Radiations vivantes.
— Jusqu’à ces dernières années, on n’admettait, comme
réellement existant en ce monde, que les données directement concrètes que nous
apportaient nos cinq sens. Mais des découvertes relativement récentes — ne
serait-ce que la machine Fessard qui eut un si mérité succès à l’Exposition
— nous ont fait toucher du doigt toute l’imperfection et l’insuffisance de
nos sens et nous ont montré que par delà ceux-ci existe tout un univers,
invisible, mais pas moins réel, et que peut-être un jour prochain la conception
actuelle de la vie en sera bouleversée. N’anticipons pas néanmoins, et abordons
ce passionnant problème.
Quand vous dites d’une personne que vous avez abordée pour
la première fois : « Tout à fait sympathique », ou, au
contraire, quand vous éprouvez un sentiment inverse, il y a eu, sans savoir
pourquoi, attraction ou répulsion entre vos propres radiations et celles de
l’inconnu, dues à des phénomènes d’électricité dynamique purement personnelle.
À cela se rattachent les phénomènes d’hypnotisme, de suggestion, dus à une
sorte d’extériorisation de cette charge électrique captée par les centres
nerveux du patient agissant comme récepteur. À ce même ordre d’idées doit être
rattaché le mystérieux cas des guérisseurs et guérisseuses, qui, par une
puissance volitive extrêmement concentrée, pénètrent jusqu’au profond de
l’individu, lui fouillent l’âme et le corps, un peu à la façon des rayons X,
Mais penchons-nous sur l’immense nature, et d’abord sur le
monde végétal, si vous le voulez bien. Vous n’avez pas été sans remarquer que
des espèces végétales différentes, fleurs, légumes ou arbres, éprouvaient à se
côtoyer une véritable répulsion instinctive, et sans remède, quel que soit le
zèle mis à soigner ces végétaux ; le plus connu de ces cas est celui du
pin et de l’acacia, de l’olivier et du figuier, et tant d’autres expériences
ont pu être faites sur les divers arbres fruitiers. Que conclure, sinon à un
désaccord, à une disharmonie entre les longueurs d’onde respectives, et
qu’inversement une parfaite résonance entre elles favorisera la croissance de
ces plantes.
Dans le monde animal, quoique plus complexes, les mêmes
phénomènes se répètent, et le problème se localise sur ce qu’on appelle
l’instinct, ce qui est bien vite dit, et apporte bien peu de lumière sur la
question. Nul n’ignore aujourd’hui l’expérience de Lakowsky relative à un
lancer de pigeons qui, à peine élancés dans les airs, planent et décrivent des
arabesques sans arriver à trouver immédiatement leur direction ; on sut
par la suite que cet égarement momentané était dû à une station télégraphique
voisine qui, en train de transmettre, émettait sur une longueur d’onde tout à
fait en dissonance avec celle de nos oiseaux.
Et tant et tant d’autres exemples pourraient se recueillir
parmi les plus intimes compagnons de l’homme ; le flair du chat ; le
flair encore plus spécial du chien qui aboie à la mort, qui pressent le départ
de son maître, l’abeille qui voyage à plusieurs lieues de son domicile et
revient infailliblement à sa ruche ; le chameau, qui sans aucun
point de repère, dans l’immensité du désert, se dirige d’un pas sûr vers
l’oasis. Instinct ! instinct ! ont dit jusqu’à présent les
savants ! ... Mais aujourd’hui, ce qui éclaire davantage le sujet, on
dit longueur d’onde, radiations, ce qui marque une orientation déjà plus
scientifique.
Et je ne saurais trop terminer sans conclure ou sans essayer
de le faire — car évidemment, à l’aube d’une science encore naissante, on
ne saurait raisonner sur du définitif Qu’est-ce à dire ? Dans l’échelle
des êtres, ne serions-nous plus parmi les moins anciens des peuples ? Et
ceux qu’on qualifie « sauvages », qui possèdent néanmoins ce sixième sens
(intuition, instinct, radiation) très développé, ne seraient-ils pas les plus
civilisés ? N’aurions-nous pas étouffé, par notre manie de raison et de
raisonnement, ce qu’il y avait peut-être de plus précieux en nous, et de
toujours éternellement vrai ?
Qu’est-ce que le rubis ?
— De tout temps les peuples ont été puissamment attirés
par ces pierres, dites précieuses, aux couleurs chatoyantes, qu’elles fussent
vertes, violettes ou rouges. Dans l’antiquité surtout, et particulièrement en
Orient, elles exerçaient une influence considérable sur les esprits, notamment
le rubis. Les Grecs et les Romains, historiens ou naturalistes, mentionnent
souvent cette influence, ainsi que les croyances, superstitions ou légendes
qu’elle a suscitées. Considérées de même nature que le soleil, ces pierres
jouissent, après le diamant, de propriétés et de vertus miraculeuses :
guérissant l’hydropisie et assurant la bonne harmonie entre époux. Il va sans
dire que ce furent les grands de la terre qui possédèrent à travers les âges
les plus beaux spécimens : les rajahs, le shah de Perse, la grande
Catherine de Russie en gardèrent précieusement les plus beaux types qui se
fussent rencontrés.
Hélas ! toute la féerie qui auréola pendant des siècles
cette pierre couleur de sang, toute la magie qui lui prêtait de si puissantes
actions se dissipèrent dès que les chimistes furent parvenus à identifier sa
composition : simple combinaison d’alumine anhydre coloriée par des traces
d’oxyde de chrome, dont le mélange parfait s’accomplit dans le plus profond de
la terre, à la chaleur des volcans. Et ainsi suivant sa couleur, donc suivant
les éléments qui le composent, on distingue le rubis oriental, puis le rubis spinelli,
qui doit sa couleur plus pâle à quelques traces d’oxyde de magnésium, le
grenat, bien moins prisé en raison de sa fragilité plus grande et d’un point de
fusion moins élevé. À côté de ces genres principaux, pour être complet, citons
les rubicelles au rouge orangé, le rubis balais à l’indice de réfraction très
accentué, et offrant de ce fait une teinte rose par réflexion et bleutée par
réfraction.
Toute une gamme de coloris nous est apportée par la nature
qui charrie dans ses vallées ou recèle dans son sous-sol toutes les variétés de
ces pierres. Sans parler de Madagascar, Australie et Cambodge qui en
possédaient jadis des gisements actuellement épuisés, c’est la Birmanie qui offre
aujourd’hui la production la plus importante quant à la quantité et la valeur,
tout particulièrement dans les sables alluvionnaires proches de Mandalay, où se
trouve la plus grande exploitation actuelle. Au bord des cours d’eau
complètement à sec pendant la belle saison, des centaines d’individus courbés
des jours entiers sur les sables, brûlés à la fois par le soleil et la passion
de la recherche, creusent jusqu’à 1 mètre, 1m,50, niveau où se
tiennent les plus riches alluvions ; c’est le boyau qui, pulvérisé et
criblé, est lavé, lessivé cent fois sur des rigoles spéciales, abandonnant
ainsi au courant terre et boue sans valeur ; les pierres se déposant par
densité sont alors recueillies et soumises à une expertise combien empirique
d’ailleurs, en attendant qu’un contrôle plus sévère et plus scientifique basé
sur la grosseur, la dureté, la limpidité vienne faire un triage définitif.
Reste le raffinage qui s’opère sous l’œil vigilant du contremaître, tandis que
la taille, extrêmement délicate, se fait en Europe par des spécialistes.
Mais la science lutte et rivalise avec succès contre la
mystérieuse nature qu’elle force à dévoiler son secret. Ainsi au fond de son
creuset le chimiste a voulu fabriquer ces mêmes pierres aux couleurs
merveilleuses, dosant avec la précision qui le caractérise les éléments
nécessaires à la reconstitution de toutes ces gemmes précieuses, et remplaçant
la chaleur des entrailles de la terre par celle de l’arc électrique asservi à
ses ordres. Il obtient, ô miracle, toute la série des rubis qu’offrait
parcimonieusement la nature et celle des saphirs et des topazes. Là encore
l’homme triomphe des éléments.
P. LAGUZET.
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