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Le lancer léger

Le chevesne (1).

Autres appâts artificiels.

— Nous avons parlé de pêche au devon, au vairon naturel, à la cuiller. Ajoutons-y les « poissons nageurs » en bois, celluloïd, etc., de petite taille, excellents pour le chevesne, comme pour tous autres carnassiers, mais, en général, un peu chers pour ce poisson sans valeur. Ces leurres sont bons quand ils entrent en danse sous la légère traction, même à la descente du courant, ce qui n’est pas toujours le cas. Il faut les employer en les « travaillant » avec saccades, arrêts, relâches.

Tous les devons, fantômes, etc., en diverses matières, ni trop lourds, ni trop légers, peuvent être employés avec succès, de même que les hélices de toutes sortes et les alevins L. K. Tout cela, ce sont des appâts de spinning ; tournant, ondulant ou vacillant. Ils représentent des poissons ou font naître par leur mouvement dans l’esprit des carnassiers une association d’idées qui leur fait croire à la présence d’un poisson.

Mais vous savez que le chevesne s’intéresse au moins autant aux insectes. Or on peut lui présenter des appâts artificiels qui éveillent en lui l’idée d’un insecte ou d’une larve : ce sont des mouches à hélice.

Celles que fournit le commerce sont, me direz-vous, bien légères. D’accord, elles sont destinées à être lancées avec la canne à mouche. Mais certaines d’entre elles, les plus grosses, peuvent être alourdies, jusqu’au poids de 2 grammes en les chargeant de spires jointives de fusible électrique fin. Rien n’empêche de les grossir ensuite par-dessus cette plombée de soie de couleur pour les rendre plus attractives sinon aux yeux du poisson, du moins à ceux du pêcheur.

Des mouches de 2 grammes, voire de 1 gramme, se lancent très bien avec la petite canne, puissance 200 grammes, et du gut de 12/100. C’est de la pêche fine et il faut régler le frein au minimum si on veut éviter la casse. L’hélice tourne dès que l’appât est tiré dans l’eau. Il faut le ramener par petites saccades, avec des relâches prolongées. En eau morte, le laisser descendre tout à fait au fond et le récupérer peu à peu jusqu’en surface.

Je vous parte de cet appât à propos de chevesnes, parce que c’est le poisson qui le prend le mieux, mais la truite ne boude pas dessus et la vandoise, si elle atteint une certaine taille (dans la Creuse, il en est qui passent la livre), s’y prend très couramment.

De même la perche, surtout en étang, et le rotengle ou gardon jaune.

Il est très facile, d’ailleurs, de faire soi-même des mouches à hélice, un peu plus fortes et plus lourdes, destinées au lancer léger : prenez un grand hameçon fin de fer (no 7 ou 5) à œillet. Allongez-le en y fixant un bout de fil d’acier étamé de 50/100. Sur ce fil d’acier, glissez une petite chevrotine percée de 1 gramme. Puis une perle de cuivre, puis une petite hélice découpée aux ciseaux dans une boîte à sardines ou un bidon d’huile d’auto. Encore une perle de cuivre, puis l’œillet final. Reste à faire le corps et la collerette de la mouche. Pour le corps, commencez par enrouler du fusible fin jusqu’à obtention du poids total désiré : 2 ou 3 grammes. Fixez le dernier tour de fusible avec de la soie poissée (côté courbure de t’hameçon). Au besoin, vous couvrirez la tige de deux ou trois couches de spires de plomb. Maintenant, prenez sous votre soie poissée un fil de soie floche de la couleur désirée et une fine bande de « tinsel », c’est-à-dire de clinquant. Le clinquant se récolte sans frais en détortillant des cordons qui ont enveloppé autrefois, au jour de l’an, les sacs de bonbons et de marrons glacés qu’on a offerts à Mme votre mère ou à votre tante. Prenez sous le même nœud la fine pointe d’un hackle de coq, c’est-à-dire une de ces longues plumes pointues qui forment la collerette de l’oiseau, rouge, noire, blanche, jaune, au choix. Bon, maintenant, tournez le fil poissé jusqu’à l’œillet de l’hameçon. Arrêtez-le par une « clef ». Tournez à présent la soie floche, de façon à bien recouvrir le fil de plomb d’une couche égale et lisse. Arrivé à l’œillet, fixez la soie de deux tours de fil poissé et d’une clef. Tournez maintenant le clinquant en spirale allongée et non jointive, comme un papier autour d’un mirliton. Arrêtez de même.

Enfin, la plume. Tenez-la par son axe et tournez d’abord en spirale très lâche le long du corps, de façon à garnir ce corps des quelques premiers « poils » courts de la pointe. C’est ce qu’on appelle à la façon « palmer », c’est-à-dire chenille.

Arrivé près de l’œillet, à 4 ou 5 millimètres, faites la collerette en tournant le reste de la plume, trois ou quatre tours au moins, très serrés. Fixez par trois tours de soie poissée et une clef si vous ne savez pas faire le nœud anglais ou Whip finish, qui s’appelle en français « nœud de pipe ». Une goutte de vernis sur le nœud, laissez sécher, ça y est. C’est plus long à dire, et surtout à écrire, qu’à faire. Il faut environ cinq minutes si l’hélice est découpée à l’avance. Celle-ci doit tourner vertigineusement quand on souffle sur l’appât d’avant en arrière.

Vous pouvez faire de ces mouches très variées de couleur, de grandeur et de forme. Les unes imiteront des alevins (avec peu de hackle très souple couché le long de la tige), d’autres, des larves d’éphémères, de libellules, de dytiques, etc. ... Et qui sait si le chevesne s’y connaît tellement en entomologie et ne se dit pas « voilà une bête », sans bien savoir laquelle !

Ces leurres font très peu de bruit en tombant ; aussi, peut-on les utiliser dans les eaux étroites où une chute bruyante ferait scandale. Sous les branches surplombantes, ils sont accueillis comme un insecte précipité. Je ne dis pas que, dans ces conditions, la bonne vieille pêche à la surprise ne réussirait pas mieux, mais on ne peut tout faire à la fois.

Il est d’ailleurs possible d’utiliser des mouches sans hélice, des « cock y bondhu » ou des araignées quelconques, alourdis au poids de 1 gramme, soit en les fabriquant soi-même avec du fusible sous leur corps en soie ou en barbe de paon, soit en pinçant sur le gut, juste en avant d’une forte mouche artificielle du commerce, une chevrotine. Ces mouches seront travaillées dans les courants ou dans les trous profonds, comme une mouche noyée. Il faut ferrer vivement à la moindre touche. Mais pour envoyer à 10 ou 12 mètres (ne soyons pas trop ambitieux) un poids de 1 gramme avec une certaine précision, il faut non seulement la petite canne de 200 grammes, mais du gut ultra-fin : 12 ou même 9/100. Et, alors, laisser le frein presque libre.

Bien entendu, dans ces conditions, l’hameçon doit pénétrer sans résistance. Donc, fer très fin et affûté souvent à la lime d’horloger et à la petite pierre.

Mouches noyées multiples.

— Il y a également possibilité de pêcher au lancer léger avec plusieurs petites mouches noyées, exactement comme les pêcheurs de l’Ain pêchant l’ombre. Cela réussit pour le chevesne, la vandoise, l’ablette et autres blanchailles. Chevrotine de 2 grammes au bout du gut : à 0m,30 en arrière, un petit brin de gut plus fin ou, mieux, de racine anglaise, portant une « mouchette de l’Ain ». Ce petit brin doit avoir 0m,05 au maximum ; 0m,30 plus haut, même chose. Et encore 0m,30 plus haut, cela fait trois mouches et 0m,90 de bas de ligne. C’est un peu long, mais avec un bon « balancier » cela s’envoie tout de même à 20 mètres. On peut pêcher ainsi soit dans des courants rapides et suffisamment profonds (au moins 0m,50), soit dans des parties calmes et très profondes, 2 mètres, 3 mètres et davantage. Dans ces dernières, il faut ferrer à la moindre touche. Dans les rapides, le poisson se ferre tout seul.

Enfin, on peut pêcher en surface avec des mouches sèches ou demi-noyées en montant la ligne de même, mais en remplaçant le plomb par un bouchon lesté de fusible. Celui-ci peut soit flotter, soit plonger lentement entre deux eaux (c’est la pêche « au parachute »). On lance en travers et on suit le mouvement. Quand le bouchon a regagné la rive, on relance. Évidemment, on prend surtout du fretin.

Alfred ANDRIEUX.

(1) Voir Chasseur français de septembre 1941 et suivants.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 595