Les circonstances n’ont pas permis l’application des
dispositions du décret-loi du 29 juillet 1939 qui avait institué une
limitation des bénéfices réalisés par les entreprises travaillant pour la
défense nationale (système étendu, à partir de la mobilisation, à toutes les
entreprises industrielles et commerciales dans certaines conditions) ; une
loi du 30 janvier 1941 (Journal officiel du 31 janvier 1941)
lui a substitué un prélèvement temporaire dont nous allons examiner les phases
de calcul, qui ont beaucoup d’analogie avec la contribution exceptionnelle sur
les bénéfices de guerre, instituée en 1916.
Tout d’abord, il convient de préciser que les dispositions
du décret du 29 juillet 1939 resteront applicables jusqu’au 31 août
1939, aux seules entreprises ayant travaillé pour la défense nationale. À
partir du 1er septembre 1939, la loi du 30 janvier 1941
soumet toutes les entreprises industrielles et commerciales, quel que soit leur
secteur d’activité, au prélèvement temporaire. Exception est faite pour les
petites entreprises bénéficiaires du forfait et du régime artisanal.
Cette causerie ne visera que les entreprises de toute nature
redevables à compter du 1er septembre 1939. La loi n’a pas
voulu limiter les bénéfices des exploitations, à plus forte raison le chiffre
d’affaires, mais mettre à la disposition de l’État une fraction de l’excédent
des bénéfices par rapport au bénéfice normal de l’entreprise.
Le prélèvement ne s’applique qu’aux entreprises relevant de
la cédule des professions commerciales ; par conséquent, celles classées
dans la cédule des professions non commerciales ne sont pas comprises dans le
champ d’application de la loi. Mais que penser du silence de la loi au sujet
des bénéfices des charges et offices dont les bénéfices sont imposables suivant
les règles de taxation des bénéfices commerciaux ?
La durée du prélèvement temporaire est fixée du 1er septembre
1939 au 31 décembre de l’année de la cessation des hostilités. Les rôles
seront établis et recouvrés comme en matière de contributions directes, les
exercices d’imposition correspondant en principe aux exercices comptables qui,
en cas de clôture en cours d’année, seront complétés jusqu’au 31 décembre
pour le dernier exercice imposable.
Comment déterminer le bénéfice servant de base au
prélèvement.
— Les calculs comportent trois catégories de
chiffres : la première concernant le bénéfice de comparaison ; la
deuxième s’appliquant au bénéfice total de l’exercice, et la troisième visant
le calcul du prélèvement. Examinons succinctement les moyens mis à la
disposition des contribuables :
1° Bénéfice de comparaison ou bénéfice normal.
— Deux méthodes sont à envisager :
a. Moyenne des bénéfices nets totaux des exercices
clos en 1937 et 1938, tels qu’ils sont déterminés pour l’assiette de l’impôt
sur les bénéfices industriels et commerciaux, avant déduction des revenus
fonciers et mobiliers. Les résultats doivent être pris isolément pour chaque
exercice, c’est-à-dire qu’il n’y a pas lieu de tenir compte du report de
déficits d’exercices antérieurs ; mais, si l’un des deux exercices est
déficitaire, la perte est déduite des bénéfices de l’autre exercice, et la
différence est seule retenue pour le calcul du bénéfice moyen de comparaison.
b. Application du taux de 6 p. 100 au
montant du capital engagé dans l’entreprise (moyenne du capital existant au
commencement et à la clôture de l’exercice et effectivement engagé). La somme
ainsi obtenue sera majorée de la rémunération normale du chef d’entreprise,
lorsque cette rémunération n’est pas admise dans les frais généraux (entreprise
exploitée à titre individuel, associés en nom collectif et en commandite). Le
texte légal précisant que le capital sera déterminé d’après les énonciations du
bilan, aucune difficulté ne peut surgir quant à cette évaluation. (Pour
bénéficier de cette disposition, les contribuables doivent en faire la demande
en même temps qu’ils déposent leurs déclarations annuelles. L’évaluation
forfaitaire est obligatoire pour les entreprises dont la création est
postérieure au 31 août 1939. L’option peut être différente d’une période à
l’autre ; elle n’a pas un caractère irrévocable, et le bénéfice le plus
avantageux peut être substitué à celui choisi.)
2° Bénéfice net réalisé pour l’exercice à comparer.
— Le même principe est à retenir ; le bénéfice est
celui résultant de la comptabilité et admis pour la cédule des bénéfices
industriels et commerciaux, avant déduction des revenus fonciers et mobiliers.
Mais il doit comprendre : a. les gains exceptionnels et plus-values
résultant des cessions d’éléments d’actif ; b. les provisions pour
renouvellement : des stocks, de l’outillage et du matériel ; d.
de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux.
3° Bénéfice imposable.
— Soit un contribuable qui a réalisé un bénéfice pour
une première période de 200.000 francs, toutes déductions autorisées
déduites :
Il a un capital d’engagé de 200.000 francs, et prélève
chaque année des appointements de chef de maîtrise de 30.000 francs ;
la moyenne des bénéfices des années 1937 et 1938, pour la même période de
comparaison, y compris le prélèvement personnel, est de 60.000 francs.
Notre contribuable a donc intérêt à choisir le bénéfice net
de 60.000 francs.
Son capital de 200.000 francs à 6 p. 100 lui donne |
12.000 fr. |
Auxquels il ajoute ses appointements |
30.000 fr. |
Soit un bénéfice de comparaison de |
———— 42.000 fr. |
Supposons, au contraire, qu’en 1937 il ait réalisé un
bénéfice de 60.000 francs et, en 1938, une perte de 20.000 francs ; il
lui resterait un bénéfice de 40.000 francs, et un bénéfice moyen de 20.000 francs ;
dans ce cas, il aurait intérêt à choisir le calcul du bénéfice de comparaison
d’après le forfait, ce qui lui donnerait 42.000 francs.
Voici le calcul du bénéfice imposable (en tenant compte que
le bénéfice de 200.000 francs est net de toutes charges examinées au
numéro 2 ci-dessus) :
Report du bénéfice total |
200.000 fr. |
Report du bénéfice de comparaison ramené à la même période
que le bénéfice réalisé (exercice de douze mois, 1er septembre
1939 au 3 août 1940) |
60.000 fr. |
L’excédent de bénéfice est de |
———— 140.000 fr. |
Sur cette somme, la loi prévoit un abattement à la base de |
10.000 fr. |
L’excédent de bénéfice taxable est donc de |
———— 130.000 fr. |
Calcul du prélèvement.
— L’exemple a été envisagé pour permettre l’application
de toutes les tranches des taux de prélèvements, de façon à éviter la
reproduction du tableau des pourcentages.
Report du bénéfice total |
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|
140.000 fr. |
Exonération à la base |
10.000 fr. |
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Le 1/4 du bénéfice de comparaison est de : 60.000 x 1/4 = 15.000 fr. |
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Le 1er quart supporte un prélèvement de 20 p. 100 |
15.000 fr. |
3.000 fr. |
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Le 2e quart supporte un prélèvement de 30 p. 100 |
15.000 fr. |
4.500 fr. |
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Le 3e quart supporte un prélèvement de 40 p. 100 |
15.000 fr. |
6.000 fr. |
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Le 4e quart supporte un prélèvement de 60 p. 100 |
15.000 fr. |
9.000 fr. |
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La différence de 140.000 francs avec |
———— 70.000 fr. |
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soit |
70.000 fr. |
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supporte un prélèvement de 80 p. 100 |
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56.000 fr. |
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Totaux |
———— 140.000 fr. |
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———— 140.000 fr. |
Total du prélèvement |
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———— 78.500 fr. |
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Cette somme de 78.500 francs est à retrancher du
bénéfice total de 200.000 francs ; reste 121.500 francs pour
calculer l’impôt cédulaire sur les bénéfices industriels et commerciaux.
Nous venons d’examiner un cas se présentant le plus
fréquemment ; il y a de nombreux cas particuliers que nous ne pouvons
traiter au cours d’une causerie d’intérêt général. Au surplus, nous aurons
certainement l’occasion de revenir sur les modalités d’application de la loi au
cours de la procédure de taxation.
Ernest-Bertin MARILLIER.
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