Après novembre, mois des brouillards, des vents, des pluies
et de la chute des feuilles, voici que décembre est arrivé, redouté des
pêcheurs qui voient s’approcher l’inexorable hiver et leur inaction
forcée ; perspective fort peu agréable. Il peut arriver, cependant, que ce
mois ne soit pas très rigoureux et, dans ce cas, au cours de journées au pâle
soleil, il est encore possible d’espérer quelques captures.
Ne parlons pas des Salmonidés, dont le frai n’est pas
terminé et dont la pêche reste fermée. D’ailleurs, ils ne mordraient guère,
sauf peut-être le saumon ; mais ce dernier poisson est devenu si rare chez
nous, qu’il est nécessaire de le ménager tant qu’on peut. Barbeaux, brèmes,
carpes, tanches sont cachés et ne sortiront qu’aux premiers soleils de
printemps.
Les petits poissons restent endormis en des retraites
obscures.
Gardons, rotengles et vandoises somnolent sous les berges
creuses.
Mais il est trois représentants de la gent aquatique que la
température laisse indifférents, tant qu’elle se tient dans ses limites
habituelles, et c’est sur eux que repose l’espoir du pêcheur.
Le gros chevesne a quitté les eaux mouvementées dans
lesquelles il se plaisait encore en septembre ; il a gagné des lieux plus
calmes où la profondeur lui semble garantir sa sécurité. Retiré en arrière d’un
épi, en aval d’une pile de pont dans un grand remous au coude de la rivière, il
attend en faisant lentement sa ronde tout ce que le courant peut amener vers
lui de comestible et il est peu difficile à cet égard. C’est le moment de le
pêcher au vairon, aux boyaux de volaille, à la cervelle, à la moelle et surtout
au sang caillé, esche de premier ordre. Le brochet, éternel dévorant, continue
ses embuscades, aussi bien dissimulé qu’il le peut. Jeûnant souvent, sa voracité
inassouvie le fait se jeter avec fureur aussi bien sur le vif que le pêcheur
oblige à évoluer dans son voisinage, que sur les divers leurres artificiels qui
prétendent imiter une proie vivante.
La perche mord encore très bien à un beau ver de terre, à la
grappe d’asticots conservés dans la glaise par le pêcheur prévoyant, au ver de
farine, facile à garder en captivité. Elle acceptera aussi, comme le brochet,
le petit devon, la cuillère, l’hélice de petite taille et le poisson d’étain,
son appât favori par les journées claires et froides.
R. PORTIER.
|