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La faune entomologique et les vieux saules

Il n’est pas, je crois, d’essence arboricole qui ait à subir avec autant d’acuité l’assaut des arthropodes que les salicinées, les saules en particulier.

Feuillage, jeunes pousses, écorce, aubier et cœur assurent refuge et pitance à une profusion de dévorants les plus divers. Malgré cette persistance dans la dévastation, tout saule attaqué, s’il se trouve implanté en lieu favorable, poursuit encore son existence durant le cours de nombreuses années. J’en sais qui, malgré leur apparence de ruines, leur vie orageuse, ont la force, tous les ans, de renouveler abondamment leurs bouquets de rameaux élancés que, souvent, la serpe impitoyable fait disparaître.

Une telle vitalité a de quoi surprendre. De l’arbre, en effet, il n’existe guère que l’écorce rugueuse, sous laquelle se maintient, tant bien que mal, une pauvre couche d’aubier dont les pillards n’ont encore pu venir à bout. Et ce mince champ d’action suffit à la sève pour continuer son office et rendre au vieux saule, à la fin de chaque hiver, sa parure printanière.

Voyons de près un de ces phénomènes. Dans le corps de l’arbre, le vide ; s’il n’est complet, progressivement il s’accentue. Partout ailleurs, en d’autres excavations, en tête surtout, le point de plus grande résistance, s’amoncellent les débris résultant de la désagrégation du ligneux par des mandibules acérées à laquelle s’ajoute l’action de cryptogames inférieurs. À cette misère, surtout chez les sujets voisins d’une route, viennent s’amalgamer les poussières que lui envoie le vent. Le temps aidant, l’humidité jouant son rôle, cette sorte de sciure renforcée de matériaux pulvérulents finit par constituer un riche terreau propice au développement d’une végétation inattendue. Et voilà comment, autrefois, j’ai pu voir sur un de ces curieux jardins suspendus différentes fleurettes des champs, voisinant avec un sureau, un bouleau, un groseillier à grappes et un à maquereau, de cette espèce poussant spontanément dans les haies et buissons. Passer en revue avec quelques détails chacun des hexapodes familiers des saules dépassant de beaucoup le cadre réservé à une simple chronique, force nous oblige à nous limiter.

Comme sur le feuillage, la plupart des plantes, les pucerons jettent leur dévolu sur celui des saules. Leur compte se règle assez rapidement, car leurs ennemis naturels les guettent. Ces policiers, nous les connaissons ; ce sont les coccinelles et leurs larves, celles des syrphes, des gémérobes et les petits hyménoptères endophages : braconides, chaléidiens, etc. Tous effectuent en la circonstance une purge salutaire. Plus sérieux sont les dégâts occasionnés par les chenilles du bombyx du saule de la Vanesse Antiope, de la lichnée mariée, du demi-paon ocellé. Ajoutez à cela le dévergondage des larves de la chrysomèle du peuplier, la fringale inassouvie des fausses chenilles de la tenthrède verte, de la némate du saule, une mouche-scie également, lesquelles, en positions acrobatiques les plus pittoresques, vous déchiquettent les feuilles, et vous jugerez combien il faut de résistance au malheureux exploité pour mener à bien ses frondaisons.

Cependant ce ne sont là qu’ennemis de second ordre. Les plus terribles, les voués à l’extermination, pour plus de sûreté, s’attaquent au cœur de l’arbre. Tarière vivante, formidablement armés, l’énorme chenille à dos à teinte vineuse du cossus gâte-bois, aidée de nombreuses compagnes, vous sillonne l’intérieur du saule en tous sens, tenaille, cisaille, désagrège les cellules, les absorbe, les digère, transforme la pulpe ligneuse en un tissu feutré dont elle capitonne ses galeries. Les larves du dorcus parallélépipédique, celles du grand capricorne noir, du merveilleux longicorne, l’aromie musquée, aux élytres brillants bleus ou vert métallique, font chorus. Toutes ces mineuses concourent sans répit à la désorganisation complète du ligneux, jusqu’à ce qu’aucun autre brigand ne puisse rien trouver de quoi se sustenter.

Précautions à prendre.

— Réduire toute cette vermine à l’impuissance, il n’y faut songer, si de longue date elle occupe la place. Les saules, éternels sacrifiés aux exigences de la voracité de leurs multiples ennemis, sont, tôt ou tard, condamnés à périr sous leurs coups. Par contre, il nous est possible de protéger pour une appréciable durée les jeunes plants en usant, durant l’arrêt de la végétation, d’une bonne lessive alcaline passée sur tout le tronc et la base des branches ; par la suite, ce lessivage sera suivi d’un copieux badigeonnage à la chaux additionnée de sulfate de fer. Cela en vue de détruire les pontes d’insectes et de mettre les pondeuses dans l’impossibilité de fixer leurs œufs sur l’écorce même.

O. FOUCHER.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 547