Le problème rural est aussi bien technique et matériel que
moral, le déplacement vers la campagne des jeunes citadins ne peut être qu’une
exception ; le paysan peut devenir un citadin, mais, inversement, un
citadin peut rarement devenir un paysan.
Le « retour à la terre » n’est concevable
utilement que si la déformation morale et professionnelle déterminée par le
séjour à la ville n’a pas été trop prolongée.
Ce sont la désertion des campagnes et la dénatalité rurale
qu’il faut combattre, il s’agit surtout d’améliorer les conditions de vie du
paysan et de le retenir au village. C’est dans ce but que l’électricité peut
jouer le plus grand rôle.
Plus encore qu’à la ville, les utilisations de l’électricité
sont nombreuses dans les campagnes, et s’étendent désormais aux emplois les
plus divers ; la généralisation de ces emplois amènerait une
transformation réelle des conditions de vie et de travail des populations
rurales.
La lumière électrique est la plus pratique et la plus
économique ; l’éclairage et l’énergie électrique rendent plus gaie la
maison villageoise, assurent le confort, et même les distractions réservées
autrefois aux seuls citadins.
Grâce à l’électricité, la réception radiophonique, et même
les projections cinématographiques sur film réduit, offrent aux paysans des
moyens de distraction, et d’enseignement, incomparables. Durant les journées
et, surtout, les soirées d’hiver, où l’inaction plus ou moins relative lui est
imposée, le villageois doit pouvoir jouir de quelques distractions saines, ne
pas se sentir isolé du monde, avoir les moyens de perfectionner ses
connaissances pratiques, techniques, ou même manuelles, suivant ses goûts, ses
aptitudes particulières.
Le rôle de la radiodiffusion dans les campagnes est donc
essentiel et, sans aucun doute, on peut attribuer, tant d’un point de vue
intellectuel que pratique, à la réception radiophonique à la campagne une
importance encore plus grande qu’à la réception dans les villes.
Malgré tous les efforts réalisés pour établir des salles de
projection fixes ou des installations mobiles, ou même pour organiser des
troupes de théâtre excellentes mais foraines, le paysan aura toujours des
difficultés pour assister régulièrement à des représentations théâtrales ou à
des concerts, ou même à des projections de cinéma.
C’est grâce à la T. S. F. que le villageois peut
être mis en contact avec le mouvement intellectuel, avec tous les chefs-d’œuvre
de la musique et du théâtre, ce qui était autrefois impossible.
La T. S. F. ne lui offre pas seulement des informations
de toutes sortes, tant politiques, militaires qu’économiques, etc., elle peut
encore lui apporter à domicile les leçons destinées à accroître ses
connaissances générales grâce aux cours « par radio et par
correspondance » qui ont déjà été organisés. À côté de tout cela, qui est
commun avec ce qu’attendent les habitants des villes, la T. S. F.
doit offrir aux campagnards, dans une mesure beaucoup plus grande, des informations
professionnelles, étudiées d’une manière rationnelle par tout un personnel compétent.
Le principe de l’installation des appareils récepteurs à la
campagne est, sans doute, le même qu’à la ville ; les conditions
d’adaptation, d’alimentation, les dangers des brouillages et des parasites
diffèrent cependant quelque peu. La question doit donc être étudiée dans des
conditions un peu particulières.
Le problème de la T. S. F. à la campagne comporte
ainsi l’étude de radio-programmes spécialement adaptés, et des conditions
techniques de réception. Il va sans dire qu’il ne peut être question d’établir
des postes émetteurs dont les émissions soient destinées spécialement aux
auditeurs des campagnes. Les programmes composés, en général, pour les
auditeurs d’une région ou même tous les auditeurs français comportent toujours
une partie générale qui intéressera aussi bien les auditeurs urbains que les
villageois. Il est seulement des parties du programme qui doivent être
spécialement destinées aux habitants des campagnes, et, en premier lieu, à leur
information professionnelle.
Les nécessités du temps de guerre ont fait disparaître, pour
un temps, la diffusion des bulletins météorologiques ; elle reviendra avec
la paix. Les prévisions du temps, sérieuses et préparées, transmises par les
émetteurs radiophoniques, peuvent-être d’une valeur inappréciable pour le
paysan, à condition qu’il sache en faire un usage utile. C’est là une raison
pour transmettre des bulletins sous la forme la plus claire et la moins
« savante » possible, accessible à tous, et non pas seulement aux
météorologistes !
Les postes émetteurs de radiophonie ont reçu autrefois de
nombreuses lettres de remerciements adressées par des paysans ; ces
lettres ont confirmé des faits indiscutables. Grâce aux prévisions, maintes
récoltes ont pu être sauvées, et l’annonce de l’orage ou de la gelée a permis
souvent de prendre des précautions en temps utile. Chaque paysan peut juger par
lui-même, et en temps voulu, de l’influence que peuvent avoir les variations
atmosphériques sur son travail. La diffusion régulière par T. S. F.
des prévisions du temps peut déjà, à elle seule, justifier l’achat d’un poste
récepteur par l’auditeur du village. Bien entendu, il importe que ces
prévisions soient utiles, et ne soient pas données à la légère, sans quoi la
confiance s’en trouve vite ébranlée, ou même détruite ! C’est là une
raison supplémentaire pour donner des prévisions détaillées d’ordre régional,
qui ont beaucoup plus de chances d’être exactes, et sont plus faciles à
interpréter, que des prévisions générales.
Le service des informations a également une très grande
importance pour le villageois. Ce dernier a maintenant tous les journaux à sa
disposition, mais les informations qu’ils lui apportent ne peuvent être
absolument récentes, en particulier au point de vue économique ; tous les
cours des marchés, des taxations, des produits agricoles, toutes ces
réglementations sont diffusés immédiatement après qu’ils ont été connus et
publiés, et le paysan peut prendre immédiatement ses dispositions en
conséquence.
À ces informations météorologiques et économiques, il faut
joindre, de plus en plus, les informations purement professionnelles, et
même d’enseignement. On donne tantôt des conférences sur les traitements du
sol, l’achat et l’usage des machines agricoles, le drainage des terres, les
semences, les engrais, tantôt sur l’élevage des animaux de basse-cour, les
épizooties, les soins à donner aux animaux domestiques, etc. Il ne s’agit pas
d’organiser des conférences prononcées sur un ton doctoral par de savants
théoriciens. Il faut choisir des hommes de métier, ayant seulement une
formation scientifique, en attirant l’attention du paysan sur des cultures ou
des élevages d’actualité, en indiquant les soins particuliers à donner au
bétail ; à une saison ou dans des conditions particulièrement difficiles,
de telles émissions rendent des services précieux.
Mais il y a plus sans doute ; on ne forme pas un
cultivateur ou un éleveur avec des livres ou des cours, et c’est, avant tout,
l’enseignement pratique, acquis en travaillant la terre de ses mains, en
élevant soi-même des animaux, qui présente une valeur certaine. Malgré tout,
les progrès de l’agriculture ne sont plus concevables avec de simples méthodes
empiriques, et nécessitent un enseignement agricole rationnel, qu’on commence
désormais à organiser avec raison, au même titre que tout enseignement
technique professionnel.
Cet enseignement agricole, désormais offert, dans les écoles
primaires ou spécialisées, aux enfants et aux jeunes gens, peut aussi être
répandu dans la masse des agriculteurs Ou des aspirants agriculteurs qui n’ont
plus l’âge ou les loisirs nécessaires pour suivre sur place des leçons de ce
genre. Leur diffusion par T. S. F. dans des conditions rationnelles,
à des heures bien choisies, peut alors être efficace.
Ces quelques indications peuvent déjà suffire pour
convaincre le paysan que la radiophonie constitue, pour lui, sa profession et
sa famille, une véritable source de services et de bienfaits, mais elle peut
être également une source d’agrément et de divertissement, en le mettant en
contact journalier avec les centres culturels du monde entier.
Certains paysans ont encore sur la T. S. F. des
idées assez inexactes ; ils s’imaginent, en particulier, qu’une
installation réceptrice peut attirer la foudre sur la maison qui la
contient ! Or c’est exactement le contraire, qui a été prouvé pratiquement
et scientifiquement depuis longtemps. Une installation réceptrice bien étudiée
constitue, au contraire, une protection contre la foudre, aussi efficace qu’un
paratonnerre.
Une antenne de réception sur un toit n’attire pas plus la
foudre qu’un objet métallique à la même hauteur, et à la même place, mais, si
l’on prend le soin de relier cette antenne à une bonne prise de terre
directement, par une descente de faible résistance extérieure à la maison, par
exemple au moyen d’un ruban de cuivre, et qu’au moment où l’orage menace on
utilise simplement un inverseur à couteau, ou, encore, qu’on emploie un
parafoudre du type ordinaire à peigne, ou du type perfectionné à gaz à
effluves, dès que la tension produite sur l’antenne deviendra trop forte,
l’électricité s’écoulera directement dans le sol, et évitera ainsi tout danger
de décharge violente.
Certains paysans ont reproché aussi à la radiophonie
d’amener la pluie, et de bouleverser les saisons ; il va sans dire que de
telles opinions sont parfaitement absurdes. Si la radiophonie n’existait pas,
les variations de température seraient absolument ce qu’elles sont. Se
représente-t-on, d’ailleurs, combien infime peut être relativement la puissance
électrique dépensée dans l’atmosphère par toutes les stations d’émissions du
monde, en comparaison de l’importance des phénomènes électriques naturels, et,
en particulier, des orages.
L’installation d’un récepteur à la campagne est, en
principe, plus facile qu’à la ville, puisque la place ne manque guère, en
général, pour l’installation d’une antenne, et que les perturbations parasites
industrielles sont moins à craindre, en raison de l’éloignement des usines et
établissements industriels de toutes sortes. L’antenne peut ainsi être placée
sans prendre garde au niveau des parasites et à une hauteur inférieure à celle
des collecteurs d’ondes des villes. La descente d’antenne est également plus
facile à réaliser ; seule la prise de terre est souvent plus difficile à
établir, lorsqu’on n’a pas de tuyauterie d’eau à sa portée pour une connexion
aisée. Dans ce cas, la solution la meilleure consiste, on le sait, à réaliser
une prise de terre séparée, en adoptant comme prise de terre la nappe d’eau
d’un puits, une masse de coke mouillée placée dans une tranchée, ou encore un
simple piquet en zinc, enfoncé dans le sol convenablement humidifié.
L’emploi d’une bonne prise de terre indépendante évite tout
danger en cas d’orage, augmente la qualité de réception, et, en particulier, la
sélectivité, en diminuant la résistance du circuit d’entrée.
Quel genre de récepteur faut-il adopter à la campagne ?
Sans doute, un appareil perfectionné donnera-t-il de bons résultats : qui
peut le plus peut le moins, mais, en utilisant une bonne antenne, on recueille
une énergie suffisante, et on augmente la sélectivité. On peut donc, en
principe, obtenir de meilleurs résultats que dans les villes en adoptant un
appareil plus simple, moins sensible et moins sélectif.
En particulier, le brouillage par les postes locaux n’est
plus à craindre normalement ; c’est pourquoi, bien souvent, un simple
poste à une lampe détectrice à réaction, suivie d’étages basse fréquence, peut
déjà permettre la réception de nombreuses émissions européennes. Il est
parfaitement possible, en général, d’établir un poste populaire destiné
spécialement à l’usage dans les campagnes.
A. RONGÈRE,
Technicien radio.
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