrique ou de l’acide citrique. On utilisera donc l’un ou l’autre sans dépasser 50 grammes par hectolitre de moût, ainsi que le permet la loi. Les moûts étant généralement assez acides, il est rare que l’on pratique l’acidification.

Pour éviter d’ajouter un excès d’acide tartrique, opérer par petites doses. On fait dissoudre cet acide dans un peu de moût chaud : opérer dans un baquet en bois et non dans des récipients en fer, qui seraient attaqués.

Une opération peu connue encore du praticien est le phosphatage ; elle consiste dans l’addition, au moût, de phosphate bicalcique ou de phosphate d’ammoniaque.

Ce phosphatage a pour but d’augmenter l’acidité du moût, de favoriser la coagulation des matières pectiques (phosphate bicalcique), d’aider la défécation et de hâter le développement des levures en leur apportant deux éléments nutritifs : l’acide phosphorique et l’azote (phosphate d’ammoniaque). Le phosphate bibasique de chaux s’ajoute au moût à la dose de 12 à 20 grammes par hectolitre et le phosphate d’ammoniaque à raison de 15 à 25 grammes. Si l’acidité du moût est grande, il convient de diminuer les doses.

Les fruits de certains vergers donnent des cidres gras, filants ; on aura intérêt à faire intervenir dans le mélange de ces fruits des pommes amères, c’est-à-dire riches en tanin.

Si l’on ne peut se procurer de telles pommes, on devra ajouter du tanin au moût avant sa fermentation. Un moût normal contient de 2 à 4 grammes et demi de tanin par litre.

Le commerce offre des tanins de plusieurs espèces :

    1° Les tanins à l’eau, qu’il convient de rejeter parce qu’ils contiennent beaucoup d’impuretés ;
    2° Les tanins à l’éther, dans lesquels on distingue parfois l’odeur d’éther : ils sont également à rejeter ;
    3° Les tanins à l’alcool : ce sont les seuls à utiliser.

Un tanin pur est une poudre blanche spongieuse. Le tanin doit être utilisé avec précaution ; mis en excès, il rendrait le cidre imbuvable. Pratiquement, 5 à 10 grammes par hectolitre seront suffisants dans la plupart des cas. Le tanin est mis à dissoudre dans de l’eau chaude et ajouté au moût.

En résumé, le cidriculteur dispose donc de moyens simples pour corriger les imperfections des moûts et en obtenir ensuite des cidres de qualité marchande.

L. LANEUVILLE.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 545