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Automobile

Carburants de remplacement : l’acétylène.

L’emploi de l’acétylène dans la traction automobile n’est pas nouveau. Les premiers essais datent de 1896 et furent menés par M. Cuinat. De nombreux chercheurs avaient fait appel au moteur fixe pour démontrer toutes les qualités de l’acétylène carburant, tels que Ravel, Provençal, Dr Carot, en France ; Moritz-Hile et Pinkert, pour l’Allemagne ; Pédrotti, pour l’Italie. Avant la guerre de 1914-1918, la Compagnie L’Auto-Acetylen Company utilisa ce carburant dans la traction automobile. En 1915, en France, M. Jaquelin faisait fonctionner à l’acétylène une antique Chenard.

C’est le carbure de calcium, qui, mis en présence de l’eau, donne naissance au gaz d’acétylène, gaz noble, riche en calories et composé de 92,3 p. 100 de carbone et 7,7 p. 100 d’hydrogène. Le résidu de cette combinaison est l’oxyde de calcium ou chaux. L’acétylène est le premier membre de cette grande famille des hydrocarbures, au sein de laquelle nous rencontrons le méthane, l’éthane, l’éthylène, le propane, le propylène, le butane, le toluène, l’octane, etc. ...

Théoriquement, 500 litres d’acétylène gazeux égalent un litre d’essence liquide. Pratiquement, 1 kilo de carbure donne 300 à 330 litres d’acétylène, dont le pouvoir calorifique varie de 1.100 à 1.400 calories au mètre cube.

Exprimé en équivalences « carbure-essence », on peut écrire que 2 kilogrammes de carbure remplacent un litre d’essence. Un fût du commerce contenant 70 kilogrammes de carbure à 2 fr. 70 le kilo supplée ainsi à 35 litres d’essence.

De ceci, il découle que l’on doit transporter en premier lieu un certain poids de carbure ; sur une voiture moyenne de 9-10 CV., il faudra emporter 23 kilogrammes pour parcourir 100 kilomètres. Reste l’eau. Elle ne coûte rien, mais son poids n’est pas négligeable. Pratiquement, il faut environ un litre d’eau par kilo de carbure de calcium traité dans les générateurs à pulvérisation et 5 à 6 litres d’eau par kilogramme de carbure avec les générateurs à contact.

Le monde technique a toujours été méfiant à l’égard de l’acétylène. On a reproché à ce gaz de donner naissance à une explosion brutale, malmenant à la longue les organes mécaniques du moteur. On a mis au point de multiples combinaisons pour « amadouer. » ce pur sang, notamment en le mélangeant à l’alcool. Quoi qu’il en soit, il semble bien que, si nous examinions les quelques milliers de véhicules ainsi équipés depuis la fin de l’année dernière, il n’y est guère de cas d’avaries imputables à l’énergie particulière de ce gaz riche.

De même les dangers de manipulation ont été facilement circonscrits, grâce à la mise au point d’appareils de sécurité particulièrement efficaces et d’un fonctionnement certain.

La semaine de l’acétylène qui s’est tenue à Tours, du 27 février an 7 mars 1941, a démontré toutes les qualités de ce carburant de remplacement. La démonstration comportait un examen du véhicule au point de vue de la sécurité et de la présentation, un essai industriel sur le parcours Tours-Angers-Laval-Le Mans-Tours, soit 330 kilomètres, un démontage des culasses pour examen ; sept automobiles de série y prirent part. Il n’y fut constaté aucune défaillance. Le maximum de rayon d’action sans recharge atteint fut de l’ordre de 150 kilomètres. Cette prouesse est certes remarquable, mais il faut noter qu’avec un générateur à contact le poids d’eau à transporter (6 litres d’eau par kilogramme de carbure) était considérable. Une Renault Prima-4 avait, en effet, un générateur d’une capacité en eau de 180 litres pour 24 kilogrammes de carbure, et l’équipement pesait 255 kilogrammes. Les autres véhicules possédaient des équipements dont le poids variait de 60 à 150 kilogrammes. Pourquoi tant d’eau, direz-vous ? C’est que ce liquide sert non seulement d’agent de décomposition du carbure, mais aussi d’agent de refroidissement. La production de l’acétylène étant accompagnée d’un important dégagement de chaleur, il s’agit d’évacuer le plus vite possible ces calories si l’on ne veut pas provoquer l’échauffement du carbure et risquer la polymérisation, c’est-à-dire la transformation désordonnée du carbure en divers corps de la famille des hydrocarbures avec tous les risques d’explosion qu’elle comporte. Le volume d’eau, si ennuyeux qu’il soit à véhiculer, apporte avec lui une garantie de sécurité.

Avec l’acétylène, les départs à froid sont instantanés et aussi faciles qu’à l’essence si on utilise la manivelle. Les reprises sont excellentes, grâce à la richesse du gaz. Pourtant il faut noter que son emploi réduit légèrement les possibilités de vitesse de la voiture. La durée de la recharge du générateur est de quinze à vingt minutes. Chacune de ces opérations doit être accompagnée d’un abondant lavage du générateur, afin de le débarrasser de toute la chaux résiduelle.

Il faut noter que, si la plupart des voitures qui fonctionnent à l’acétylène produisent, elles-mêmes leur gaz, ainsi que nous venons de l’exposer, il existe pourtant des installations comportant le transport de bouteilles contenant de l’acétylène dissous. Le gaz est alors transporté sous une douzaine de kilogrammes de pression dans des tubes standard semblables à ceux utilisés en soudure autogène.

Le poids de ces bouteilles est de l’ordre de 50 kilogrammes chacune. À titre de commentaire, notons que chaque bouteille peut assurer trois heures de marche à une voiture de 9 à 10 CV. et à la vitesse moyenne de 50 kilomètres à l’heure. L’équipement se borne, outre les bouteilles et la canalisation, à un mélangeur acétylène-air libre.

Comme pour le gazogène, l’alcool, l’électricité, les pouvoirs publics sont intervenus pour réglementer la circulation des véhicules marchant à l’acétylène. Depuis le 7 mai 1941 la transformation des véhicules à essence pour utiliser l’acétylène est arrêtée. Raisons : stocks de carbure insuffisants, pénurie d’emballages en tôle, manque de matières premières.

Notons que l’arrêté du 28 février 1941 a fixé les exigences auxquelles tout générateur d’acétylène doit satisfaire pour être homologué. L’essai de fonctionnement porte notamment sur la régularité et la souplesse de dégagement du gaz, ainsi que sur le débit continu maximum que l’appareil peut fournir, l’absence de polymérisation toujours si dangereuse, et, enfin, l’importance de la surproduction, après arrêt ou ralentissement du débit.

La mise en circulation d’un véhicule équipé avec l’acétylène est subordonnée à la possession d’une licence spéciale. Le délai imparti pour en effectuer la demande fut fixé à un mois, à dater du 1er mars 1941. Il y eut un délai de grâce.

Depuis, tout est entré en sommeil, mais les constructeurs, agents, chercheurs, espèrent en un avenir meilleur, qui permettra de mettre en lumière les avantages de cet intéressant carburant de remplacement.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

N. D. L. R.

— Depuis la rédaction de l’article ci-dessus, une décision du répartiteur, chef de la section Chimie, a interdit l’emploi du carbure de calcium et de ses dérivés pour la carburation (J. O. du 6 novembre 1941).

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 27