Quelques considérations générales.
— Parmi les appareil » électro-domestiques qui se
sont multipliés en ces dernières années, beaucoup servent à produire de la
chaleur ; pourtant on réserve généralement l’expression « chauffage
électrique » pour les installations réservées au chauffage des
appartements, tandis que les appareils servant à la cuisine des aliments sont
englobés dans la désignation de « cuisine électrique ». Nous étudierons
successivement les deux catégories, mais seulement après avoir signalé quelques
particularités qui les concernent l’une et l’autre.
Chacun sait que la quantité de chaleur produite dans un
système de chauffage quelconque est en rapport avec la quantité de combustible
brûlé ; c’est évident. Mais ce que l’on sait moins, c’est que ce rapport
est loin d’être régulier, pour un même produit. Sans doute les savants ont-ils calculé,
pour chaque combustible, le pouvoir calorifique, c’est-à-dire la
quantité de chaleur que peut dégager la combustion d’un kilogramme de matière,
et on trouve ces chiffres dans de nombreux livres. Mais, outre que ces pouvoirs
calorifiques, dépendant de la qualité et de l’origine du combustible (très
variables, surtout pour les bois et les charbons) ne sont pas très précis, il faut
bien comprendre qu’ils ne représentent qu’un maximum, qui peut être obtenu dans
des conditions de combustion parfaite bien difficiles à réaliser dans les
laboratoires, et jamais obtenu avec les appareils domestiques. D’abord la
combustion provoque la production de produits volatils, gazeux (oxyde de
carbone notamment), et de produits solides en fine poussière (suie) qui
possèdent un pouvoir calorifique très appréciable, et qui ne sont jamais complètement
brûlés : d’où une première perte, et une première catégorie de dispositifs
économiseurs, pour améliorer la combustion. Ensuite, les autres produits
de la combustion, même entièrement brûlés et ne possédant plus le moindre
pouvoir calorifique (comme le gaz carbonique ou l’azote de l’air), sont pourtant
à une température élevée quand ils sont évacués par la cheminée, où ils
emportent ainsi une quantité de chaleur importante : seconde perte, et
seconde catégorie d’économiseurs, pour récupérer une partie de la chaleur des
fumées.
Ces pertes sont loin d’être négligeables ; et le
rendement de la combustion (rapport de la quantité de chaleur réellement
dégagée à la quantité de chaleur totale contenue dans le combustible) est
souvent très faible, surtout dans les appareils de chauffage primitifs. Dans
les cheminées ordinaires, ce rendement n’est guère que de 2 à 6 p. 100 ;
il peut s’élever à 15 ou 20 p. l’OO avec des dispositifs
récupérateurs ; dans les poêles plus où moins perfectionnés, il varie de
20 à 60 p. 100, ce dernier chiffre étant à peu près le maximum
atteint dans les chaudières de chauffage central ; les radiateurs à gaz
(avec évacuation des gaz brûlés) donnent jusqu’à 70 p. 100.
Avec l’électricité, rien de pareil ; la quantité de
chaleur produite est rigoureusement proportionnelle à l’énergie électrique
consommée, qui est toujours intégralement transformée en chaleur. Le rendement
des appareils de chauffage électrique est toujours de 100 p. 100 ;
même la légère perte qui peut se produire dans les canalisations d’amenée du
courant sous forme de chute de tension (et qui ne dépasse guère 1 ou 2 p. 100
d’ordinaire) se transforme toujours en chaleur, et peut être considérée comme
utilisable, au moins pour le chauffage des appartements.
Ceci est très important lorsqu’il s’agit de comparer les
prix de revient des différents systèmes de chauffage, et, surtout pour le
chauffage électrique, généralement considéré comme très coûteux. Il ne surfit
pas, en effet, de calculer le coût de la calorie produite par un combustible,
en divisant le prix d’un kilogramme de ce combustible par son pouvoir
calorifique théorique, et de le comparer au coût de la calorie électrique,
calculé en divisant le prix du kilowatt-heure par son équivalent calorifique
(environ 860 calories), il faut absolument, dans le premier cas, tenir
compte du rendement de la combustion suivant l’appareil utilisé ; et ne
pas oublier qu’avec le même appareil ce rendement varie dans de larges limites,
suivant l’habileté et le soin plus ou moins grands avec lesquels on « conduit »
le feu. On voit alors qu’un dixième de stère de bois brûlant dans une cheminée
ordinaire ou bien un kilogramme d’anthracite dans un appareil perfectionné
(poêle moderne ou chaudière de chauffage central) donnent à peu près la même
quantité de chaleur utilisable que 5 kilowatts-heure d’énergie électrique.
Mais il ne s’agit encore là que de la chaleur utilisable ;
en fait, le chauffage des appartements a pour but de chauffer les personnes qui
s’y trouvent, et la cuisine de chauffer les aliments. Et, pour ce but final,
l’efficacité réelle des différents appareils est aussi très variable. Les
personnes qui se tiennent à proximité immédiate de l’âtre d’une cheminée
ordinaire profitent d’une assez grande proportion de la chaleur produite, qui
se transmet surtout par rayonnement direct ; tandis que les personnes qui
en restent éloignées n’en ressentent presque aucun effet. Au contraire, un
radiateur de chauffage central convenablement disposé répartit beaucoup plus
régulièrement la chaleur dans toute la pièce : ce qui d’ailleurs fait
croire parfois que « cela chauffe beaucoup moins », parce qu’en
s’approchant d’un tel radiateur on n’obtient pas la même impression de chaleur
que devant un feu flambant.
À ce dernier point de vue, les appareils électriques
présentent encore une nette supériorité sur les autres. Même s’ils ne sont pas
mobiles — cas assez fréquent, et qui donne la meilleure solution,
— ils peuvent toujours être disposés facilement dans chaque pièce à
l’endroit où leur efficacité est la meilleure, tandis que la disposition des
appareils à combustible est toujours plus ou moins imposée par l’emplacement
des cheminées ou conduits de fumée, et même, avec le chauffage central,
certaines considérations pratiques ou économiques empêchent souvent de placer
les radiateurs aux meilleurs endroits.
Dans de prochains articles, nous examinerons les principaux
appareils de chauffage électrique, surtout au point de vue de cette efficacité
de la chaleur produite et de son prix de revient, qui, d’ailleurs, dépendent
essentiellement de l’usage envisagé.
(À suivre.)
J. KAEPPELIN,
Ingénieur E. S. E.
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