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Redites sur le lièvre

Il n’est guère de régions de France où le lièvre ne constitue pas la pièce de gibier la plus enviée. Or plus nous allons et plus cet animal tend à disparaître. Il semble avoir groupé sur sa tête tous les dangers qui puissent menacer un gibier.

Dès son enfance, il est en butte aux périlleux contacts des chiens et des chats errants, à ceux des nuisibles de toutes sortes à plumes ou à poils. À son adolescence, convoité par le braconnier et par le chasseur, c’est un miracle de le voir subsister.

Partout on cherche à en augmenter le nombre. On introduit à grands frais des lièvres étrangers dont le succès douteux réside plus dans ses migrations lointaines, dès qu’il est lâché, ou dans les maladies qu’il colporte, que dans l’augmentation du cheptel gibier.

De beaucoup préférable est la création de réserves d’étendues suffisantes, et de positions judicieusement choisies, dans lesquelles nul n’a le droit de chasser. Ces zones permettent aux lièvres de vivre, de se reproduire en paix, et d’échapper souvent aux chiens qui les lancent aux alentours de la réserve.

Bien entendu, il est absolument nécessaire que le braconnage soit sévèrement surveillé et réprimé dans ces zones de protection. Non seulement les braconniers, mais également tous les nuisibles : chiens errants, chats, renards, etc., doivent être bannis de ces réserves.

En admettant donc que nous puissions obtenir cette création de la réserve bien placée, suffisante en surface et en ressources alimentaires, et purgée des braconniers et des nuisibles, que nous reste-t-il à faire ?

Ce que font nombre de sociétés raisonnables :

1° N’ouvrir la chasse au lièvre que tardivement, début octobre (selon la région), et ceci non seulement sur le papier, mais réellement. On ménagerait ainsi très souvent une portée de levrauts, alors que chaque année de nombreuses hases pleines tombent sous les coups de fusils à l’ouverture de la chasse.

2° Limiter le nombre de jours de chasse par semaine, et le nombre de pièces, de façon à permettre au gibier de « souffler » et au territoire de chasse de n’être pas entièrement « vidé » de son gibier.

Enfin, et là c’est un conseil que seuls les sages suivront : essayer de ménager les femelles.

Ce problème a déjà été traité maintes fois, et oublié encore plus souvent, hélas ? Comment peut-on reconnaître la hase du bouquin ? et ceci au départ de l’animal, car on le découvre rarement au gîte.

La hase part généralement de près, soit devant les chiens, soit dans les jambes des rabatteurs (elle part même souvent quand la ligne des rabatteurs l’a dépassée). Le départ de la hase est très discret, elle semble se couler, rasant la terre, les oreilles collées au corps.

Le bouquin, au contraire, sort comme un diable de son gîte, exécutant trois ou quatre grands bonds, oreilles dressées, queue droite.

Ces indications pour le chasseur en battue ou pour le chasseur au chien d’arrêt.

Pour le chasseur au chien courant, la hase se fait très souvent « lapiner », c’est-à-dire se fait battre dans un couvert restreint : bosquet, champ de maïs, de choux ou de topinambours, vigne, avant de se faire lancer. Elle coupe rarement les sillons, mais les longe de préférence. Si l’on revoit de l’animal par ses repaires au pied d’un chardon, les repaires de la hase sont arrondis, sphériques et plus gros proportionnellement que ceux du bouquin ; ces derniers sont pointus à une extrémité.

Une fois lancée, la hase fait des randonnées courtes avec des retours fréquents.

Enfin, pour l’affûteur, qu’il sache que les lièvres qu’il voit sortir les premiers du bois, sont neuf fois sur dix des femelles, mais je sais que pour cette catégorie de chasseurs je parle dans le désert, car l’affûteur chez nous est trop souvent un braconnier.

Je suis persuadé que le jour où les conditions de ménagement énoncées ci-dessus seront véritablement observées, le nombre des lièvres passera de un à dix sans avoir recours au sang étranger, donc avec le minimum de dépenses et de risques.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 582