Les auteurs anciens avaient remarqué que l’olivier ne
donnait de récolte que tous les deux ans et les modernes ont fait les mêmes
observations. Les premiers croyaient que les gaules dont on se servait pour
abattre les olives, en brisant plusieurs rameaux, empêchaient l’arbre de se
garnir de fruits l’année suivante. Il existait même autrefois une loi qui
défendait aux ouvriers de gauler les arbres sans la permission expresse du
propriétaire. Quelque pernicieuse que soit cette méthode, nous sommes fondés à
croire qu’on ne doit pas lui attribuer la cause des récoltes alternes, car dans
quelques contrées du midi de la France, où l’on cueille les olives à la main,
cela n’empêche pas les récoltes alternes.
Quelques auteurs ont regardé la taille à laquelle on soumet
les oliviers comme la cause de la périodicité des récoltes ; il y a près
de cent cinquante ans que l’on a adopté l’usage de la taille en Provence, et il
paraît qu’avant ce temps on n’obtenait pas des récoltes tous les ans. La taille
ne se fait pas partout de la même manière ; cependant, dans les différents
cantons, les récoltes alternes sont constantes, il faut donc chercher ailleurs
la cause de cet état de choses.
Après examen approfondi de la question nous croyons pouvoir
attribuer cette anomalie à diverses causes. La première est que, lorsque
l’arbre est très chargé de fruits, la nouvelle pousse n’a lieu que faiblement,
parce que toute la sève est portée sur les fruits ; boutons à fleurs ne
peuvent se préparer, ou ne le font qu’en petit nombre, et le printemps suivant
ne développe que peu ou pas de fleurs.
La seconde cause réside dans l’usage de ne faire la récolte
des olives que dans le mois de décembre, janvier et février, quelquefois même
encore plus tard ; alors les arbres chargés pendant si longtemps de leurs
fruits se trouvent épuisés par la grande quantité d’olives qu’ils
portent ; enfin, tourmentés par les coups de gaule réitérés qu’on donne
pour les abattre, ils ne peuvent donner que peu de fleurs au printemps.
Pour remédier en partie à ces inconvénients, nous
conseillons de cueillir les olives au mois de novembre ; de cette façon,
les arbres auront le temps de se refaire pendant quatre à cinq mois de repos.
Ce qui fait que l’usage de cueillir tardivement les olives
prévaut dans la plupart des cantons, c’est que, d’un même poids de ces fruits,
cueillis en novembre, en décembre, en janvier ou plus tard, c’est toujours le
dernier récolté qui donne le plus d’huile proportionnellement à son poids. Nous
croyons que ce résultat n’est qu’apparent, parce que les olives se rident,
perdent leur eau de végétation et finissent par occuper moins de place, de sorte
qu’un sac rempli par un nombre déterminé d’olives cueillies en novembre,
lorsqu’elles ont toute leur grosseur, et qui n’a rien perdu par l’évaporation,
ne pourrait plus être rempli par la même quantité de fruits dont le volume est
diminué, ayant été cueillis deux ou trois mois après. On ne doit donc pas
croire que ces derniers fruits fournissent une plus grande abondance
d’huile ; ce que l’on paraît obtenir en plus, dans ce cas, n’est qu’une
fausse apparence et ne tient qu’à l’évaporation de la partie aqueuse des
olives.
La quantité de celles-ci se trouve d’ailleurs singulièrement
diminuée par tous les animaux qui s’en nourrissent tant qu’elles restent sur
les arbres, dans les champs. Ainsi les rats, les grives, les merles, les
étourneaux, les petits oiseaux de toute sorte, les corneilles surtout, en font
une consommation considérable et un grand dégât. Une raison encore plus
déterminante de cueillir les olives de bonne heure, c’est la qualité bien
supérieure de l’huile qu’on en retire. Souvent l’huile doit moins sa bonne
qualité à l’espèce d’olives que l’on cueille, qu’à l’usage de cueillir les
olives en novembre et de les porter de suite au moulin.
Il est étonnant que le préjugé de laisser longtemps les
olives sur les arbres se soit conservé dans certaines contrées jusqu’à nos
jours, car les agronomes anciens déclaraient que, pour avoir de la bonne huile,
il fallait cueillir les olives quand elles commençaient à noircir, et qu’il
fallait aussi en exprimer l’huile le plus tôt possible, après qu’elles étaient
cueillies.
Dans les pays où l’olivier est cultivé, on sale et l’on
confit ces fruits de différentes manières, afin de les conserver pour les manger.
Les olives cueillies sur les arbres ont presque toutes une saveur quelque peu
désagréable, et ce n’est qu’à l’aide de préparations qu’on leur fait subir
qu’on les rend mangeables.
Le moment favorable pour confire les olives est la fin de
septembre ou le commencement d’octobre, un peu avant leur maturité, et quand
elles sont encore vertes. On a soin de choisir les plus belles et les plus
saines. De plusieurs préparations en usage pour confire les olives, nous
indiquerons d’abord celle qui consiste à mettre les olives, après les avoir
cueillies, dans une lessive faite avec une partie de chaux vive et une partie
de cendres de bois tamisées ; c’est la plus vieille méthode. Après les
avoir laissées une demi-journée dans cette lessive, on les retire pour les
mettre dans l’eau fraîche ; on les laisse plonger pendant huit jours, en
ayant soin de renouveler l’eau toutes les vingt-quatre heures. Au bout de ce
temps, on leur prépare une saumure avec du sel marin dissous en quantité
suffisante dans l’eau et dans laquelle on ajoute quelques plantes aromatiques.
Les olives peuvent se conserver dans cette saumure un an et plus. Les pays du
Midi font une grande consommation d’olives conservées, et c’est un mets que
l’on sert sur les meilleures tables dans les villes du Nord. Les olives cuites
ou crues sont d’une digestion qui n’est pas toujours facile ; les
personnes délicates ne devraient en manger qu’avec modération.
Autre façon de confire les olives. L’olive que l’on se
propose de confire est cueillie encore verte, avant qu’elle ait commencé à
passer au noir en approchant de sa maturité. On commence par lui faire perdre
la saveur un peu âcre qui lui est naturelle en la laissant infuser pendant
plusieurs jours dans une lessive faite de potasse et de soude qu’on rend caustique
en y ajoutant une certaine quantité de chaux. On fait ensuite tremper pendant
cinq ou six jours dans l’eau pure, renouvelée deux fois par jour, puis on verse
par-dessus une forte saumure. Le plus souvent, on ajoute à cette saumure des
grains de coriandre, de cumin, de la menthe et d’autres substances aromatiques
qui communiquent aux olives un goût agréable et des propriétés stimulantes.
Olives farcies.
— On prépare sous ce nom un hors-d’œuvre fort délicat
avec des olives confites par le procédé ci-dessus. Chaque olive séparément est
coupée en spirale avec une lame de canif bien affilée, ce qui permet d’enlever
le noyau sans la déformer ; le noyau est remplacé par un hachis d’anchois,
de câpres et de truffes. On conserve les olives farcies dans des bouteilles
remplies d’huile d’olive fine et très exactement bouchées.
Louis TESTART.
|