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La culture physique pour tous

Première leçon.

Nous donnons une première série de six mouvements de culture physique individuelle. C’est par ceux-là que l’on peut commencer l’entraînement à cette méthode d’entretien corporel, en exécutant de plus, au commencement et à la fin de la série, le mouvement respiratoire que nous avons précédemment décrit.

On remarquera tout d’abord que ces mouvements sont très simples. En culture physique, dans le désir de bien faire, on fait très souvent confiance aux gestes compliqués et difficiles. On arrive ainsi à imaginer des exercices qui exigent de grands efforts d’application, une sorte de virtuosité. C’est perdre de vue que la culture physique de formation et d’entretien est une gymnastique élémentaire ; c’est la transformer en une sorte de sport pour spécialistes.

Comme nous estimons que les sports, les vrais sports, sont les compléments de la culture physique, nous nous gardons de compliquer celle-ci, au point qu’elle fasse double emploi avec les exercices athlétiques. Ces mouvements simples doivent être exécutés simplement. En gymnastique méthodique, souvent on croit devoir porter une extrême attention à l’attitude que l’on prend et au geste que l’on exécute. Le corps se fige, se crispe même en une position que l’on s’impose comme correcte, et les mouvements se font lentement, sous une surveillance constante de l’attention. Cette façon de faire trop répandue a de fort mauvais effets, elle rend fastidieuse la gymnastique méthodique ; elle produit une dépense nerveuse considérable pour un travail musculaire fort petit ; ses effets sur le développement corporel sont à peu près nuls.

La correction n’est pas le but à atteindre ; elle est le résultat qui viendra par la pratique. Il s’agit tout d’abord de s’exercer comme l’on peut, de débiter, selon ses moyens, de l’activité musculaire. Donc exécuter les mouvements en souplesse, à cadence assez vive, sans crispation du corps, sans tension nerveuse. L’idéal est d’arriver par l’habitude à « faire sa série de mouvements » presque sans y penser, par automatisme réflexe : travail nerveux aussi léger, travail musculaire aussi énergique que possible.

Il faut prendre garde ensuite qu’un mouvement isolé n’a en soi aucune efficacité ; c’est l’ensemble des mouvements de la série qui agit. Ils ont été choisis de façon que toutes les grandes régions musculaires soient mises successivement en action et qu’en fin de compte tout le corps ait été exercé. D’autre part, le total des mouvements de la série réalise un travail d’une assez grande énergie, très supportable parce qu’il est mené progressivement, mais qui agit nettement sur toutes les grandes fonctions organiques : respiration, circulation, désassimilation et assimilation.

C’est donc une erreur de choisir au jour le jour tantôt un exercice, tantôt un autre, d’estimer que certains mouvements s’adressent particulièrement à ses propres besoins et que d’autres sont inutiles. C’est une erreur aussi que de restreindre sa culture physique à deux ou trois mouvements, à cinq ou dix minutes d’exercice ; si cela vaut mieux que rien, c’est tout à fait insuffisant pour développer vigoureusement le corps et lui donner de la résistance.

Quant aux mouvements spéciaux dont on peut avoir besoin pour combattre certaines faiblesses ou tares particulières, ils ne peuvent agir que lorsqu’ils sont pratiqués avec énergie par des personnes entraînées à la série normale d’exercices. Ils ne doivent venir qu’en complément de cette série normale à laquelle il faut commencer à s’habituer. Nous n’aborderons donc que plus tard l’exposé des mouvements spéciaux.

Un des avantages essentiels de la série que nous préconisons est que son exécution complète et parfaite, qui exige environ une demi-heure, aboutit à un exercice physique de grande intensité, et que, cependant, elle est très facilement dosable, de telle sorte qu’on peut s’y entraîner très progressivement, sans jamais risquer la fatigue, ni même la moindre courbature.

Ce dosage de l’exercice ne doit pas se faire, comme c’est trop souvent la coutume, en intercalant des arrêts, des pauses entre les divers mouvements, et en exécutant ceux-ci lentement et mollement. Il faut s’habituer dès le début à la série exécutée d’un trait, sans arrêt, tous les mouvements étant enchaînés les uns aux autres, et exécutés en souplesse, à bonne allure.

Mais, pour commencer, les mouvements seront peu nombreux, et c’est pourquoi nous n’en indiquons que six dans cette première leçon, alors que la série complète en comporte une trentaine.

Puis chaque mouvement ne sera répété que cinq fois de suite, alors qu’il faut arriver à vingt répétitions bien cadencées.

Cinq répétitions de chacun des six mouvements ne constituent qu’un travail très léger, à la portée de toute personne qui n’est point gravement malade. Et l’exécution de la série ainsi comprise ne demande guère que cinq minutes.

Le second jour, on répétera les mouvements six fois ; le troisième jour, sept fois ; et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on ait atteint les vingt répétitions, ce qui demandera environ deux semaines, peut-être trois ou quatre pour les personnes qui ne pourraient augmenter que d’une répétition tous les deux ou trois jours ces exercices abdominaux qui sont les plus difficiles.

À partir de ce moment, on ajoute à la série un ou deux mouvements nouveaux par jour, ou tous les deux jours, à la rigueur chaque semaine. Nous décrirons ultérieurement ces autres mouvements. Pour le moment, nous signalons seulement la facilité avec laquelle se constitue et se pratique la série complète grâce à la précision du dosage.

Plus tard interviendra un autre élément de dosage, la résistance qu’on pourra opposer aux contractions musculaires. Dès le début, cette résistance sera très légère, constituée par un bâton, long d’environ 1m,20, d’un diamètre de 3 à 4 centimètres. Bien que le poids d’un tel engin soit insignifiant, il assure plus de correction et de précision aux mouvements ; il vaut toujours mieux manier quelque chose que travailler à vide. Des haltères légers, des masses, des ballons et autres engins permettent de combiner d’excellentes séries de mouvements analytiques. Pour le moment, nous préconisons le bâton, le plus simple de tous les appareils et le plus facile à se procurer ; quand l’entraînement aura été un peu poussé, ce bâton pourra être remplacé par une barre de fer, de 2 à 6 kilos ; à ce dernier poids, il transforme la « série de mouvements » en un travail de très grande énergie, d’ordre athlétique.

Pour la commodité des descriptions et des conseils, nos mouvements sont partagés en cinq groupes : groupe A, mouvements des bras et épaules ; groupe B, mouvements dorso-lombaires ; groupe C, mouvements abdominaux ; groupe D, mouvements des membres inférieurs ; groupe E, mouvements généralisés.

Nous avons donné à chaque mouvement un nom aussi court et imagé que possible ; pour en parler ou les prescrire, cela nous paraît préférable aux longues et pédantesques dénominations comme : Élévation verticale des bras avec flexion et extension alternative des avant-bras ! Et nous voici, pour commencer, avec deux mouvements de chacun des groupes A, B, C. Le temps de nous y entraîner, et d’autres mouvements viendront enrichir ces trois groupes, et constituer les groupes D et F.

Docteur RUFFIER.

Les six premiers mouvements de la série de culture physique individuelle.

1. Mains hautes (A1).

— Position : pieds joints, corps droit, bâton de 1m,20 tenu en travers du corps devant les cuisses, à bout des bras tendus en bas. Premier temps : élever les bras tendus verticalement au-dessus de la tête, inspirer en même temps. Deuxième temps : ramener les bras en bas à la position de départ, en expirant.

2. Développé (A2).

— Bras fléchis, maintenant le bâton au travers des épaules. Premier temps : dresser le bâton au-dessus de la tête, les bras tendus, inspirer. Deuxième temps : ramener le bâton aux épaules, expirer.

3. Le salut (B1).

— Bâton tendu au-dessus de la tête, bras tendus. Premier temps : fléchir le tronc pour amener le bâton contre le sol, expirer. Deuxième temps : se relever pour ramener le bâton au-dessus de la tête, inspirer.

4. Le double salut (B2).

— Jambes écartées, bâton tendu au-dessus de la tête. Premier temps : tourner le tronc, les épaules, les bras et le bâton à gauche, puis se courber de ce côté pour amener le bâton vers le sol parallèlement au pied gauche. Expirer en se baissant. Deuxième temps : se relever latéralement, en inspirant, tourner le tronc vers la droite, se courber pour amener le bâton vers le sol parallèlement au pied droit. Repartir à gauche, ainsi de suite.

5. Genoux au ventre (C1).

— Couché sur le dos, bras dressés verticalement tenant le bâton. Premier temps : ramener les genoux contre le ventre, en passant sous le bâton, expirer. Deuxième temps : allonger les jambes en inspirant.

6. L’angle droit (C2).

— Couché sur le dos, comme en C1. Premier temps : dresser les deux jambes, tendues verticalement, jusqu’à toucher le bâton, expirer. Deuxième temps : ramener les jambes contre le sol, inspirer.

Répéter chacun de ces mouvements cinq fois de suite le premier jour, six fois le second, et ainsi de suite jusqu’à vingt répétitions.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 24