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Causerie médicale

La prostate et son hypertrophie.

Tout au début de sa formation, l’embryon humain possède des ébauches d’organes appartenant aux deux sexes, et, selon qu’il évolue vers le sexe masculin ou féminin, les ébauches d’organes du sexe opposé s’atrophieront, tout en laissant quelques vestiges, qu’on peut encore reconnaître chez l’adulte, et l’on a reconnu que ces vestiges ne sont pas aussi inactifs qu’on l’a cru longtemps.

On appelle hormones des substances élaborées par les glandes à sécrétion interne, dont l’action se fait sentir sur le développement corporel et sur les fonctionnements des autres glandes. Or on sait aujourd’hui qu’il existe des hormones femelles chez le mâle et des hormones masculines dans le sexe féminin.

Chez l’homme, pendant la période génitale de la vie, ces hormones féminines n’exercent qu’une action insignifiante ; il se pourrait qu’il n’en fût plus de même lorsque l’activité génitale commence à s’éteindre, et une théorie ou, plus exactement, une hypothèse moderne envisage leur action dans ce qu’on a appelé l’hypertrophie de la prostate.

La prostate, ce petit organe en forme de châtaigne accolé à la partie inférieure de la vessie, renferme, en effet, quelques vestiges d’organes qui se sont développés chez la femme, et c’est précisément au moment du déclin de l’activité génitale qu’elle présente une tendance à augmenter de volume.

Bien qu’employé couramment, le terme d’hypertrophie de la prostate est inexact, car, loin de s’hypertrophier, chez le vieillard, la prostate tend, au contraire, à se scléroser et à s’atrophier ; l’augmentation de volume que l’on constate provient de la transformation de certaines glandes en adénomes qui sont des tumeurs qualifiées de bénignes parce qu’elles n’ont aucune tendance à envahir les tissus voisins, mais qui n’en sont pas moins gênantes. L’hypothèse à laquelle il vient d’être fait allusion veut que ce soient justement les vestiges d’organes féminins qui subiraient cette transformation sous l’influence des hormones féminines jusqu’alors refrénées dans leur activité par les hormones masculines.

La question est encore controversée, mais sur cette hypothèse, en somme plausible, on a échafaudé une thérapeutique qui semble avoir donné quelques résultats.

Les troubles occasionnés par l’adénome prostatique sont surtout d’ordre mécanique et peuvent se résumer dans une gêne plus ou moins accentuée de la miction, aggravée par le fait que, chez les gens âgés, la vessie a perdu une partie de son élasticité.

Placée au-dessous de la vessie, la prostate, lorsqu’elle augmente de volume, y crée un « bas-fond » dans lequel l’urine stagne et ne peut pas s’évacuer ; si cet état persiste et surtout si le sujet est obligé d’employer la sonde, il arrive inévitablement que ce résidu s’infecte et il en résulte des complications de cystite (infection de la vessie) qui peut se propager au rein par l’uretère et donner lieu à une grave pyélonéphrite.

Cette gêne dans l’évacuation de la vessie n’est pas proportionnelle au volume de l’adénome ; souvent, de grosses prostates ne s’accompagnent que d’une gêne minime, alors que certains petits adénomes peuvent occasionner des crises de rétention aiguë.

C’est là un des caractères de cette affection qu’elle présente des périodes de tolérance et que, pour une cause quelconque ou même sans cause connue, il survient des accidents aigus et graves.

Comme chaque fois qu’il existe un obstacle mécanique sur un canal, le calibre peut être brusquement rétréci par des phénomènes congestifs ou spasmodiques.

La rétention aiguë est toujours un accident dramatique ; le sujet, dont la vessie distendue remonte jusqu’à l’ombilic, ne peut plus uriner, malgré tous les efforts, qui ne font qu’augmenter la stricture.

En pareil cas, on s’adresse tout d’abord aux petits moyens, tels que l’application de suppositoires calmants, de compresses chaudes sur l’abdomen, de bains chauds ; s’ils échouent et que le sondage, pratiqué par une main experte, ne peut parvenir à franchir l’obstacle, il ne reste qu’à ponctionner la vessie pour placer ensuite une sonde à demeure dès que le canal sera redevenu perméable.

Lorsque ces accidents se répètent, le seul traitement à leur opposer était jusqu’ici d’ordre chirurgical et consistait dans l’extirpation de la prostate, opération toujours sérieuse, surtout lorsque la vessie est infectée ; on sait qu’en pareil cas l’opération se fait en deux temps ; le premier consistant en l’ouverture de la vessie, suivie de drainage et de lavages, l’énucléation de l’adénome n’étant entreprise qu’une fois l’urine devenue claire et la vessie désinfectée.

Or, en se fondant sur l’hypothèse qui a été envisagée ci-dessus, différents auteurs ont cherché un traitement médical en utilisant l’hormone mâle par voie d’injections intramusculaires.

On a commencé par employer des extraits d’organes, mais l’hormone s’y trouve en très faible quantité et le traitement aurait été des plus difficiles si on n’était parvenu à l’isoler et la fabriquer par synthèse ; on lui donne le nom de testostérone, et c’est sous forme de propionate ou d’acétate qu’on l’utilise.

Les résultats, disons-le tout de suite, ne sont pas constants, mais on a eu parfois des succès remarquables ; on a vu céder des rétentions aiguës, diminuer le résidu vésical et même disparaître tout à fait et s’atténuer considérablement tous les symptômes désagréables, alors que le volume de la prostate n’est que très rarement influencé.

On a objecté que le caractère de l’affection est de se présenter par crises qui, souvent, s’atténuent d’elles-mêmes et qu’on aurait attribué aux bons effets du médicament une amélioration spontanée.

D’après les objections publiées, il semble tout de même y avoir quelque chose de plus et, comme les injections intramusculaires d’acétate ou de propionate de testostérone n’offrent aucun inconvénient, qu’elles agissent, au contraire, très favorablement sur l’état général, il y a lieu, croyons-nous, de tenter ce traitement, qui peut, parfois, éviter une opération sanglante, quitte à y recourir en cas d’échec du traitement médical.

Il existe aujourd’hui, en pharmacie, plusieurs marques spécialisées d’acétate et de propionate de testostérone, sous des noms divers, sérieusement préparées, et qui donnent toutes garanties.

Leur emploi semble plus logique, et, en tout cas, plus commode, que la ligature des canaux déférents, opération qui avait été proposée pour renforcer la sécrétion interne du testicule en supprimant sa sécrétion externe.

Les bons effets des injections de testostérone, lorsqu’ils doivent se présenter, se manifestent dès les premières injections ; si ce n’est pas le cas, il est inutile d’insister, car, répétons-le pour ne pas causer d’espoirs excessifs, à côté de succès qui semblent remarquables, cette méthode en a donné de moins bons et compte un certain nombre d’échecs complets, pour lesquels on n’a encore trouvé aucune explication.

Il n’est pas interdit d’espérer que cette médication hormonale, en se perfectionnant, supprime la hantise de l’opération chez un grand nombre de sujets ayant dépassé la cinquantaine, à cette époque qu’on qualifie de « retour d’âge » de l’homme.

THÉOPHRASTE.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 625