Aurons-nous, cet hiver, des marrons et des dattes ?
Nous ne le savons pas à l’heure où nous écrivons ces lignes et nous savons
moins encore s’ils seront à des prix abordables. Quoi qu’il en soit, voici deux
fruits très nutritifs, qui, si nous pouvons nous les procurer, nous permettront
de varier utilement nos menus.
Le fruit du châtaignier renferme, sous son enveloppe
épineuse, trois graines ou châtaignes se gênant réciproquement ; voilà
pourquoi il en est d’aplaties, de triangulaires. Dans certaines variétés
cultivées, le fruit ne renferme plus qu’une seule graine ronde ou marron, très
grosse, arrondie sur ses deux faces et, en général, sans cloisons intérieures.
Grosses châtaignes ou marrons ont la même valeur nutritive et constituent un
aliment complet puisqu’elles contiennent 4 p. 100 de matières azotées. 2,6
p. 100 de matières grasses, 39 p. 100 de matières hydro carbonées et
que sels minéraux et vitamines y abondent (particulièrement les
vitamines B). Les matières hydrocarbonées y sont représentées par une
petite quantité de sucre, ce qui fait classer le marron parmi les fruits, mais
aussi par une forte proportion d’amidon, ce qui permet de ne le consommer que
cuit et ce qui le fait employer si souvent comme un légume dans les menus.
Au contraire, la datte n’est guère consommée que crue, dans
nos régions du moins, et elle est parfaitement digestible ainsi, car les deux
tiers de la pulpe charnue de la datte sont constitués par du sucre naturel,
élément dont notre organisme a un besoin impérieux, et constant. Elle contient
aussi des matières azotées et des matières grasses, comme le marron, mais est
plus riche encore en sels minéraux et vitamines. Y sont représentés les
principaux sels minéraux sans lesquels nous ne pouvons vivre : phosphore,
calcium, magnésium, soufre, manganèse, etc. Et y est surtout abondante la
vitamine A, ou vitamine de croissance, qui règle la croissance et la
résistance aux infections.
Les enfants, qui en sont habituellement friands, ne peuvent
trouver aliment plus digne de leur choix par ses qualités gustatives,
nutritives et digestives. Les convalescents, les débiles en tireront le plus
grand profit. Que d’enfants sous-alimentés — et on prétendait déjà avant
guerre que 30 p. 100, près du tiers, des petits Français, étaient dans ce
cas — cesseraient de l’être s’ils recevaient seulement à leur goûter ou à
leur petit déjeuner 100 grammes de dattes ... Les meilleures dattes
sont celles qui sont molles, brunes, pleines, luisantes et un peu poisseuses à
cause de l’exsudation du sucre ; les dattes maigres et ridées sont
coriaces, sans goût et sans grande valeur nutritive, celles qui sont écrasées
et noirâtres ont commencé à fermenter. Cueillies avant maturité complète, elles
sont séchées au soleil, puis expédiées en caisses.
Nous ne donnerons pas de recettes pour l’utilisation
ménagère des dattes : le mieux est de les manger nature au petit déjeuner
du matin, au goûter, ou à la fin d’un repas peu substantiel par ailleurs (peu
riche en hydrate de carbone). Mais voici quelques recettes pour l’utilisation
des marrons.
Et d’abord, il est nécessaire, avant toute préparation
culinaire spéciale, de débarrasser le marron de sa double enveloppe : la
brune extérieure, la grise intérieure. Souvent on enlève l’enveloppe brune, on
fait cuire, puis on enlève l’enveloppe grise ; c’est là un travail long et
fastidieux, qui décourage les meilleures volontés, et l’on a trop tendance,
pour cette raison, à ne pas utiliser le marron comme il le mériterait. Voici
une méthode beaucoup plus rapide : à l’aide d’un couteau court et pointu,
faire une incision presque circulaire, assez profonde pour qu’elle intéresse la
grosse enveloppe et la pellicule adhérente à l’amande : l’incision part de
la tache claire de la base, passe par la pointe du marron et revient à la tâche
claire du côté opposé. Tous les marrons étant ainsi incisés, les poser dans une
casserole d’eau froide, les amener à l’ébullition, les laisser bouillir trois minutes,
vider la casserole sur une passoire : l’incision de chaque marron est
devenue ; béante et laisse apercevoir l’amande. Prendre alors les marrons
un à un, écarter les bords de l’incision, le marron sort tout blanc, on se
brûle un peu les doigts ... mais on fait vite.
Il faut ensuite les couvrir d’eau chaude non salée pour
les entremets et préparations sucrées, salée pour les préparations où le
marron est employé comme légume et laisser bouillir vingt à trente minutes
selon la préparation choisie.
Confiture de marrons.
— C’est une des plus économiques. Les marrons sont cuits
une demi-heure à l’eau non salée après avoir été débarrassés de leurs deux
enveloppes. Passer les marrons cuits dans un moulin à purée, tourner la
manivelle, on obtient une poudre de marron rosée toute chaude. La peser. Mettre
dans une bassine en aluminium autant de sucre cristallisé que de purée de
marrons, et deux paquets de sucre vanillé par livre de purée — ou
simplement une gousse de vanille coupée en deux. Mouiller avec un demi-verre
d’eau chaude par livre de sucre. Porter sur le feu, le sucre se dissout,
laisser bouillir cinq minutes. Ajouter la pulpe de marron, mélanger à la
cuillère de bois, chauffer tout en tournant. La masse se met à bouillir :
elle est liquide. Baisser le feu pour établir et maintenir une ébullition très
lente. Remuer toutes les deux ou trois minutes. Après vingt minutes, la masse
épaissit. Dix minutes après, c’est-à-dire après une demi-heure de cuisson, les
bulles éclatent en projetant des particules de marron. Ceci annonce que la
confiture est à point. La répartir en pots de verre en la tassant bien. La
mettre à l’air, mais à l’abri de la poussière : bientôt il se forme à la
surface une couche cristallisée protégeant l’intérieur de toute moisissure. À
ce moment, recouvrir de papier ou de cellophane, comme les autres confitures.
On peut la manger nature, et elle est aussi bonne que les meilleurs marrons
glacés. Quand les jours d’abondance reviendront, vous pourrez la servir avec de
la crème Chantilly, ou une crème anglaise, ou une crème au chocolat.
Potages aux Châtaignes.
— Éplucher 1 kilogramme de marrons comme il est
dit ci-dessus. D’autre part, mettre sur feu doux, avec du beurre ou du lard, 3 oignons
moyens, 3 poireaux, un pied de céleri et une gousse d’ail, le tout haché
menu. Cuire jusqu’au blond ; mouiller avec 2 litres d’eau, saler, épicer,
ajouter les châtaignes épluchées, cuire une heure, passer le tout au moulin à
purée, servir dans la soupière, tel quel ou avec des croûtons.
Marrons aux pissenlits (plat auvergnat).
— Faire cuire les marrons épluchés vingt minutes seulement
dans de l’eau bouillante salée. Pendant ce temps, sur une poêle, faire fondre
150 grammes de lard coupé menu. Poser les marrons cuits, bien
égouttés ; sur un plat creux. Arroser avec la moitié du lard fondu et
ajouter les tardons rissolés.
Avec le reste du lard fondu et du vinaigre, assaisonner du
pissenlit, dans un saladier échaudé à l’eau bouillante. Saler, poivrer,
mélanger. Porter à table les deux plats. Chacun se sert en mélangeant dans son
assiette châtaignes et pissenlits. C’est délicieux.
Purée de marrons.
— Préparer la pulpe en purée comme pour la confiture,
mais en faisant bouillir avec de l’eau salée. Lier la purée avec du jus de
viande ou du bouillon, saler et poivrer légèrement. Garnir un rôti.
Mangeons le marron préparé sous diverses formes, mais
mangeons-le surtout à l’état nature : « Sa teneur en principes
nutritifs se rapproche beaucoup de celle du blé, si bien que son amande peut
être comparée à un petit pain ou à un gâteau que la nature offre, tout pétri, à
l’homme, ne lui laissant d’autre peine que d’en assurer la cuisson », nous
dit le docteur Henri Leclerc.
A. PEYREFITTE.
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