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La meilleure vache beurrière

Une race vraiment méritante.

— Plusieurs correspondants se plaignent du faible rendement en beurre qu’ils obtiennent de leur lait, lequel tombe parfois à 2kg,625 par 100 kilogrammes de lait mis en œuvre, ce qui ramène à 2,5 p. 100 la richesse en matière grasse.

Même en admettant qu’il y eut quelques pertes de beurre, occasionnées par la défectuosité des techniques saisonnières, la teneur réelle ne dépasse certainement pas 3 p. 100 et le rendement en beurre 3kg,250, ce qui ne se compare pas à celui fourni par une race véritablement beurrière, comme la Jersiaise, par exemple, dont le lait titre 5,5 p. 100 de gras en moyenne, ce qui correspond à un rendement de 6kg,250 de beurre par quintal de lait, soit 16 litres environ de lait pour avoir 1 kilogramme de beurre, au lieu de 30 litres avec les grandes races, réputées laitières, telles que la Flamande, la Hollandaise, etc. Une différence aussi sensible allant du simple au double met en relief la valeur beurrière de la Jersiaise, d’autant plus qu’un lait riche en graisse l’est également en caséine, et que son rendement en fromage s’en trouve considérablement augmenté.

Les aptitudes de la Jersiaise.

— J’ai lu avec plaisir un opuscule édité sous les auspices du Syndicat des Éleveurs de la race jersiaise, ayant pour objet de mettre en évidence les qualités laitières des vaches de Jersey qui, pour la production du beurre, laissent bien loin derrière elles toutes les races françaises et étrangères les mieux cotées.

Il convient de dire que, malgré sa petitesse, son poids variant entre 375 et 450 kilogrammes, la Jersiaise est une laitière incomparable au double point de vue quantitatif et qualitatif de son lait. En effet, en Angleterre, où la Jersiaise est à l’honneur, on signale comme record, pour deux génisses âgées de deux ans, 15.668 livres anglaises de lait en trois cent soixante et un jours, soit 7.097 kilogrammes.

En donnant son premier veau venu à deux ans, la Jersiaise n’est pas seulement remarquable, sous le rapport de la précocité, mais elle se maintient très longtemps en lactation, en suivant une courbe descendante très douce, faisant varier le rendement de 15 litres au début du vêlage à 10 litres, trois cents jours plus tard. Si l’on tient compte, en outre, que la race est très rustique, frugale, de faible consommation, résistante aux maladies, notamment à la tuberculose, et peu difficile sous le rapport du climat, à condition qu’il ne soit pas trop rude, ni trop sec, on comprend l’intérêt qu’il y a à propager la Jersiaise en France, ainsi qu’on l’a fait en Angleterre, tout au moins dans la zone littorale de la Manche et de l’Ouest, car il s’agit vraiment d’une race productive et méritante à tout point de vue.

Standard de la Jersiaise.

— L’échelle des points, actuellement établie par la Royal Jersey agricultural Society pour la Jersiaise est la suivante :

Tête : fine, plateau frontal plutôt concave entre les yeux, joues fines, gorge nette. 4 13
Narines : hautes et ouvertes, museau encerclé de teinte claire. 2
Cornes : petites et incurvées, œil plein et tranquille. 2
Cou : droit, mince et long, placé légèrement sur les épaules. 5
  ——
Corps : cylindriques, profond, large et long, indiquant une large capacité, côtes arrondies. 10 23
Garrot : fin, dégagé à la pointe des épaules. 4
Poitrine : large et profonde, de grande capacité pulmonaire. 3
Dos : droit du garrot à l’attache de la queue, croupe élégante. 6
  ——
Hanches : très écartées, plutôt proéminentes et de belle ossature. 2 44
Jambes de derrière : bien d’aplomb, ne se touchant pas en marchant. 2
Queue : mince, atteignant les jarrets, longue mèche. 2
Mamelle : large, pas charnue, bien équilibrée. 10
Quartiers avant : pleins et s’étendant bien en avant. 10
Quartiers arrière : bien suspendus, saillants en arrière, ne s’arrondissant pas brusquement sous l’écusson. 8
Trayons : de longueur et de taille uniformes, largement espacés et placés en carré. 7
Veines laitières : larges et saillantes. 3
  ——
Cornes, écusson et intérieur des oreilles : jaunes, indice de richesse beurrière. 3 20
Peau : mince, souple et moelleuse. 4
Conformation : en rapport avec l’âge de l’animal. 3
Aspect général : celui d’une vache de belle classe et de grand rendement laitier. 10
  ——
Total des points :   100

La robe de la Jersiaise va du fauve (ton de la mûre des bois) au gris argenté, avec une ligne blanchâtre claire autour du nez. La robe bicolore, fauve et blanche est moins appréciée en France et en Angleterre que dans l’île de Jersey.

Pour le taureau, l’échelle des points a reçu quelques modifications de détail, qui influent sur les totaux : tête, 17 points ; corps, 35 points ; arrière-train, 22 points ; aspect général, 26 points ; total : 100 points.

Entretien.

— Du début de mai à la fin d’octobre, les vaches jersiaises sont en permanence au pré, où elles trouvent la presque totalité de leur nourriture, sauf les bêtes en pleine lactation, qui doivent recevoir un supplément de concentré en rapport avec leur rendement laitier. Pendant les six autres mois, même en hiver, les vaches sont au pâturage jusqu’à la traite de l’après-midi, puis on les rentre à l’étable, d’où elles ne sortent qu’après la traite et le repas du matin. Il va sans dire que cette prescription ne s’applique que dans la zone littorale du continent où le climat est relativement doux. Quant aux veaux, ils gagnent à rester à l’étable tant qu’ils n’ont pas au moins six mois. Enfin, les vaches doivent être étroitement surveillées pendant la période du traitement, d’une durée de six à huit semaines, qui précède le vêlage. Si l’on s’aperçoit qu’elles maigrissent, on leur distribuera quelques aliments concentrés en plus de la ration d’entretien. Avoir soin, en outre, de leur donner des sels minéraux, indispensables à l’ossification des fœtus, en évitant les accidents ostéo-malaciques, tout en préparant la future lactation.

Alimentation.

— D’après le Syndicat des Éleveurs, la ration d’entretien d’une vache jersiaise de poids moyen, en voie de tarissement, ne donnant plus que 4 litres de lait, devrait être la suivante :

Foin. 5 kilogrammes.
Racines (betteraves, rutabagas). 17 ——
Bales de céréales. 1 ——

En stabulation à l’étable, on devrait distribuer en complément, par litre de lait supplémentaire, 250 grammes du mélange ci-après :

  Par litre. Par 10 litres.
Tourteau (arachide ou soya). 59 grammes. 590 grammes.
Tourteau de lin. 59 590
Son. 59 590
Avoine aplatie et orge aplatie. 59 590
Farine de maïs. 14 140
 
Totaux.
——
250
 
grammes.
——
2.500
 
grammes.

Durant la pleine saison de l’herbe, la ration complémentaire peut être réduite de la moitié, et même des trois quarts. Dans les bons pâturages, on peut même la supprimer entièrement aux vaches ne donnant pas plus de 10 litres de lait. Mais, à toutes les bêtes, pendant leur séjour à l’étable, on devra distribuer, sans exception, une dose de minéraux mélangés, variant entre une cuillerée à bouche et trois cuillerées, suivant l’importance de leur lactation, les principes associés suivant les proportions ci-après :

Poudre d’os et phosphate tricalcique. 400 grammes.
Sel ordinaire dénaturé. 300
Craie lavée pulvérisée. 200
Sulfate de magnésium. 100
 
Total.
——
1.000
 
grammes.

Élevage des veaux.

— On recommande de laisser les veaux avec leur mère pendant quatre jours. Dans tous les cas, on les fera boire au seau, trois fois par jour ; suivant l’appétit, 3 à 4 litres suffisent jusqu’à trois semaines, puis on porte la dose à 5 ou 6 litres. Les buvées seront données à la température du pis, soit aux alentours de 36°, et l’on aura soin de désinfecter scrupuleusement les seaux, pour éviter les affections intestinales.

Pendant qu’ils sont encore au lait, au fur et à mesure que l’appétit des veaux augmente, on ajoute au lait une bouillie tiède enrichie, à la dose de 60 grammes par litre, avec un mélange de farine de manioc, de farine d’orge et de farine de maïs.

Lorsque le sevrage a lieu pendant la période de la stabulation, il convient de donner, en plus du bon foin et des racines fourragères, un mélange par quart de tourteau de lin et de grains aplatis (orge, avoine et maïs) associés à des bales de céréales.

C’est à partir du treizième mois que l’on fait saillir les génisses, de manière que leur première mise bas ait lieu à deux ans révolus. Les gestations précoces ne retardent pas la croissance des bêtes, à condition de les nourrir en conséquence, surtout pendant la période de la stabulation partielle, lorsque l’herbe se raréfie dans les pâturages et qu’elle a perdu de ses qualités nutritives.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 548