Peut-être est-il prétentieux de parler de cette culture aux
jardiniers avertis que sont la plupart des lecteurs du Chasseur français ;
cependant, nous sommes bien obligé de constater que presque toujours on laisse
bien les pissenlits venir à peu près comme ils veulent ; on se contente de
les semer vers mars-avril, pour les récolter un an après, à partir de février.
Cette année, après la fonte des dernières neiges et même un
peu avant, puisque la vallée du Rhône nous en a approvisionnés, nous avons vu,
sur nos marchés, de simples pissenlits des champs se vendre 10 et 12 francs
le kilogramme. Ces prix excessifs doivent nous servir de leçon et
d’enseignement.
D’enseignement, parce que nous ne devons pas nous contenter
de semer le pissenlit tout court ; il faut lui préférer la variété
Amélioré à cœur plein, ou encore le Pissenlit amélioré à très larges feuilles,
qui donnent toutes les deux de larges touffes, à feuilles très serrées au
centre, équivalant à une belle chicorée frisée ; vous voyez immédiatement
tout le parti que l’on peut tirer de ce légume, qui a cet avantage
incontestable de pouvoir se récolter de janvier à mars, puisqu’il ne craint pas
la pourriture, qu’un léger abri le préserve du froid, et que surtout il vient à
un moment où les chicorées sont finies, que les scaroles approchent de leur
fin, et qu’il est encore trop tôt pour songer aux laitues.
Il se dégage une leçon, disions-nous ! Oui, c’est que
nous devons changer de méthode et accorder aux pissenlits la même attention et
les mêmes soins qu’aux autres salades. Ici, nous écrivons surtout à l’usage des
jardiniers amateurs, mais voudrait-on faire la culture en vue de la vente, les
conditions seraient les mêmes, avec cette différence que, travaillant sur une
plus grande échelle, il faudrait plus de matériel : châssis, bâches,
serres même et fumier.
Au lieu de semer en avril, semez en juin en pépinière,
mettez en place vers la moitié de juillet. Espacez comme pour des endives, ou,
mieux, laissez 15 centimètres, les plantes atteignant les dimensions d’une
belle chicorée.
Au cours de l’été, faites de copieux arrosages, distribuez
une fois du nitrate de soude ou du sulfate d’ammoniaque, des engrais complets,
faites plusieurs binages et supprimez quelques grandes feuilles dont vos lapins
vous remercieront.
Suivant que vous êtes pressé de récolter, ayez une couche
chaude ou tiède recouverte de 15 centimètres de terreau, arrachez au fur
et à mesure des besoins, égalisez les racines à la même longueur, mais ne
faites pas comme pour les endives, ne coupez pas les feuilles, supprimez
seulement les trop grandes et gardez celles du cœur.
Un châssis de 1 m. x 1 m. peut contenir
200 racines. Arrosez après cette plantation, ne donnez pas d’air et
surtout pas de lumière ; au bout d’une quinzaine, vous pourrez récolter une
salade très blanche, tendre, n’ayant pas ce goût amer détesté de certains,
enfin une salade donnant satisfaction aux plus délicats des gourmets.
Escomptez environ 4 kilogrammes de feuilles coupées au
collet par châssis de 200. Pour le marché ou les restaurants, vous pouvez
livrer par unité ou par bottes de 6, avec une partie des racines.
Vous voyez qu’avec un peu de pratique vous obtiendrez
facilement une très bonne salade d’hiver, pouvant concurrencer largement
l’apport des salades du Midi, surtout des laitues ; essayez.
Marcel EBEL.
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