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Les recherches du pétrole au Maroc

L’existence de suintements d’hydrocarbures dans la région prérifaine a provoqué depuis longtemps des recherches dont témoignent encore dans le Rharb les vestiges d’un sondage entrepris par le Français Condé, en 1880.

Au lendemain même de l’établissement de l’autorité française dans le pays, des techniciens étrangers ont procédé à quelques prospections plus détaillées, notamment au Djébel Tselfat. Mais la guerre de 1914 devait avoir pour effet d’arrêter toutes les recherches minières, et c’est d’une initiative du résident général Lyautey qu’est résultée, près d’un an avant la fin des hostilités, la première organisation de recherches assez importante pour que la Compagnie Chérifienne de Recherches et de Forages, qui l’avait entreprise, pût obtenir un résultat notable par la découverte d’un niveau productif à faible profondeur au Djebel Tselfat.

Cette découverte fut bientôt suivie par celle d’un niveau moins important, à l’Aïn Hamra, entre Souk-el-Arba du Rharb et Ouezzane, par une autre société constituée après la guerre.

Mais aucune des entreprises ainsi attachées aux problèmes pétroliers du Nord marocain ne disposait de moyens à l’échelle de la tâche extrêmement difficile que devait nécessairement constituer la prospection de la vaste région dans laquelle se répartissent une quarantaine de suintements et qui s’étend de la côte atlantique, au nord de Port-Lyautey, jusqu’à plus de 200 kilomètres de là, vers Tizeroutine, au nord de Taza.

La complexité des questions géologiques posées par cette prospection devait presque nécessairement empêcher d’aboutir des efforts trop restreints et trop dispersés, poursuivis avec des moyens techniques et financiers insuffisants. On comprend donc que les recherches partielles et intermittentes, poursuivies jusqu’en 1928 dans un pays d’ailleurs très mal connu géologiquement et dont une partie vit sa sécurité troublée jusqu’à la fin de la campagne du Rif, n’aient conduit à aucun résultat vraiment important.

La nécessité d’une action d’ensemble ne se fit jour que peu à peu, et c’est en grande partie en considération de l’œuvre d’intérêt général qui s’imposait ainsi pour le Maroc comme pour la France que le gouvernement du Protectorat créa, fin 1928, le Bureau de Recherches et de Participations minières. Agissant presque immédiatement en compte à demi avec l’Office National des Combustibles Liquides et la Compagnie Française des Pétroles, cet établissement se constitua rapidement un premier domaine de permis exclusifs, en même temps qu’une puissante organisation de recherches.

Un groupe privé constitué vers la même époque par une filiale de la Banque de Bruxelles témoignait au même moment d’une activité comparable, et c’est de l’entente intervenue entre ces deux puissantes organisations que devait résulter, en mai 1929, la constitution de la Société Chérifienne des Pétroles, dans le but d’éviter une concurrence onéreuse pour l’acquisition d’un important domaine de permis exclusifs et qui était encore détenu par la Compagnie Chérifienne de Recherches et de Forages. Inlassablement, le groupe constitué par le B. R. P. M. et sa principale filiale, la S. C. P., s’est attaché à coordonner sous une direction unique l’ensemble des recherches poursuivies à l’ouest de Fès, et y est effectivement parvenu au début de 1935.

Commencés fin 1929, les travaux de cette organisation ont nécessité une difficile mise au point technique, notamment pour la formation du personnel et en vue de l’établissement d’une méthode sûre pour des déterminations géologiques très ardues par suite de la nécessité de se référer, pour l’étude stratigraphique de régions marneuses très étendues, à des fossiles microscopiques auxquels ne peuvent s’appliquer les méthodes et les résultats de la paléontologie classique.

Les travaux poursuivis par le B. R. P. M. et par la S. C. P. ont confirmé ou révélé l’existence de quelques gisements minuscules dans la région de Souk-el-Arba du Rharb et de deux autres gisements assez restreints et morcelés dans la région des rides prérifaines, entre Meknès et Petitjean, au Tselfat et au Bou-Draa.

L’admission en franchise douanière accordée en 1938 par la Métropole à un faible contingent annuel de pétrole brut à importer du Maroc a permis d’assurer le développement régulier des essais de production et d’obtenir, par surcroît quelques ressources complémentaires pour poursuivre l’exploration méthodique des régions où les conditions géologiques permettent d’escompter la possibilité de gisements réguliers et vraiment importants.

Pour répondre à la situation nouvelle résultant de la guerre, une petite distillerie a été installée à Petitjean. Elle a permis l’utilisation au Maroc même du pétrole brut obtenu au cours des travaux qui ont marqué le développement des essais de production et fait apparaître une nouvelle extension de la zone productrice au Brou-Draa.

Les petits gisements ainsi découverts fournissent ainsi au ravitaillement du Maroc en produits pétroliers un appoint encore très modeste, mais nullement négligeable dans la situation actuelle. Malgré les enthousiasmes irréfléchis auxquels a donné lieu, dans certains esprits, depuis 1934, l’éruption incendiée d’un sondage au Djebel Tselfat, ces gisements, d’extension restreinte, doivent être considérés seulement, par ailleurs, comme de simples preuves de la possibilité dans le Nord marocain d’accumulations de pétrole d’importance vraiment industrielle et qu’il convient de rechercher dans des structures moins bouleversées que les sommets des rides prérifaines visibles. L’application des méthodes de prospection géophysique les plus modernes aidant, des indications précieuses sur l’allure des terrains profonds, susceptibles de renfermer du pétrole, et sur les points où ces terrains peuvent présenter des structures favorables, ont pu être obtenues, mais c’est généralement à des profondeurs de l’ordre de 2.000 à 2.500 mètres et plus que doivent être poussés les forages de reconnaissance.

Armand AVRONSARD.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 569