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Lettres de ma plate-bande

Pommes de terre nouvelles.
Les araignées rouges.
Potentille fraisier.
Salsifis et scorsonères.
Navets véreux et filandreux.
Le puceron du rosier.
Projet d’avenir.

Pommes de terre nouvelles.

— Un châtelain normand m’écrit : Pourriez-vous m’indiquer comment il faut s’y prendre pour avoir toute l’année, des pommes de terre appelées nouvelles dans les fruiteries qui se sont vendues plus de quatre francs la livre l’hiver dernier ? Je désirerais produire pour ma consommation.

Plusieurs procédés sont usités pour ce genre de primeur. En voici quelques-uns :

1° En juillet, planter en terre meuble et terreautée des tubercules germés provenant de variétés précoces, paraissant sur les marchés en février, mars. Les semenceaux, placés dans des trous préalablement arrosés, et en terre chaude, très peu recouvertes, s’enracinent rapidement. On butte au fur et à mesure, sans jamais couvrir les feuilles, en arrosant en cas de besoin. La récolte a lieu en novembre-décembre.

2° On plante en pots, dans la mousse, des variétés précoces (marjolin, belle de Fontenay, quenelle de Lyon, etc.). Les pots de 7 pouces (21 cm.), remplis de mousse, reçoivent un tubercule germé, à partir de janvier. On les enfonce dans le terreau d’une bâche ou d’une couche chaude. Courant février, on peut les placer dans une couche froide, et, en mars, les pots se mettent en pleine terre. Pas besoin d’engrais, mais il faut arroser copieusement. On récolte deux mois après, à plusieurs reprises, en détachant les plus gros tubercules du pourtour, puis on remet la motte dans le pot. Pendant le cours de la végétation, avoir soin de faire tourner le pot, sans le retirer, pour éviter l’enracinement extérieur. La plantation dans la mousse peut se faire également en serre, dans des casiers superposés.

3° C’est la culture classique, sur couche chaude, entreprise à partir de décembre. Les tubercules plantés à 20 centimètres de distance sur quatre rangs, sous les châssis de 1m,35, fournissent leur récolte en moins de deux mois, si on a la précaution de les faire germer au préalable dans des godets de 10 à 12 centimètres, avant de les repiquer. En période de forte gelée, il faut évidemment recouvrir le vitrage d’un épais paillasson. Enfin, on devra aérer largement, chaque fois que le temps le permettra.

Les araignées rouges.

— M. Bondon, à Carmaux (Tarn), pose une question qui, dit-il, intéressera beaucoup les lecteurs de sa région :

Existe-t-il un moyen radical pour empêcher les semis, principalement les carottes, d’être dévorés par les petites araignées et comment détruire celles-ci ?

L’araignée rouge, encore appelée trombidion, aoûtat, rouget, etc. ... est souvent incriminée un peu à tort de méfaits qui ne sont pas toujours son œuvre, mais celle des loches, des limaces et des lombrics (gros vers de terre). Je sais que l’aoûtat est un petit arachnide fort déplaisant, lequel s’attaque non seulement aux jeunes semis de carottes et autres, dont il dévore les feuilles tendres, mais aussi aux bêtes et aux gens qu’il gratifie d’intolérables morsures. Pour toutes ces raisons on déclarera la guerre aux trombidions en gênant le plus possible leur multiplication, en effectuant des saupoudrages à l’aide d’un soufflet, d’un mélange pulvérulent composé de soufre, de suie et de chaux en poudre.

Un traitement plus efficace encore consiste en des pulvérisations, sur les jeunes semis, d’une solution de pentasulfure, 4 grammes au maximum par litre d’eau. Au-dessus de cette dose on risquerait de brûler les feuilles tendres. La solution sera encore plus efficace, si on ajoute en même temps 2 grammes de nicotine alcaloïde également par litre.

Potentille fraisier.

— Un abonné écrit :

Je n’arrive pas à me débarrasser d’une herbe à racines profondes et dures qui infeste mon jardin et mes vignes. Ma terre étant compacte, il n’est pas possible de détacher les racines des mottes, pour les brûler. Connaissez-vous un produit qui détruirait cette plante indésirable sans nuire à la vigne, ni aux semis de printemps ?

Je suppose qu’il s’agit de la potentille fraisier, une rosacée à fleurs jaunes, dont les feuilles et les stolons ressemblent assez à ceux du fraisier. Dans les terres meubles, on vient assez facilement à bout des potentilles en multipliant les façons (bêchage, hersages, binages) ; mais, dans les terres fortes, il est absolument nécessaire de recourir à l’emploi d’une substance caustique, dans le genre du chlorate de soude, que l’on pulvérise au début de la végétation, et en cours de saison, si les feuilles réapparaissent. Ce traitement exige une interruption d’une année pour les cultures.

Si l’on ne veut pas d’arrêt pour les semis, je ne vois qu’un moyen, c’est d’acheter du crud ammoniac et de la sylvinite riche. Ce crud est généralement fourni par les usines à gaz. C’est un produit nettement caustique et toxique. Il ne faudra donc l’épandre qu’à l’automne sur la terre nue à la dose de 600 à 700 kilogrammes à l’hectare, et l’enfouir aussitôt par un labour d’arrière-saison. Au début du printemps, on épandra la sylvinite, 300 kilogrammes environ à l’hectare, que l’on enfouit par un labour préparatoire, moins profond que le premier. On peut ensuite effectuer les semis ou les plantations. Si toutes les racines de potentilles et autres n’étaient pas détruites par les deux applications d’engrais, on recommencerait l’année suivante. En procédant ainsi, on nettoie non seulement les terres de leurs plantes encombrantes et nuisibles, mais on les enrichit considérablement en azote et en potasse.

Salsifis et scorsonères.

— Quelle différence y a-t-il entre les salsifis et les scorsonères ? Quel est le plus intéressant de ces deux légumes et comment le cultiver ?

Le salsifis et le scorsonère appartiennent à la même famille des composées ; ils se différencient par les caractères botaniques ci-après :

Racines. Fleurs. Feuilles.
Salsifis Blanc jaune Rose violet Étroites
Scorsonères Noirâtre Jaune Larges

La valeur culinaire des deux légumes ne diffère guère. On les accommode indistinctement au jus de viande, à la sauce poulette, frits dans la pâte, etc. Au point de vue cultural, le scorsonère paraît être plus rustique et c’est à lui que les amateurs donnent généralement la préférence. On peut d’ailleurs le laisser en terre tout l’hiver, à condition de recouvrir la planche d’une épaisse litière au moment des grands froids.

La graine se sème en avril-mai, en lignes espacées de 25 centimètres, en la recouvrant de 12 à 15 millimètres de terre fine ou de terreau. La levée étant parfois assez capricieuse, il convient de maintenir la fraîcheur par de fréquents bassinages. Lorsque les plants ont deux feuilles, on éclaircit à 8 ou 10 centimètres et il n’y a qu’à effectuer, suivant les besoins, les binages et les désherbages. En terre fertile fumée à l’engrais complet, on peut récolter une centaine de bottes de scorsonères à l’are, chacune d’elles pesant 2 kilogrammes environ. Ne pas employer de fumier pailleux, qui ferait fourcher les racines.

Navets véreux et filandreux.

— M. Viard, à Eymet (Dordogne), voudrait savoir :

Pour quelles raisons mes navets sont-ils durs et invendables sur le marché ?

C’est une petite mouche aux yeux rouges appelée anthomye qui, en allant sur le collet des jeunes navets, engendre les larves lesquelles rendent les navets véreux en s’enfonçant dans la racine. Les navets attaqués végètent plutôt mal et ils deviennent ligneux, comme d’ailleurs toutes les plantes en souffrance. On contrarie la ponte de la mouche en saupoudrant sur les jeunes semis, à plusieurs reprises, un mélange en parties égales de suie, de chaux en poudre et de soufre, ce qui éloigne en même temps les altises. On recommande également l’épandage du marc de café.

Il convient, en outre, d’arroser fréquemment avec de l’eau fertilisée, afin d’activer la végétation des navets, ceux-ci étant d’autant plus tendres qu’ils ont crû rapidement.

Le puceron du rosier.

— De Poussau, M. Joseph Pedreny m’écrivait :

Je désirerais savoir quel remède employer contre les bêtes ou pucerons qui détruisent mes roses ?

Voici la formule insecticide la plus employée contre tous les pucerons, y compris ceux du rosier (doses pour 100 litres). Dans 97 litres d’eau, verser 1 litre et demi de nicotine à 10 p. 100 et mélanger par brassage. Ajouter ensuite 1 litre et demi d’alcool dénaturé à 90° ; puis 200 grammes de savon noir. Brasser à nouveau. On trouve aussi, dans le commerce, des insecticides concentrés, très efficaces, qui dispensent de la recherche des produits et des préparations fastidieuses, surtout lorsqu’il s’agit de traiter quelques sujets.

Projet d’avenir.

— Comment faire pour produire tous nos légumes dans un jardin dont la superficie ne dépasse pas 600 mètres carrés ? Nous sommes quatre personnes.

Étant donnée votre situation particulière, vous devrez soumettre votre potager à une exploitation très intensive, en forçant la nature, si vous voulez produire tous les légumes (racines, tubercules, feuilles et fruits) nécessaires à votre consommation familiale.

Il faudra, en premier lieu, que vous montiez deux couches à trois châssis maraîchers, de 1m,33 x 1m,33. Ces six châssis emblavés sans interruption, à l’état chaud, tiède et froid vous fourniront vos radis, salades, carottes, navets, épinards, choux-fleurs, de consommation courante, ainsi que quelques melons, principalement des primeurs. Je reviendrai sur le détail de la conduite rationnelle de ces deux couches.

Pour les légumes de réserve surtout destinés à la consommation d’hiver (pommes de terre, haricots, choux pommés, choux de Bruxelles, choux-navets, et raves, brocolis, carottes, etc.), le reste de votre potager suffira amplement à vos besoins, si toutefois vous savez ordonner convenablement vos assolements en faisant se succéder, sans interruption, les cultures précoces aux cultures tardives et vice versa, de manière à obtenir deux récoltes annuelles sur le même terrain. Ainsi, une parcelle ayant porté des pommes de terre précoces (Victor, Marjolin, Belle de Fontenay, etc. ...) sera emblavée après l’arrachage de haricots à récolter en vert. Une autre parcelle ayant fourni des pois précoces (Express, Sainte-Catherine, etc.) recevra une plantation de poireaux. Les carottes d’arrière-saison succéderont à une culture de choux de printemps (Express, Cœur de Bœuf) et des choux d’hiver viendront très bien après une récolte d’épinards ou de navets précoces, etc. ... Toutes ces applications seront passées en revue le mois prochain.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 30