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Causerie vétérinaire

Les boiteries du cheval.

Entorse ou effort du boulet.

— C’est un accident qui survient assez fréquemment chez les chevaux. Il reconnaît le plus souvent pour cause un coup de pied, une glissade sur un sol inégal, un choc contre la barre du manège ou une ruade lancée obliquement contre un mur, de sorte que le fer ne porte que par l’une de ses branches.

Habituellement, l’entorse du boulet ne se manifeste pas tout de suite, tout au plus fait-elle boiter pendant quelques minutes l’animal qui vient de la contracter en travaillant. On comprend donc la surprise du propriétaire en constatant l’existence de la boiterie après une nuit passée à l’écurie, alors que la veille il n’avait rien remarqué d’insolite.

La claudication de l’entorse est essentiellement intermittente et à froid, c’est-à-dire qu’elle se manifeste au début du travail pour s’améliorer ou même disparaître après un temps variable et se montrer de nouveau après quelques instants de repos.

La région malade est parfois le siège d’une légère tuméfaction : mais le toucher peut recueillir une indication précieuse : c’est l’élévation de température. La chaleur, parfaitement appréciable à la main, est quelquefois limitée à un côté seulement, mais elle peut exister aussi bien en dedans qu’en dehors du boulet.

Le traitement comporte, selon l’intensité de la boiterie, le repos complet, la réfrigération sous forme de douches, de compresses humides maintenues par un bandage. Ces moyens, suffisants chez les gros chevaux lymphatiques, sont moins efficaces chez les chevaux fins. Si la boiterie est peu marquée et son siège précis mal déterminé, on pourra frictionner le boulet et les faces latérales des phalanges avec l’alcool camphré pur ou mêlé d’essence de térébenthine ou de lavande. La claudication plus intense sera traitée par des frictions de feux liquides à la poudre de cantharide et d’euphorbe, par la pommade rouge au bi-iodure de mercure ou l’onguent vésicatoire. Lorsque l’affection menace de passer à l’état chronique, on peut recourir à la cautérisation (feu en raies).

Effort de tendon.

— Chacun sait que le canon, chez le cheval, est la région des membres qui s’étend verticalement du genou ou du jarret au boulet. Il a pour base les os métacarpiens ou métatarsiens, au nombre de trois, ainsi que, en arrière, les tendons de différents muscles moteurs des phalanges et un très fort ligament connu sous le nom de suspenseur du boulet à cause de ses fonctions. Or, c’est la réunion de ces organes tendineux qui constitue ce que, en extérieur et en pathologie équine, on appelle la région des tendons ou plus simplement le tendon.

Les distensions et les contusions du tendon sont extrêmement fréquentes sur les membres antérieurs, tandis qu’elles sont pour ainsi dire inconnues dans les membres postérieurs.

Elles sont désignées sous le nom de nerf-férures, ou mieux d’efforts du tendon, et proviennent ou de coups portés sur le tendon par les pieds de derrière pendant les grandes allures ou, ce qui est plus admissible, de tiraillements, de déchirures partielles des fibres tendineuses pendant les efforts violents de la locomotion à grande vitesse.

La nerf-férure est un accident grave, qui déprécie d’autant plus le sujet qu’il s’agit d’un cheval de luxe et qu’il a fallu employer contre elle des moyens énergiques, tels que le feu ou la section d’un tendon (ténotomie), dont les traces sont indélébiles et ont tous les caractères des tares les plus flétrissantes.

On dit vulgairement du cheval d’hippodrome qui contracte une nerf-férure sur le champ de course qu’il a les tendons claqués ou qu’il s’est claqué un tendon.

La boiterie constatée est plus ou moins intense selon la gravité de l’accident. La région du tendon est chaude, surtout par comparaison avec le membre opposé ; la déformation ou le profil du tendon est plus ou moins accusée ; enfin la pression de la lésion avec les doigts provoque toujours une douleur telle que le membre est brusquement porté en avant.

Le traitement préventif consisté à protéger la région des tendons par des bandes ou une guêtre en tissu élastique bien ajustée. Peut-être celle-ci contient-elle mieux les tendons que les bandes, que les bandes élastiques surtout, mais elle ne protège pas aussi bien le boulet, qu’on peut envelopper complètement avec ces dernières. En outre, les guêtres transmettent presque intégralement les chocs, que les bandes amortissent au contraire : enfin elles ne s’opposent pas toujours à la production des plaies d’atteinte, car souvent elles tournent, laissant à découvert la région la plus vulnérable.

Guêtres ou bandes doivent être enlevées dès que le travail est terminé et les régions qu’elles recouvraient seront aussitôt douchées ou lotionnées à l’eau chaude, suivant la saison ou les indications de chaque cas particulier, puis frictionnées ou massées.

Habituellement, le dernier tour de bande est arrêté par des cordons. Souvent ces derniers étreignent trop fortement le membre lorsqu’ils sont assez serrés pour que les bandes ne tombent pas pendant le travail ; deux épingles de sûreté, placées aux angles de l’extrémité de la bande, doivent être préférées.

Le traitement curatif varie selon qu’il s’agit d’une légère lésion tendineuse ou d’une lésion grave du tendon. Au début, lorsque le tendon a tendance à « chauffer », que la région est légèrement engorgée le matin et la boiterie peu accusée, les bandes, les douches, les compresses humides chaudes ou froides, les bains d’eau courante suffiront ordinairement.

Mais dès qu’il s’agit de lésions sérieuses avec boiterie très accusée et gonflement inflammatoire volumineux, les moyens précédemment indiqués sont insuffisants. Il faudra mettre le cheval au repos complet, appliquer un pansement humide consistant en un enveloppement abondant au coton hydrophile, mis immédiatement en contact avec la peau et mouillé, deux à trois fois dans la journée, d’eau chaude à 40 degrés.

Après quatre à cinq jours et quand la douleur est moindre, au pansement humide on substitue un pansement sec au coton hydrophile abondant et maintenu par une bande assez serrée (pansement compressif). Celui-ci, renouvelé une fois par vingt-quatre heures, est précédé d’une fomentation chaude (40°) et d’un léger massage.

Sous l’influence de ce traitement, l’œdème inflammatoire ou engorgement local diminue assez rapidement et, à la palpation, on se rend facilement compte de l’étendue de la lésion ou « claquage ». La région est alors prête à recevoir une médication plus énergique : pommade résolutive, vésicatoire, feu en raies ou en pointes.

Parmi les pommades résolutives, le choix doit porter sur la pommade rouge ou pommade au bi-iodure de mercure, au huitième, en friction pénétrante sur la nodosité tendineuse, friction qui peut être renouvelée douze à quinze jours après, s’il y a lieu. En cas d’insuccès ou si la lésion présente plus de gravité, on devra recourir à l’onguent vésicatoire en friction qu’on pourra répéter plus tard selon la nécessité. Enfin, dans le cas de gonflement chronique et de déformation accusée du profil du tendon, c’est au feu qu’il faut donner la préférence : feu en pointes, ou feu en raies ; en pointes si les lésions tendineuses sont bien localisées, en raies transversales dans le cas contraire.

Le feu en raies peut être répété à deux ou trois mois d’intervalle chez les sujets très gravement atteints, si toutefois la peau n’a pas été trop altérée par l’application du premier feu.

Signalons aussi, comme ayant donné de bons résultats chez les chevaux de race à peau fine, l’application de boues radioactives.

Enfin, si la rétraction tendineuse est telle que le raccourcissement du tendon produit la bouleture, c’est-à-dire le redressement et la déviation en avant, des rayons osseux qui forment l’articulation du boulet, on pourra recourir à la ténotomie ou section d’une partie du tendon. Ajoutons que cette opération chirurgicale est du ressort exclusif du vétérinaire.

MOREL,

Médecin-vétérinaire.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 555