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Causerie vétérinaire

L’échauboulure chez le cheval et chez le chien.

On désigne sous ce nom une congestion du réseau vasculaire de la peau, caractérisée par l’éruption rapide de plaques, de boutons, de tumeurs aplaties, de formes et de dimensions variables.

Cette maladie, très anciennement connue, attaque principalement les solipèdes, moins souvent les ruminants, et beaucoup plus rarement le porc et le chien. Chez celui-ci, l’affection est dénommée urticaire et résulte ordinairement de l’ingestion d’aliments avariés ou irritants, provoquant une auto-intoxication d’origine intestinale. Elle peut aussi être déterminée par la consommation de certaines substances alimentaires inaltérées (chocolat, fraises) ou par des piqûres d’orties. Les symptômes chez le chien étant semblables à ceux observés chez le cheval, nous ne ferons qu’une seule description de l’échauboulure s’appliquant à toutes les espèces précitées.

C’est surtout au printemps et pendant la saison chaude qu’on constate de l’échauboulure chez le cheval ; au printemps, les animaux sortent, travaillent, ce qui rend la circulation plus active, surtout dans les parties périphériques où elle était bien un peu languissante pendant l’hiver ; une sorte de réaction se produit qui explique l’apparition de la congestion de la peau.

Ce sont surtout les chevaux jeunes ou adultes, pléthoriques vigoureux, qui y sont le plus exposés, surtout lors du changement de régime, se traduisant soit par une augmentation notable de la ration, soit par l’usage du vert, soit par l’alimentation au moyen de fourrages artificiels, toutes ces causes devant amener la pléthore et expliquant très bien la congestion cutanée.

Dans toutes les espèces, ce qui caractérise l’échauboulure et surtout ce qui inquiète les propriétaires, c’est la soudaineté de son apparition : un cheval que l’on a quitté, il y a peu d’instants, n’en présentant pas la moindre apparence, offre tout à coup un certain nombre de tuméfactions, dont le diamètre varie de celui d’une pièce de cinquante centimes jusqu’à celle d’une pièce de cinq francs et même davantage. Assez nettement délimitées, ces tuméfactions sont arrondies ou à peu près, leur consistance est œdémateuse et les poils sont hérissés à leur surface.

Les régions où l’échauboulure apparaît le plus souvent, chez les solipèdes, sont les épaules, les faces de l’encolure, les côtés de la poitrine. Les yeux sont parfois larmoyants et en partie fermés.

C’est en deux ou trois heures que la maladie acquiert son maximum d’intensité, et, malgré cette rapide évolution, il est assez rare de constater des symptômes fébriles ; le plus souvent, au contraire, les animaux ne témoignent aucun malaise, mangeant et buvant normalement, et on ne les croirait pas malades, si on ne les voyait aussi étrangement et aussi rapidement transformés. Ce qui est surprenant, c’est que l’échauboulure peut disparaître sans aucun traitement, avec la même rapidité qu’elle a mise à se développer ; il y a véritablement délitescence, et cette disparition a lieu le plus souvent sans complications. Mais la congestion peut aussi se reporter sur un organe interne. Dans bien des cas, la maladie ne dure pas plus de vingt-quatre heures ; elle peut aussi persister pendant six à huit jours et ne disparaître que peu à peu, les tumeurs se remplissant de vésicules remplies de sérosité qui, en se desséchant et s’éliminant, entraîne la chute des poils. En résumé, l’échauboulure est une affection peu grave, qui disparaît ordinairement sans laisser de traces. Il arrive même que le vétérinaire ne constate plus rien à son arrivée auprès du malade.

Le traitement varie suivant l’espèce envisagée. Chez le cheval, on pourra pratiquer une saignée à la jugulaire, si les muqueuses sont injectées et le pouls fort. Si le malade ne présente, au contraire, aucun symptôme de pléthore, il est inutile de l’appauvrir par une soustraction de sang que rien n’autorise ; mais il sera tout indiqué de provoquer une dérivation sur les reins et l’intestin par les diurétiques (bicarbonate de soude, 20 à 30 grammes par jour ; azotate de potasse, 10 à 15 grammes) ou les purgatifs salins (sulfate de soude ou de magnésie, 250 à 300 grammes de celui-ci ; 500 à 750 grammes du premier) donnés dans les boissons ou en barbotages.

On fera en même temps des lotions vinaigrées ou d’eau blanche sur les tuméfactions et notamment sur celles qui se montrent dans le voisinage des ouvertures naturelles (paupières, lèvres). On recouvrira le malade d’une couverture légère.

Enfin, dans le cas de prurit ou de passage à l’état chronique, s’il y a de l’épaississement marqué au creux de la peau au niveau des plaques et des boutons, on peut recourir aux embrocations faites avec de la glycérine iodée (glycérine et teinture d’iode, parties égales) que l’on étendra de 8 à 10 parties d’eau ou même davantage. L’iode, avant de se volatiliser, agit comme fondant et comme modificateur ; de plus, l’évaporation de l’eau laisse sur la surface de la peau une légère couche de glycérine qui y entretient une souplesse et une fraîcheur salutaires.

Chez le chien, l’échauboulure étant généralement le résultat d’une auto-intoxication alimentaire, on administrera un purgatif (huile de ricin, 5 à 40 grammes ; calomel, 5 à 50 centigrammes). Le malade sera soumis à la diète hydrolactée ou recevra une alimentation mixte peu abondante ; lait coupé d’eau de Vals, ou de Pougues, soupe aux herbes, viande crue ou cuite en petite quantité.

Pendant trois ou quatre jours, on fera prendre dans quelques cuillerées de lait, avant les deux principaux repas, du bicarbonate de soude et un antiseptique intestinal, par exemple :

    Bicarbonate de soude, 10 à 40 grammes ;
    Salol ou benzonaphtol, 50 centigrammes à 5 grammes ;
    Diviser en dix paquets, un matin et soir.

Si aucune amélioration n’est obtenue, on donnera une nouvelle purgation, tout en continuant les lotions, sur les surfaces affectées, avec une solution tiède antiseptique (acide borique à 3 p. 100 ou acide phénique, 10 grammes par litre).

Si l’urticaire était due à des piqûres d’orties, comme le fait a pu être constaté chez des chiens de chasse, on instituerait une médication basée sur la nature des symptômes dominants ; aux troubles digestifs on opposera les vomitifs ou les purgations par l’huile de ricin ; contre les phénomènes d’excitation on emploiera les calmants (opiacés, bromures ou sulfonal). On combattra le coma par les excitants : infusion de café ou de thé, injections d’éther ou d’huile camphrée, etc.

Vaccine.

— Cette affection est parfois constatée, dans les fermes où l’on élève chevaux et bovins, chez des poulains ou des jeunes chevaux. Qu’on l’appelle cow-pox chez la vache, horse-pox chez le cheval, ou vaccine chez l’enfant, il s’agit toujours de la même affection — la vaccine — essentiellement contagieuse, se transmettant de l’homme à l’homme, de l’homme à la vache et au cheval, du cheval au cheval et à la vache, etc.

L’homme peut être l’agent de transmission lorsqu’il soigne un animal affecté de la maladie et ensuite des animaux sains, ou lorsqu’il trait successivement une vache malade et des femelles saines. Les harnais, les instruments de pansage ou de contention (tord-nez) peuvent transmettre la maladie.

Chez le cheval, l’éruption apparaît sur la muqueuse buccale, la conjonctive, etc., et même sur la peau. Dans ce cas, les vésicules peuvent être confondues, au début, avec l’échauboulure ou urticaire. Des boutons se remarquent sur la peau des fesses, du fourreau, des mamelles, ou exceptionnellement sur tout le corps. En procédant à une enquête, on arrive presque toujours à découvrir l’origine de la maladie : vaccine de l’enfant, vaccine d’une bête bovine transmises par la personne préposée à la traite, etc. L’évolution est de huit à dix jours et la terminaison bénigne.

Le traitement ne comporte guère que de bons soins hygiéniques : injections antiseptiques faibles et tièdes sur les muqueuses, lotions sur les plaies cutanées ou pansements avec la même solution (crésyl à 2 p. 100).

Isoler les malades et éviter la transmission indirecte par les objets de pansage, les personnes, etc.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 616