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Sylviculture

Élagage des futaies de bois feuillus.

Dans les massifs de futaies de chênes ou de hêtres complètement repeuplées de chênes ou de hêtres par la méthode d’ensemencement naturel, il faut enlever, vers la vingt-quatrième année de l’âge du plant, tous les bois blancs. Cette extraction donne un bon produit. Le plant qui doit servir à former la futaie est encore faible, car il est extrêmement épais. On a compté sur une coupe de plants de hêtres âgés de trois ans jusqu’à un million de plants par hectare.

Une autre coupe bien fournie en hêtres de trente ans a donné onze mille perches par hectare. Une immensité de brins avaient péri ou avaient été enlevés dans les intervalles des époques ci-dessus.

La culture forestière a pour but d’enlever dans le temps le plus opportun ces plants qui étaient destinés à périr si le forestier n’était pas intervenu dans le double but de les employer utilement et de dégager plus promptement les brins qui doivent former les massifs de futaie. La principale difficulté est relative à l’espacement à donner à ces derniers dans chaque période de leur accroissement. On croit généralement que, si on resserre les arbres dans un espace restreint, ils prendront moitié de la force qu’ils auraient acquise dans un autre espace double pendant le même temps ; c’est une erreur, il s’en faut de beaucoup qu’il en soit ainsi. Dans un massif de sapins que nous avons observé et dont les plants sont de même âge, les arbres du pourtour ont un mètre de tour, ceux qui sont dans l’intérieur 0m,40, la hauteur est à peu près égale, en sorte que les derniers n’ont pas le cinquième de volume des autres. On peut faire la même observation sur des massifs de futaie. Un chêne de cent ans qui croît au milieu des massifs de futaie non éclaircis n’a ordinairement qu’un volume sept fois moindre que le chêne du même âge qui croît sur le bord du massif ou même dans une futaie en taillis. Ceci prouve qu’il faut étudier avec soin le moment où les plants commencent à languir et les enlever du massif qu’il ne faut pas cependant trop dégarnir, car les arbres ont besoin, pour croître en hauteur, de se soutenir mutuellement.

En ce qui concerne le nettoiement des forêts de conifères, beaucoup de forestiers veulent que les plantations d’arbres résineux soient éclaircies, mais, généralement, ils sont d’avis qu’ils soient tenus dans un état serré pour résister aux vents qui les fatiguent beaucoup plus que les arbres à feuilles caduques et pour que le sol demeure entièrement couvert. Dans un bois, le plus petit espace de terrain pour que les conifères croissent avec une vigueur apparente, on voit des centaines d’arbres résineux vigoureux s’élever dans un espace de 10 mètres carrés, mais ils finissent par s’éclaircir naturellement, une lutte s’établit entre eux ; les plus faibles ne tardent pas à languir, c’est sur cette indication qu’il faut procéder à leur extraction. Dans une plantation d’arbres résineux qui se gênent mutuellement, il faut procéder à l’éclaircissement par degrés en coupant les plants qui sont dépassés par les autres, au point que ceux-ci doivent bientôt les étouffer.

L’effet de ces éclaircies est de permettre aux arbres restants de développer leurs racines et de se développer en largeur. Les mélèzes et les épicéas seront tenus plus serrés que les autres espèces ; il faut aussi avoir égard à la profondeur du terrain, car, si la couche végétale est assez épaisse pour permettre aux racines de pénétrer à une profondeur de deux pieds, l’arbre sera beaucoup plus solidement assis que dans une couche de terre qui n’a que peu d’épaisseur. On peut, dans les premiers sols, éclaircir fortement, mais, dans le second, il suffit d’enlever les plants à mesure qu’ils paraissent devoir être étouffés prochainement. Il vaut mieux perdre un peu de temps sur l’accroissement que de risquer de voir l’arbre ébranlé et arrêté dans sa croissance par le défaut de solidité de ses racines. Dans tous les cas où l’éclaircie peut être pratiquée, il ne faut pas la négliger, car les arbres font plus de progrès en un an, après une éclaircie bien pratiquée, qu’ils n’en faisaient en trois ans dans l’état naturel primitif. Les montagnes de la Suisse sont couvertes d’épicéas qui croissent dans une couche de terre peu épaisse, reposant sur un roc impénétrable aux racines. On y voit des parties non éclaircies, qui sont couvertes de massifs épais d’arbres d’environ 40 mètres de hauteur et de 2, 3 et 4 mètres de circonférence, mais les portions qui ont été éclaircies par des coupes prématurées ou mal disposées sont dégarnies et ne paraissent pas devoir se repeupler. Dans la Marne, nous avons vu des plantations de pins trop espacés, ces arbres s’élèvent peu d’ailleurs ; le sol étant découvert, la plupart des sucs nutritifs s’évaporent, il faudrait garnir le sol de bois blanc pour former un abri compact.

Abornement des bois.

— Autrefois, quand le sol avait peu de valeur, on en marquait les limites par des arbres auxquels on donnait le nom de pieds corniers ; ces arbres parvenaient souvent à des dimensions colossales et ils étaient destinés à pourrir sur pied ; mais depuis que le terrain et les arbres sont devenus précieux, les propriétaires respectifs ont mis plus de soin dans la détermination des limites et ils ont fait abattre les vieux arbres. Le périmètre des bois est marqué par des bornes ou pierres ou par des fossés ; la meilleure des délimitations est l’ouverture d’une route mitoyenne sur tous les points de la propriété qui sont limitrophes d’un autre bois ; chacun des propriétaires ouvre un fossé sur son terrain pour percer et assainir la route ; on ouvre ainsi une voie commode pour le charroi des bois.

Des chemins et routes dans l’intérieur des forêts.

— Les routes qui traversent les forêts remplissent le double objet de séparer les exploitations et de servir à la traite des produits. Dans les plaines, les routes sont ouvertes en ligne droite ; elles servent à pénétrer dans les forêts dans tous les sens, de manière que, d’un point quelconque, le trajet d’un point à un autre éloigné soit le plus court possible. On emploie à cet effet un système de lignes brisées sous des angles très obtus. En général, l’extraction des bois dans les coupes est très pénible et très coûteuse ; les taillis et les arbres qui bordent les chemins ne permettent pas que l’air et la chaleur du soleil en dessèchent la surface, ces routes restent presque impraticables une grande partie de l’année, l’augmentation des frais de transport diminue considérablement le produit net de la coupe et retombe généralement sur le propriétaire.

On peut, en défrichant la quarantième partie de l’étendue superficielle d’une forêt, se procurer des débouchés commodes. On supprime tous les chemins tortueux que les besoins et les circonstances momentanées avaient fait ouvrir dans les bois. On essarte de chaque côté de la route un espace égal à la largeur de cette route et on y sème des prairies artificielles ou des céréales ; les récoltes sont très belles lorsque les arbres et le taillis sont élagués. Dans les coteaux, il est indispensable de tracer les chemins suivant la direction indiquée par les pentes. Les grandes plantations se disposent en massifs coupés par des routes. Les plantations de peu d’étendue doivent être le sujet d’un examen particulier. Ce sont, désormais, les plus nombreuses à raison de la division croissante des propriétés.

Les bois disposés en lisière de 20 à 50 mètres de largeur, les bosquets épars au milieu des terres, les chaussées plantées produisent dans un temps et un espace donné moitié plus de ce que rend un pareil espace de terrain placé au milieu d’une forêt dont le sol est doué de la même fécondité. On augmente ainsi la production des bois dans la proportion de 2 à 3. Mais ces bosquets nuisent plus ou moins aux récoltes des terres voisines qu’ils rendraient même improductives, s’ils étaient trop rapprochés les uns des autres, tandis qu’ils nuisent peu, s’ils sont disséminés sur de vastes étendues de terres. Aussi l’étendue respective de la production des bois et des céréales dépend des proportions. L’influence des bois sur la réussite des céréales s’étend souvent à une vingtaine de mètres. On peut en diminuer beaucoup les effets par les nettoiements et les élagages et surtout en ouvrant des fossés qui séparent les deux espèces de cultures. On doit chercher avec soin les positions les plus favorables pour l’emplacement des plantations.

Il n’est point de territoire qui n’offre quelques parcelles de terrain plus propres à cet emploi que tout autre ; les éminences, les pentes difficiles à cultiver, les coteaux exposés au nord, toutes les terres qui ne rendent qu’un faible produit peuvent être plantées en bois sans aucune perte pour l’agriculture. Il y a longtemps que l’on a reconnu l’utilité de planter des bosquets épars dans les pâturages, sur le bord des ruisseaux et des rivières ; ces arbres occupent un espace improductif et dans aucun cas ne diminuent la fécondité des terres voisines d’une quantité égale à la valeur des bois qu’ils procurent.

On a calculé qu’un territoire qui aurait la vingtième partie de son étendue en plants forestiers bien aménagés serait suffisamment boisé pour suffire aux besoins de ses habitants. La situation la plus favorable aux bois est celle qui les place à la portée des consommateurs.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 37